4.3 Thèse

Le public des Journées européennes du patrimoine, quoique rarement motivé par l’architecture spécifique du vingtième siècle, a répondu favorablement à la proposition de découverte qui lui était faite en cette année 2000. Nous savions déjà que le rapport établi a priori entre ce public et cette architecture est assez ambivalent, fait de familiarité et de réticence, voire de rejet ; une relation plutôt passionnelle somme toute. La « nomination » de l’architecture du vingtième siècle au titre de patrimoine à l’occasion des Journées européennes du patrimoine interpelle en fait le public par plusieurs aspects.

D’une part, le rapprochement avec la notion de patrimoine modifie de toute évidence les représentations attachées communément à l’architecture du vingtième siècle. Loin de se désintéresser de cette remise en cause, le public manifeste alors un intérêt nouveau pour ce qu’il avait tendance naguère à dédaigner. L’architecture du vingtième siècle, en dépit des critiques qui persistent éventuellement, apparaît bien comme une affaire d’intérêt général, que le public prend au sérieux.

D’autre part, la présence massive de cette architecture dans sa vie de tous les jours la rend finalement assez représentative de ce quotidien. La mise à l’honneur que produisent les Journées européennes du patrimoine est certes celle des oeuvres d’art que les visiteurs viennent connaître, mais c’est aussi celle de cette vie quotidienne qu’ils sont fiers de reconnaître. Cela touche bien sûr aussi à la représentation du territoire dont on connaît la portée affective.

Les valeurs de cette architecture lui sont reconnaissables, notamment en ce qui concerne l’amélioration des conditions de confort du logement, la créativité de formalisations parfois choquantes mais novatrices, et plus largement des qualités de luminosité et de transparence.

La modernité est néanmoins incomprise car le public ne retrouve pas les signifiants et référents formels auxquels il est habitué (auxquels il a été habitué par la médiatisation d’un conservatisme culturel). Les difficultés relationnelles assez conflictuelles que le public entretient avec cette architecture sont initiées par deux vecteurs interdépendants :

Une attente forte et permanente s’exprime pour recevoir une information, voire même une formation, afin d’accéder à cette architecture. Cela demande implicitement qu’un classement intelligible et « acceptable » soit produit de ce que l’on pourrait envisager de conserver dans un corpus différencié constituant l’architecture du vingtième siècle. La patrimonialisation qui est en cours d’opération introduirait là où cela faisait défaut un ordre, une hiérarchisation qui viendrait résoudre à sa manière le malaise souvent ressenti à l’égard d’une architecture protéiforme vécue comme un chaos.

Il est essentiel de souligner la « bonne volonté » du public dans cette médiation. Aucun des visiteurs ne laisse entrevoir le moindre doute quant à la pertinence de la nomination de l’objet architectural par l’instance culturelle, ni quant au discours du guide. La relation du public à l’instance culturelle organisatrice des Journées est celle de l’élève à l’instituteur du Cours Préparatoire : le maître est reconnu dans son statut sans que le moindre doute n’entache sa supposée compétence, il représente à la fois le savoir, l’ordre et le progrès. Cette attitude réceptive doit être naturellement rapportée au seul échantillon des visiteurs et ne saurait être généralisée comme la constante des dispositions de la population dans son ensemble107.

A l’issue de cette étude, à partir et au delà des entretiens exploités, nous proposons une synthèse à triple entrée :

Notes
107.

Cf l’altercation intervenue à Firminy et révélatrice d’une possible opposition à ’l’ordre culturel’