4.3.1 L’architecture du vingtième siècle comme patrimoine ?

L’intitulé de cette étude posait une double question au public sortant de ses visites lors des Journées européennes du patrimoine :

Quelle(s) valeur(s) le public attribue-t-il aux successives modernités de l’architecture du vingtième siècle ;

Quels critères le public évoque-t-il pour justifier un classement au titre du patrimoine.

Les entretiens exploités montrent qu’un déplacement du jugement porté sur l’architecture du vingtième siècle a lieu sous l’effet de la double médiation du guide de visite et de ce rituel laïc que la manifestation a institué avec succès depuis 1984. Les aspects négatifs sont estompés par l’apparition et la reconnaissance de valeurs jugées positives présentées dans le tableau ci-après.

Tableau 2 : Les valeurs reconnues de l’architecture du vingtième siècle
Fonction-nalité confort Transparence spatialité couleurs Pensée réifiée formes
Cité internationale X X X
Unité d’habitation
de Firminy
X X X X X
» Les Etoiles »
de Givors
X X X X X
Eglise
N.-D.-de-Toute-Grâce
X
Musée urbain
Tony-Garnier
X X X X
Châteaux d’eau de Philolaos X X X

L’intelligence de l’organisation spatiale et l’intelligibilité des lieux s’imposent comme la valeur marquante de cette architecture dont l’apparence ne séduit pas vraiment, surtout lorsque le béton brut la connote défavorablement et laisse craindre que l’effet du temps soit bien incapable de lui donner un jour la charmante patine de l’ancien.

En ce qui concerne les critères de classement de ce patrimoine, le public distingue clairement mode et modernité : un délai raisonnable de réflexion (de l’ordre d’une génération) lui paraît nécessaire pour valider une labellisation patrimoniale. C’est sous cette réserve – le recul du temps – que les critères d‘élection peuvent être classés par ordre décroissant :

  • la valeur d’Histoire (de l’architecture) s’impose au travers de notre échantillon avec la créativité (représentée par l’originalité) et la rareté,

  • la notoriété vient ensuite, où se mêlent celle du bâtiment ou du site, celle du concepteur ou celle de l’originalité de la conception, ou celle des créateurs d’oeuvres abritées par le bâtiment

  • la technicité et la beauté, qui pourtant sont directement liées à l’acte créatif de l’oeuvre, ne semblent pas vraiment significatives.

Tableau 3 : Les critères patrimoniaux
rareté prestige notoriété ancienneté créativité technicité beauté
Cité internationale X X
Unité d’habitation
de Firminy
X X X X
» Les Etoiles »
de Givors
X X X X
Eglise
N.-D.-de-Toute-Grâce
X X X X
Musée urbain
Tony-Garnier
X X
Châteaux d’eau de Philolaos X X X X

La notion de prestige habituellement associée au patrimoine (comme « Trésor national ») n’est pas significative en raison de la nature des bâtiments retenus pour l’étude, exception faite de la Cité internationale qui a valeur de bâtiment public d’importance. La beauté n’est pas ressentie dans cet échantillon, sauf pour les deux cas particuliers que sont les châteaux d’eau de Valence et l’église de Notre-Dame-de-Toute-Grâce dont la beauté est reconnue dans les oeuvres exposées et non dans l’architecture.