2. Ivoire, argent et mescal, objets « lisibidinaux »

Dans une lettre à Roger Casement, Conrad s’indigne de l’absence de critique de la part des états européens vis-à-vis de l’Etat du Congo :

It is an extraordinary thing that the conscience of Europe which seventy years ago has put down the slave trade on humanitarian grounds tolerates the Congo State today. It is as if the moral clock had been put back many hours96.

Cette remarque de Conrad peut, nous semble-t-il, se lire comme un « après-coup », une facette du signifiant énigmatique qu’est l’os poli dans la lèvre de l’esclave moderne. Le cri qui déchire la brume, « a cry, a very loud cry, as of infinite desolation, soared slowly in the opaque air. » (HOD, 73), peut-il se lire comme l’équivalent sonore de l’os, en quelque sorte greffé dans la lèvre inférieure du chauffeur dont il ne faut pas oublier que le rôle est d’alimenter la chaudière? Dans les deux cas il n’y a pas de déchiffrage possible, comme si le message avait été effacé par un polissage, un lissage qui mettrait à jour le cri, l’os97, le noyau autour duquel se dit quelque chose qui touche à la vérité, à l’innommable (de la Chose) et qui résiste à l’interprétation98.

C’est peut-être dans cette logique-là qu’il faut interpréter les dents limées du chauffeur : on peut y voir un polissage de ce qui contrôle la parole, l’énonciation. Ce qui fait barrage au cri, au « langage viscéral, érectile »99, dont le topos est la langue100 : « la langue, écrit Roland Barthes, c’est le phallus qui parle. »101. Or il semblerait que la langue originelle ne soit accessible qu’aux indigènes — relativement indemnes de la civilisation et de la culture européenne — dont les quelques interventions en anglais véhiculent la vérité appendue aux lèvres du chauffeur sous la forme de l’os poli102. En effet, nous entendons : « “Mistah Kurtz — he dead” » (112), ou encore, « “Eat ‘im” » (74), des paroles de mort et de dévoration qui touchent à l’intimité de la langue, dont certains sons auraient été comme gommés ou limés103 par un effet de patine que Roland Barthes évoque dans un essai intitulé « Le grain de la voix », à propos de la diction des consonnes :

Panzera recommandait au contraire, dans bien des cas, de les patiner, de leur rendre l’usure qui vit, fonctionne et travaille depuis très longtemps, d’en faire le simple tremplin de la voyelle admirable : la « vérité » de la langue était là, non sa fonctionnalité (clarté, expressivité, communication) [...]104

Ce rapport à la langue anglaise est peut-être à rapprocher de celui de l’infans en passe d’acquérir le langage et donc de devenir enfant, petit d’homme qui parle. Peut-être s’agit-il d’une langue originaire que nous retrouvons dans le cri de Kurtz avant de mourir « “The horror! The horror?” » (111, 121).

Il semble s’opérer une sorte de retour de la langue par le biais de ces énonciateurs privilégiés qui remettent en circulation une langue à la fois brute et patinée, un retour sur un mode différent qui fait penser à la spirale — « [...] il y a retour dans la différence, non ressassement dans l’identité [...]105 » —. R. Barthes nomme aussi cela « le sens obtus » — « celui qui vient “en trop”, comme un supplément que mon intellection ne parvient pas à absorber, à la fois têtu et fuyant, lisse et échappé » — par opposition au sens « obvie », celui « qui va au devant de moi »106. Or il est possible qu’à un tour de la spirale nous rejoignions la signification indiquée par Michel Leiris : « Enfin les dents sont parfois biseautées, comme chez les Fang (République du Congo) dont les incisives inférieures sont ainsi taillées alors que les supérieures sont limées en pointe, double mutilation qui aurait pour but d’évoquer le « crocodile notre père »107. Crocodile, ou la mère dévoratrice selon Lacan108, ou encore cet animal à la fois contemporain et archaïque à partir duquel Freud bâtit l’idée de la conservation dans le psychisme, établissant un parallèle entre l’inconscient et une Rome dont les décombres laisseraient apparaître les strates les plus anciennes simultanément avec les plus récentes.109

Dans une étude sur deux nouvelles de Virginia Woolf, « The Mark on the Wall » et « Monday or Tuesday », Denise Ginfray note que la « structure en spirale » de l’escargot qui s’avère être la marque sur le mur, peut s’interpréter comme la marque de « l’inachèvement, la possibilité préservée de remettre en branle le processus de déchiffrement [...] une superbe négation de la trajectoire linéaire du temps. »110. La forme circulaire de la coquille de l’escargot sur le mur, et de l’os poli dans la lèvre de l’Africain laisse entrevoir une similitude entre ces deux objets défiant le temps par leur forme et leur nature. En effet l’escargot associe la fuite du temps inscrite dans sa coquille et sa lenteur légendaire, il en résulte une sorte d’arrêt ou d’éternel retour avec une petite différence, un « petit-plus-de-jouir » qui nie la linéarité du temps.

