Chapitre 2 : Le projet de recherche

2.1 Problématique

Dans un premier temps (chapitre 1 - L’état des lieux), partant d’ECO et de Barthes, nous avons préalablement voulu examiner comment l’architecture de la ville (la ville elle-même) peut valablement (c’est à dire hors de toute métaphore) être considérée comme un langage, ou à tout le moins comme un système codé à partir duquel un «lecteur» peut formuler une signification, et nous avons voulu exclure le simple jeu de l’esprit d’intellectuels qui ne se sont jamais attelés à un projet d’architecture ou à la (re)constitution d’un morceau de ville.

Nous avons pu constater qu’un objet ou un élément d’architecture peut être dit signifiant d’un signifié (une fonction, une pratique, un rite, etc.). Plus avant, il est clairement apparu que la relation signifiant/signifié est en architecture, comme dans la langue, arbitrairement installée dans un codage culturel. 80. Un signifié dans une culture n’a pas nécessairement son équivalent dans une autre culture. Un signifiant dans une culture n’a pas nécessairement son équivalent dans une autre culture. Un signifiant peut avoir des signifiés différents dans des cultures différentes. Nous sommes donc fondés à poser ici deux jalons :

  1. L’architecture semble bien être, sinon un langage, du moins un système de représentation et de signification fondé sur une relation arbitraire entre un signifiant et un signifié.

  2. L’architecture apparaît également comme média puisqu’elle concourt à la représentation dans l’espace public d’une culture, d’une appartenance, d’une médiation entre le singulier et le collectif.

Un troisième jalon vient en opposition :

  1. Les architectes dans leur pratique professionnelle comme dans l’enseignement de l’architecture (et de la ville) semblent ignorer ces considérations, voire les refuser.

Le paradoxe troublant de cette situation fonde le questionnement du présent travail et les trois jalons que nous venons de poser en délimitent le champ :

  • Dans la mesure où l’architecture serait un langage, on pourrait admettre qu’un apprentissage s’opère naturellement par l’expérimentation à l’instar de l’acquisition de la langue maternelle. Pourtant le décalage gigantesque entre l’architecture-des-architectes et l’architecture-du-public pose question. S’agirait-il alors d’une langue étrangère qu’il faut «apprendre» ? Si l’architecture peut être dite langage, quel message est donc lu, compris, par le public ? Que peut apporter au public une démarche de médiation culturelle, peut-on le faire accéder à l’intelligibilité des nouvelles formes d’écritures architecturales (l’architecture du vingtième siècle) qui jusque-là lui semblaient incompréhensibles ou même rebutantes ?

  • Les multiples tentatives de décryptage de l’architecture-langage s’épuisent dans une volonté simplificatrice d’élaboration d’un système vocabulaire/syntaxe de l’objet qui voudrait oublier l’arbitraire de la relation sémiotique entre signifiant et signifié. Si la ville n’existe que comme un ensemble de représentations de la ville régulièrement re-construites dans une pratique, comment fonctionnent ces systèmes de représentations ?

  • Partant de ces processus de représentations, nous montrerons que la ville est un ensemble cyclique constitué de quatre processus de transformations successives : concevoir, aménager, habiter, imaginer. Ces quatre étages se projettent sur des plans-interfaces (urbanisme, ville réelle, image de la ville, politique).

Notes
80.

Nous notons à cet instant combien l’insertion de la coupure sémiotique (cf. supra ppet suiv.) dans le processus de signification de l’architecture va à l’encontre des certitudes architecturales évoquées dans notre Avant-Propos, certitudes qui ont fait les beaux jours de l’académisme du quai Malaquais. Ces certitudes se perpétuent sous d’autres avatars au gré des modes architecturales.