Ainsi, comme nous l’avons déjà évoqué, l’écriture de Conrad et de Lowry peut se concevoir comme un immense cri dont la déchirure fait écriture. Surgi d’entre les signifiants, de cet entre-deux, ce mi-dire qui caractérise l’hésitation moderniste234, ce cri fait penser à la naissance du son issu de la mise en vibration des cordes vocales par le passage de l’air. Nous avons vu en première partie l’analogie que dessinent Conrad et Lowry entre écriture et cri. Un cri qu’ils placent au-delà du langage, puisqu’ils en font un hurlement évocateur d’une souffrance inouïe :
‘As the last scream of anguish of the consciousness of a dying continent, [...] the final flaring up and howling, [...] might have some significance beyond the ordinary235.’Conrad utilisait la même métaphore du cri animal pour l’acte d’écriture dans sa correspondance : « [...] I am a dumb dog or no better than a whining dog. There’s not a bark left in me. I am overwhelmed and utterly flattened. »236. Barthes, quant à lui, parle d’une écoute non pas appliquée et intentionnelle, mais qui laisse surgir, revenant de la sorte « à un autre tour de la spirale historique, à la conception d’une écoute panique, comme les Grecs, du moins les Dionysiens, en eurent l’idée. »237. Or si cette « écoute panique » se fait, elle ne peut avoir lieu que de façon fragmentée, et son objet sera :
‘[...] la dispersion même, le miroitement des signifiants, sans cesse remis dans la course d’une écoute qui en produit sans cesse des nouveaux, sans jamais arrêter le sens : ce phénomène de miroitement s’appelle la signifiance [...].238 ’