En ce qui concerne l’os, il est explicitement associé au temps puisqu’il est comparé à une montre, instrument de décompte du temps s’il en est. Par ailleurs, l’os est la partie de notre anatomie qui résiste le mieux au temps, et à ses agressions. Il semble que ces incrustations, voire incarnations, coquille, os ou lettres ont aussi une fonction architecturale, d’une part au niveau diégétique puisqu’elles ont un rapport intime avec les murs des maisons, elles-mêmes métaphores du corps si on les considère sous l’angle d’un creux, d’un vide organisé qui se vide et se remplit au gré des allées et venues, des flux, du temps qui passe.

D’autre part, ces quasi-fossiles immobiles, réceptacles des marques du temps, et de la mémoire, ont à voir avec l’architecture même des romans de Conrad et Lowry.111 Peut-être pourrions-nous y voir des variantes de l’objet (a) lacanien112, objet du désir et du manque qui dans Under the Volcano apparaît sous la forme énigmatique et enchevêtrée des lettres dorées à la feuille qui ornent la façade de la maison de Laruelle, signifiant le manque d’amour qui ronge le Consul — « No se puede vivir sin amar »113 — et qui devient manquant dans Dark as the Grave Wherein my Friend is Laid:114 :

a panel of rough stone, covered with large letters painted in gold leaf, had been slightly set into the wall to give a semblance of bas-relief . These gold letters though very thick were merged together most confusingly. The Consul had noticed visitors to the town staring up at them for half an hour at a time. Sometimes M. Laruelle would come out to explain that they really spelt something, that they formed that phrase of Frey Luis de León’s the Consul did not at this moment allow himself to recall. (UV, 239 ; c’est nous qui soulignons)

Nous pouvons noter de nombreuses similitudes entre les entrelacs des lettres légèrement incrustées —« slightly set into the wall » (UV, 239) — et l’os quasiment imbriqué, « stuck flatways through his lower lip » (HOD, 70) dans la lèvre, comme s’il avait été mis là pour boucher le trou ... du Réel peut-être. Et de la même façon que l’escargot et l’os, les initiales enchevêtrées posent la question de l’interprétation qui, malgré l’intervention de Laruelle (« Sometimes M. Laruelle would come out to explain that they really spelt something, ») est sans cesse remise en cause, sans cesse remise en branle par ces touristes — « visitors to the town staring up at them for half an hour at a time. » — en arrêt devant ce texte énigmatique.

Le fait que le Consul, centre focal de la narration, à ce moment-là, refuse de se souvenir de la signification exacte des lettres dont il donne la source (« the Consul did not at this moment allow himself to recall ») est encore un signe en direction de l’éternel recommencement du processus de déchiffrement115 qui nous ramène à la spirale dont Shoshana Felman écrit :

[...] ce qui dans la spirale se répète, c’est une rencontre manquée avec soi, une rencontre manquée avec ce qui retourne et qui n’arrête donc pas de tourner116.

Processus qui, dans Heart of Darkness, est mis en péril puisque le message inscrit sur la planche de bois est escamoté, à l’image des dents limées du chauffeur. Comme l’os, le message est poli, érodé jusqu’à être illisible, indéchiffrable comme la signature sur la même planche : « There was a signature, but it was illegible » (HOD, 70). La succession de messages se poursuit avec la découverte du manuel de Towson, lui-même annoté en code chiffré :

The simple old sailor, with his talk of chains and purchases, made me forget the jungle and the pilgrims in a delicious sensation of having come upon something unmistakably real. Such a book being there was wonderful enough ; but still more astounding were the notes pencilled in the margin, and plainly referring to the text. I couldn’t believe my eyes! They were in cipher! Yes, it looked like cipher. Fancy a man lugging with him a book of that description into this nowhere and studying it — and making notes — in cipher at that! It was an extravagant mystery. (HOD, 71 ; c’est nous qui soulignons)

La transformation à l’oeuvre sur les messages et leurs supports semble ici opérer sur la voix narrative qui se dérègle progressivement et glisse vers une narration en style indirect libre, où viennent se mêler des formules visant à interpeller le lecteur, ainsi l’impératif de « Fancy a man lugging with him a book of that description [...] » (71), les phrases exclamatives, les tirets et les amorces de ruptures narratives caractéristiques du style oral où les reprises pronominales sont tronquées : « but still more astounding were the notes pencilled in the margin, and plainly referring to the text » (71).

