1.2 L’architecture, expression de la culture
‘L’architecture est une expression de la culture’ 51. Cette péremptoire affirmation de l’article 1° de la Loi sur l’Architecture de 1977 avait certainement pour elle de satisfaire l’ego des architectes (enfin une Loi sur l’Architecture... qui valorise l’architecture en la deplaçant du du rang de l’artisanat et du savoir-faire au rang d’Art Majeur...) alors même qu’elle éliminait explicitement de l’architecture - donc, de la Culture - les constructions destinées au plus grand nombre, au peuple, les maisons individuelles, et presque tout le secteur de la construction du monde rural agricole (les bâtiments agricoles de moins de 800 m2 et les serres de moins de 2000 m2 selon l’article R-421-1-2 du Code de l’Urbanisme [52]).
On ne feindra pas de comprendre qu’il y aurait une Culture pour les seuls urbains, par opposition à l’agri-culture. Mais on retiendra ici la prégnance de cette architecture urbaine que Claire & Michel Duplay [53] nomment ‘Urbatecture’. Or la rupture est si évidente entre l’architecture souhaitée par le «sens commun» et celle proposée par les stars tout autant que par les «architectes artisans» que l’on est amené à l’intégrer dans la fameuse «fracture sociale» si souvent invoquée depuis quelques années seulement alors que Chermayeff et Alexander [54] décrivaient déjà en 1963 ‘«le fiasco des banlieues (Banlieue = nature ratée + pseudo-campagne + ville ratée)»’. Pourtant, il est en effet depuis longtemps banal d’associer, voire de faire rimer, architecture (urbanisme) et culture. Admirant les ruines de Machu-Picchu, nous faisons immédiatement référence à la Culture Inca, les pyramides nous renvoient aux hiéroglyphes, aux Pharaons et à la civilisation si développée de l’ancienne Egypte, les dessins et peintures troglodytiques nous portent à créditer nos lointains ancêtres d’une culture naissante, le Parthénon est reconnu comme la marque, l’expression d’une formidable culture.
Mais alors, dira-t-on que la Grande Arche de La Défense (architecte Van Spreckelsen) est une expression de la culture danoise ou de la culture française, la Pyramide du Louvre (architecte I.M.Pei) est-elle américaine ou française, les Galeries Lafayette (architecte Jean Nouvel) sur la Friedrichstraße à Berlin sont-elles de culture allemande ou française, Chenonceaux est-il français ou italien, la résidence royale de Drottningholm est-elle un château suédois ou français ?
Si notre culture (et partant, notre architecture) s’est construite sur des apports grecs, romains, espagnols, arabes, italiens, on a vu ensuite essaimer l’architecture gothique (si spécifiquement française du nord de la Seine) dans l’Europe du nord et jusqu’en Angleterre, et ensuite la prolifération des Places Royales et des palais «à la Versailles» comme le château de la Solitude près de Stuttgart (architecte De La Guêpière), le pavillon de chasse Amalienburg près de Münich (architecte François Cuvilliès), le pavillon du Zwinger à Dresde (architecte Daniel Päppelmann), la résidence de Würzburg (architecte Balthazar Neumann).
L’architecture, en tant que médiation symbolique de l’identité et du lien social, peut ainsi circuler et se diffuser (Bernard LAMIZET [55]) ‘«quand la dimension esthétique de la création culturelle ne se trouve pas en conflit avec la dimension politique et institutionnelle du consensus social».’