Chapitre 4 : Lire l’architecture : un apprentissage

Objet d’une commande de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Rhône-Alpes sur les usages des Journées européennes du patrimoine, notre Etude de Publics a été réalisée du 16 septembre 2000 à fin mars 2001. A l’occasion du thème de la manifestation pour l’an 2000 (l’architecture du vingtième siècle), et dans le cadre d’un processus de patrimonialisation, cette étude montre comment une telle manifestation instaure de nouvelles relations entre le grand public et l’architecture récente.

Soixante-deux personnes ont donc été interrogées les 16 et 17 septembre 2000 sur six sites différents de la région Rhône-Alpes. Ces sites avaient été retenus au préalable pour leur exemplarité, chacun reflétant des aspects incontournables de l’architecture du vingtième siècle dans la région.

  • Les différentes époques sont représentées (à l’exception du tout début du siècle pour lequel la question de la patrimonialisation se pose autrement) : les années trente avec Tony Garnier, l’après-guerre avec l’église du plateau d’Assy ; les années soixante avec Le Corbusier, soixante-dix avec les châteaux d’eau de Philolaos, quatre-vingt avec Renaudie, jusqu’aux années quatre-vingt-dix et la Cité Internationale de Lyon (Renzo Piano).

  • Des bâtiments de toutes natures : logements collectifs (Cité des Etats-Unis, Etoiles de Givors, Unité d’Habitation de Firminy), édifice religieux (plateau d’Assy), ouvrage d’art (Valence), bâtiment public et de services (Cité internationale).

  • Certains des sites retenus sont déjà en temps ordinaire l’objet d’actions plus ou moins régulières de médiation culturelle (musée urbain Tony-Garnier, Le Corbusier à Firminy...), d’autres peu ou pas du tout.

Parmi les entretiens enregistrés, certains entretiens n’ont toutefois pas été retenus pour l’analyse. Ils ont été écartés pour des motifs divers : quelques uns sont inaudibles, d’autres nous ont paru trop courts ou trop « pauvres » ; d’autres encore auraient nécessité une approche complémentaire, comme ces deux entretiens à Valence témoignant d’une vive altercation dans laquelle se trouve impliquée l’enquêtrice92.

Ce rapport présente dans un premier temps un état des lieux de la relation qui s’instaure au cours de la manifestation entre le public des Journées européennes du Patrimoine et l’architecture du vingtième siècle. Des extraits des propos recueillis auprès des visiteurs (notés en caractères distincts) émaillent notre texte afin de rendre compte plus directement de l’esprit dans lequel les visiteurs font usage de l’offre proposée à cette occasion. Dans un second temps, nous reconsidérons les résultats ainsi produits de manière plus transversale, faisant ainsi émerger quelques axes forts de cette relation entre le public et l’architecture du vingtième siècle.

Nota 1 :

  • Les persones entendues sont répertoriées par une lettre qui indique le lieu :
    • C pour Cité Internationale

    • F pour Unité d’Habitation de firminy

    • G pour la cité des Etoiles à Givors

    • P pour Notre-Dame-de-Toute-Grâce sur le plateau d’Assy à Passy

    • T pour le quartier des Etats-Unis et le musée Tony Garnier

    • V pour les châteaux-d’eau de Valence

  • un numéro d’ordre de l’enregistrement

  • une lettre h ou f indique le sexe de la personne

  • le chiffre 1 ou 2 pour distinguer les interlocuteurs d’un même entretien

(exemple V3f2 : Valence, entretien 3, sexe féminin, deuxième interlocutrice)

Nota 2 : Le lecteur trouvera en annexe, outre les documents concernant la réalisation de l’enquête à proprement parler (grille d’entretien, liste des personnes interrogées...), une analyse de la composition socio-démographique d’un échantillon de visiteurs des différents sites étudiés.

Notes
92.

Ce conflit entre une femme middle class, un jeune beur et l’enquêtrice (d’abord perçue comme une sorte d’enseignante bienveillante puis rejetée ensuite en tant que suppôt de l’administration) nous ramenait à l’architecture “ fait du prince ”, et à la lecture des conflits récurrents entre “ l’architecte, le prince et la démocratie ”. Mais elle nous ramenait surtout à l’architecture, fait de société, ou plutôt, comme le proclame l’article premier de la loi sur l’architecture de 1977, à l’architecture comme expression de la culture. Une culture si mal répartie que l’architecture du vingtième siècle, née du déplacement de l’architecture-pour-le-prince vers l’architecture-pour-le-peuple, s’avère encore largement incompréhensible.