Le flux syntagmatique est mis à mal, mimant peut-être la mise à sac du continent africain et laissant sourdre une autre voix narrative ironique, une autre instance du « je » qui vient se dire en marge du récit, et fait à la fois accroc et accrochage dans l’ordre syntagmatique et logique de la narration. Une jouissance autre ou « pas-toute » peut alors faire irruption : « in a delicious sensation of having come upon something unmistakably real » (71). L’utilisation des déictiques « that » et « this » crée un effet de « zoom », où la distance narrative varie à l’intérieur d’une même phrase et demande au lecteur d’accommoder son outil de lecture à des variations de distance narrative et de focalisation, ainsi qu’à des variations de registre avec des tournures plus familières comme « in cipher at that! » (71). Le lecteur se trouve pris dans un jeu de perspectives et de voix narratives dont émane une ambiguïté, à l’image des notes codées, griffonnées dans la marge du manuel de navigation de Towson et qui arrachent un « I couldn’t believe my eyes! » à Marlow. Ce soudain enrayage de la narration est, comme l’a fait remarquer Jeremy Hawthorn, tout à fait exceptionnel dans Heart of Darkness 117, ce qui ne fait qu’accroître l’intérêt de cette occurrence de style indirect libre.

L’émotion de Marlow est à son comble, ainsi qu’en témoigne la rupture narrative qui correspond à un moment d’absence de Marlow : « I had been dimly aware for some time of a worrying noise, and when I lifted my eyes I saw the wood-pile was gone, [...] » (HOD, 72).

Nous retrouvons le motif d’arrachage à la fin du même passage lorsque Marlow s’adresse à son audience à bord de la Nellie et dit : « I assure you to leave off reading was like tearing myself away from the shelter of an old and solid friendship. » (72 ; c’est nous qui soulignons). La transformation des défenses d’éléphant, exhumées comme on profane une tombe, en objets d’ivoire qui orneront les boudoirs de ces dames, celui de la fiancée de Kurtz notamment, ou en dominos pour ces messieurs comptables et autres rouages de la machine impérialiste capitaliste, se joue aussi au niveau des êtres humains, et finalement de l’acte d’écriture et de lecture. Ce dernier ne constitue-t-il pas en lui-même la transformation ultime d’un voyage réel en fiction que Conrad reconnaît être l’unique butin qu’il ait ramené de son aventure africaine : « This story, and one other [...] are all the spoil I brought out from the centre of Africa, where, really, I had no sort of business. »118

L’alchimie de l’acte créatif permet de passer d’un récit historiquement correct en apparence, à un acte d’énonciation hystériquement correct, et donc incorrect dans le sens où il met à défaut les signifiants maîtres sur lesquels s’appuient les semblants. L’acte d’énonciation vient alors s’articuler autour du vide, et du fantasme de dévoration.119

