4.3.3 La rupture des JP 2000

L’architecture du vingtième siècle (en une kyrielle d’ismes savants affrontant une multitude de quotidienneté triviale) est généralement rejetée par le grand public. Un rejet facilement instrumentalisé par le marketing immobilier qui vend des icônes supposées signifier la « présence réelle » d’une architecture invoquée. Un rejet qui a rendu cette édition des Journées européennes du patrimoine provocatrices et bouleversantes : admirer Versailles, le Parthénon ou la Cathédrale de Chartres est une réaction prévisible ; en revanche, sortir de la visite de l’unité d’Habitation de Firminy avec une vision positive de l’oeuvre de Le Corbusier suppose un acte volontaire (pour aller visiter), une médiation efficace (pour apprendre), un dépassement des valeurs précédemment acquises (pour comprendre).

Le rituel des Journées européennes du patrimoine a donc déclenché pour l’an 2000 un processus de la rupture cohérent avec le concept de modernité : l’instance culturelle, après avoir désigné au public un objet architectural mal-aimé (la sémiotique institutionnelle), invitait à vivre la dimension kinesthésique de cette architecture. Le public, sous l’effet de la médiation (une sémiotique du discours), a découvert les valeurs (nouvelles ?) de la lumière naturelle et de la transparence, a reconnu la façade comme élément en soi, à la fois façade de l’appartement et façade de la rue, a compris les enjeux d’une organisation spatiale devant ceux du maître-d’ouvrage (une sémiotique architecturale).

C’est par une révolution culturelle que s’est embrayé l’apprivoisement d’une architecture contemporaine (jusque-là brutale ou hostile) devenue soudain humaine et reconnue comme pensée réifiée au service de l’habitant. Une révolution qui pourrait laisser émerger une exigence nouvelle (toutes les exigences) vis à vis de l’architecture et de ses futures modernités.