La chambre berlinoise, qui, dans sa traduction française n’évoque rien, est directement issue de cet urbanisme conçu par l’ingénieur des égouts :
‘«Ce sont de véritables salles de danse aux lueurs crépusculaires ; leur unique fenêtre d’angle vous offre l’excitant spectacle de sept poubelles de l’arrière-cour et tout au loin, d’un segment de ciel. C’est la «chambre berlinoise». [...] A Berlin, l’appartement bourgeois possède la forme d’un L. Sur le devant vous avez trois ou quatre pièces (c’étaient jadis le bureau de Monsieur, le boudoir de Madame, puis le fumoir et le salon) ; ensuite le couloir fait un coude à angle droit et nous mène dans la partie réservée au service de l’appartement, là où se trouvent salle de bain, cuisine, chambre de bonne, chambre d’amis, etc. Le domine extraterritorial entre l’aile des maîtres et celle de domestiques, c’était la «chambre berlinoise». Elle se trouve juste à cet angle. C’est dans la «chambre berlinoise» qu’aboutissent le couloir des domestiques et celui des maîtres.» [ 65 ] ’Ces grandes pièces mal éclairées, après avoir été la marque de l’habitat bourgeois, ont vu leur destination évoluer après 1945 : d’abord comme salle d’attente des cabinets de médecins, ou salons de pensions de familles, puis salles de réunion des communautés d’étudiants ou d’opposants politiques, chambres communes pour «l’amour sans jalousie» des années 60. C’est aussi dans la chambre berlinoise que l’on commença à fumer divers «joints» et «pétards». Si la chambre berlinoise est spécifique de Berlin, le terme même est devenu le symbole de l’indépendance intellectuelle et politique d’une jeunesse.
[] HARTUNG Klaus (1983). ’Façade et intérieurs’, in Berlin, le ciel partagé, Revue Autrement - Janvier 83