Notes
96.
The Collected Letters of Joseph Conrad, Volume 3, 1903-1907, Frederick R Karl &Laurence Davies, Cambridge University Press, 1988, p. 96. (Lettre adressée à Roger Casement, décembre 1903, c’est nous qui soulignons.) Désormais CLJC 3.’
97.
‘ Cet os fait penser à l’os de sèche qui, par effet d’anamorphose, s’avère être une tête de mort au centre du tableau de Hans Holbein, Les Ambassadeurs, National Gallery, Londres (1533).’
98.
‘ « Victimes de la notion de produit, de la « médiatisation » du langage, nous devenons chaque jour un peu plus incapables d’entendre et de déchiffrer les voix solitaires qui murmurent ou hurlent dans la nuit, le brouillard du contretemps, du contre-ordre, du contresens, du contre tout d’Henri Michaux... », T. Cartano, op. cit., p. 64.’
99.
‘ « Dans certains collages (vers 1960), les mufles, les gueules, les langues d’animaux viennent en abondance : angoisse respiratoire, dit un critique. Non, la langue, c’est le langage : non pas la parole civilisée, car celle-là passe par les dents (une prononciation dentalisée est un signe de distinction : les dents surveillent la parole) [...] » (Roland Barthes, L’obvie et l’Obtus, Essais Critiques III, Collection « Tel Quel », Paris, Seuil, 1982, p. 192)’
100.
‘ « Conrad choisit d’offrir pour tout objet de jouissance à ses lecteurs occidentaux un morceau de langue appendu à la gueule de l’Autre, et fait acte d’écriture en dévoilant l’origine/orifice énigmatique de toute énonciation, rétablissant à la manière de la psychanalyse “le pont unissant l’homme moderne aux mythes antiques.” » ( J. Paccaud-Huguet, « Du discours des maîtres à la langue de l’artiste : « An outpost of Progress » de Joseph Conrad. », De la Littérature à la Lettre. Poésie, fictions, arts. Domaine anglophone, éd. Adolphe Haberer et Josiane Paccaud-Huguet, Presses Universitaires de Lyon, 1998, p. 104.) ’
101.
‘ Barthes ajoute dans L’obvie et l’Obtus : « Dans un Conte de Poe, c’est la langue du mort magnétisé, non sa denture, qui dit la parole indicible : “Je suis mort” ; les dents coupent la parole, la font précise, menue, intellectuelle, véridique, mais sur la langue, parce qu’elle se tend et se bombe comme un tremplin, tout passe, le langage peut exploser, rebondir, il n’est plus maîtrisable : c’est sur la langue du cadavre hypnotisé que les cris de “Mort ! Mort !” font explosion sans que le magnétiseur puisse les réprimer et faire cesser le cauchemar de ce mort qui parle ; et aussi, dans le corps, au niveau de la langue, que Réquichot met en scène le langage total : dans ses poèmes lettristes et dans ses collages de museaux. », op. cit., p. 192. ’
102.
‘ Dans le même article, J.Paccaud-Huguet commente le graphe de la structure du discours des maîtres proposé par Lacan dans L’Envers de la Psychanalyse. Le Séminaire. Livre XVII. Elle démontre que ce graphe que Lacan écrit  , fournit « l’architecture dramatique » du récit de Conrad : « le Sujet $ est soumis aux illusions d’un signifiant maître S1, alors que l’obtention de l’objet de jouissance (a) est liée au travail de l’esclave localisé en S2, lieu d’un savoir instinctif dont le maître n’a cure. » (« Du discours des maîtres à la langue de l’artiste : “ An outpost of Progress” de Joseph Conrad. », op. cit., p. 105). ’
103.

Nous développons ce point dans : « Conrad and Lowry’s æsthetics of fiction : A ripple, a riddle », L’Epoque Conradienne, volume 26, Société Conradienne Française, Presses Universitaires de Limoges, 2001, pp. 31-42.

104.
L’obvie ..., op. cit., p. 240.’
105.
Ibid., p. 199.’
106.
Ibid., quatrième de couverture.’
107.
‘ M. Leiris, op. cit., p. 1239.’
108.
‘ J. Lacan, La Relation d’Objet, Le Séminaire. Livre IV, Paris, Seuil, 1994.’
109.
‘ « Mais avons-nous le droit de faire l’hypothèse d’une survivance de l’originel à côté de l’ultérieur qui est né de lui ?’ ‘Sans aucun doute ; une telle éventualité n’est déconcertante ni dans le domaine animique ni dans d’autres. Pour la série animale, nous tenons fermement à l’hypothèse que les espèces les plus évoluées proviennent des plus inférieures. Et pourtant nous trouvons aujourd’hui encore, parmi les vivants, toutes les formes de vie simples. L’ordre des grands sauriens s’est éteint et a fait place aux mammifères, mais un vrai représentant de cet ordre, le crocodile, vit encore avec nous. L’analogie est peut-être trop lointaine, elle souffre en outre du fait que les espèces inférieures survivantes ne sont pas, pour la plupart, les vrais ancêtres des espèces contemporaines plus évoluées. Les chaînons intermédiaires se sont en règle générale éteints et ne sont connus que par reconstruction. Dans le domaine animique, en revanche, la conservation du primitif à côté de ce qui en provient par transformation est si fréquente qu’il est superflu de prouver cela par des exemples ; le plus souvent, cette occurence est la conséquence d’un clivage du développement. Une part, au sens quantitatif, d’une position, d’une motion pulsionnelle, a été conservée sans modification, une autre a connu la suite du développement. » (Malaise dans la Culture, (1948), Paris, Presses Universitaires de France, 1995, p. 10)’
110.
‘ Denise Ginfray, « Modernité et esthétique : l’exemple de Virginia Woolf », Etudes Anglaises, 52ème année, n°1, janvier-mars 1999, Paris, Didier Erudition, p. 31.’
111.
‘ « Héritière de Bergson, de l’imagisme, du cubisme, la durée devient « structurée ». Chez Lowry, tout comme chez Joyce, Virginia Woolf ou William Faulkner, elle n’est plus seulement indication temporelle, mais aussi concept intellectuel, architectural. », T. Cartano, op. cit., p. 109.’
112.

