4.3.2 Des bâtiments comme des stars

Les bâtiments « nominés » pour cette manifestation se comportent comme des stars, ou plutôt induisent chez ceux qui les pratiquent un comportement de relation à une star : grandes divas insupportables, belles mais froides, célèbres mais laides, l’essentiel est que leur notoriété rejaillit sur ceux qui les approchent.

Chaque site, par son caractère, induit en réponse une attitude spécifique :

Malgré une notoriété naissante, l’architecture de la Cité Internationale ne déclenche pas une forte adhésion du public et la seule qualité qu’on lui reconnaît est dans la transparence. Ses fonctions programmées et son éloignement du centre-ville ne la rendent pas quotidienne, si ce n’est comme une sorte de très belle galerie marchande d’un hypermarché de luxe (le Hilton, le Casino) où l’on va au(x) cinema(s).

Perchée sur sa colline, l’Unité d’Habitation de Firminy, la mal-aimée, bénéficie de l’énorme notoriété de Le Corbusier. Les visiteurs, en sortant, disent combien leur vision de ce bâtiment a été favorablement transformée ; pourtant aucun ne dit souhaiter y habiter.

L’étonnante prolifération des Etoiles de Givors n’est guère connue (sauf des architectes) et est accablée de l’image de marque médiocre du quartier (de la ville). Mais, à l’opposé de Firminy, les habitants, fiers dêtre « nominés », se sont investis avec bonheur dans une manifestation où ils jouaient un peu le rôle du chatelain accueillant ses manants.

Les visiteurs ne parlent guère d’architecture à propos de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce. Habitués des églises, ils sont venus en touristes sous la pression de la notoriété déjà ancienne (1950) d’une modernité un peu choquante qu’il « faut avoir vu ». La valeur de cette église réside pour eux dans la qualité des oeuvres mises en scène dans l’église, la valeur vénale potentielle de ces oeuvres, et dans la célébrité des artistes. Les visiteurs de ce site expriment leur propre modernité (en tirent une fierté) dans la mesure où ils ne sont pas choqués par ce qui était dit choquant.

Le quartier des Etats-Unis fait naître deux sentiments : la nostalgie avec le musée Tony-Garnier, plus ethnographie qu’architecture (c’est l’appartement des arrières grand’parents), et l’étonnement devant les « jolies » fresques dont le rôle esthétique disparaît derrière une fonction de revalorisation du quartier et de la ville de Lyon. Dans le même processus qu’à Givors, l’honneur de la reconnaissance du bâtiment rejaillit sur ses habitants.

Connus des seuls valentinois, les châteaux d’eau de Philolaos sont dans un même mouvement, à l’instar d’un clocher de village, leur point de mire, leur repère spatial, et le symbole de leur territoire. Ressenti comme la parfaite réussite de l’union de la technique, de la fonction et de la beauté, les valentinois sont fiers de le « posséder » et de se reconnaître dans ce parangon de l’architecture contemporaine.