4.2.3 A l’épreuve du public

Une architecture en représentation(s)

a) Mesurer la valeur de l’architecture du vingtième siècle ?

Le public qui aime admirer les valeurs du travail (du charpentier, de l’orfèvre, du mâçon, etc.) accepte en hochant le tête le prix d’acquisition d’une oeuvre de Van Gogh mais ne comprend pas vraiment celui des oeuvres d’artistes contemporains tels que Rauschenberg ou Twombly. S’il est clair que la valeur d’échange ne mesure pas la valeur d’un Van Gogh, l’énormité du prix est tout de même le signe de d’une « oeuvre exceptionnelle » et de sa place dans la production artistique historique. De la même manière, les toiles et les fresques de Notre-Dame-de-Toute-Grâce ont-elles une valeur mesurable : leur valeur potentielle d’échange à Drouot ou chez Christie’s. Une valeur certes fluctuante au gré des modes, une valeur sans lien avec la matière ou l’usage, mais une valeur référencée.

En revanche, quelle peuvent être les valeurs du château d’eau de Valence ou d’un appartement de la cité des Etats-Unis ? Hormis leur valeur de construction ou leur valeur foncière ces édifices ont-ils une autre valeur ajoutée ? Plus généralement, quelle est la valeur de l’architecture (de la qualité architecturale) aux yeux du public ? L’architecture du vingtième siècle, prolixe et multiforme, se transforme sous une cadence rapide, de l’ordre d’une dizaine d’années. Au delà des effets de mode imposant leur vocabulaire (le parpaing brut104, le bardage horizontal, le VEC105, etc.) marquant chaque « nouvelle vague » (lancée par les stars et validée par les revues d’architecture), et si les valeurs fondamentales énoncées par Alberti (firmitas, commoditas, voluptas) restent inscrites au coeur des recherches et des réalisations, c’est bien une problématique nouvelle de l’architecture qui a vu le jour avec la révolution industrielle, puis qui s’est sans cesse déplacée sous les poussées successives des évolutions de la société.

Notes
104.

Le parpaing brut en façade a été le signifiant de la modernité dans les années 1970 - 1985. Ses capacités hydrophiles le rendant réellement incapable d’assurer l’étanchéité de la façade, on en était arrivé à l’utiliser non plus comme structure porteurse mais comme habillage de la façade réelle. Remercions Umberto ECO de nous avoir appris à traverser «la guerre du faux» avec humour.

105.

Le VEC (Vitrage Extérieur Collé) est devenu à partir de 1980 le must pour la façade d’un bâtiment de bureaux qui veut dire sa modernité. Le VEC s’est rapidement imposé comme un moyen facile et flatteur de traiter une façade sans trop d’effort...