Serge Cottet propose une définition de l’objet (a) qui divise, mais qui peut aussi faire bouchon : « La “logique du fantasme” fait, en effet, intervenir un objet nouveau, l’objet a (à prononcer objet petit a), dit cause de désir, qui est aussi bien la cause de cette division que le bouchon qui s’offre à colmater la brèche ouverte par le signifiant. » (Serge Cottet, « Je pense où je ne suis pas, je suis où je ne pense pas », in Lacan, sous la direction de Gérard Miller, Paris, Bordas, 1987, p. 26)

113.
A Companion ... , p. 273.’
114.
‘ Sigbjörn Wilderness retourne sur le lieu d’écriture de Under the Volcano, il habite la maison aux chevrons dont il remarque que les initiales dorées ont disparu : « “The funny chevron-shaped windows are still there, but there used to be some writing in gold leaf below them that you read from the road. And they seem to have knocked down one of the towers, though I notice some of the angels have reappeared on Señora Tigo’s house.” » ( Malcolm Lowry, Dark as the Grave Wherein my Friend is Laid, London, Pan Books, 1968, p. 153)’
115.
‘ On peut se demander pourquoi Lowry a fait disparaître cette inscription de la façade de la maison aux chevrons dans Dark as the Grave wherein my Friend is Laid. Il y a peut-être un parallélisme anachronique, certes, à faire avec une oeuvre d’un artiste moderne conceptuel allemand, Jochen Gerz, dont parle Gérard Wajcman dans L’Objet du Siècle. Cet artiste fait des monuments, dont l’un, intitulé Le Monument contre le fascisme (Hamburg, 1986), consiste en une colonne à section carrée de douze mètres de haut sur laquelle les habitants de la commune ont été invités à inscrire leur nom et qui dès son érection s’est enfoncée de 200 cm par mois. Au bout de six mois, la colonne a disparu, et Wajcman note : « à la disparition visible du monument à la mémoire répondra la transformation insensible des spectateurs en mémoire du monument. » (Gérard Wajcman, L’Objet du Siècle, Paris, Verdier, 1998, p. 193) ’
116.
‘ Shoshana Felman, La Folie et la Chose Littéraire, Paris, Editions du Seuil, 1978, p. 318.’
117.
‘ “Conrad’s use of the technique varies in range and extent very considerably from work to work. Heart of Darkness has hardly any examples of its use, while The End of the Tether has repeated and extended ones.” (Jeremy Hawthorn, Joseph Conrad : Narrative Technique and ideological commitment, Edward Arnold, A Division of Hodder and Stoughton, London, 1990, p. 2)’
118.
‘ J. conrad, Author’s Note to Tales of Unrest, p. vi. Cité par J. Paccaud-Huguet, « The remains of Kurtz’s day : Joseph Conrad and historical correctness. », septembre 2000, à paraître. (C’est nous qui soulignons) ’
119.
‘ J. Paccaud-Huguet distingue l’historiquement correct de l’hystériquement correct : « It is in each case a question of tearing something from the radical Otherness, but with a crucial difference : whereas the political masters displace the question of Otherness onto some historical other, using familiar words as smokescreens to mystify crowds, the artist casts a shadow-line that leaves a hint of the native obscurity on the word itself, giving that Otherness its correct place, thus preventing the emergence of any destructive word of command. [...] Being hysterically correct thus demands that the creative function of the word should outline itself out of no-thing, which [...] is the very speech act of Conrad’s fiction. », ibidem.