Trois attitudes opposées et complémentaires nous sont habituelles dans notre fréquentation de la ville. La première attitude, celle du touriste ou du nouvel arrivant, consiste à s’engager nez au vent dans l’agglomération, guettant le signe d’une entrée de ville, déchiffrant le caractère de l’espace parcouru et humant l’ambiance, lisant le nom des lieux et de bâtiments, cherchant à pénétrer au coeur de la ville pour en pénétrer l’essence et la personnalité. La seconde attitude est celle du gourmet, du connaisseur, qui va directement retrouver l’espace aimé, évitant un lieu désagréable ou y fermant virtuellement les yeux, s’offrant le détour par la ruelle aux glycines dont le parfum enivre, et sachant contourner la place balayée par le mistral. La troisième enfin est celle de l’usager pavlovien qui peut se rendre encore à demi-endormi à son bureau ou rentrer le soir chez soi sans rien voir, marchant ou roulant dans un réflexe alors que toute la pensée est encore prise par tel projet, telle difficulté à résoudre ou au contraire tel projet de week-end.
Ces trois attitudes nous sont familières et nous les adoptons successivement selon les circonstances. Leur fondement est pourtant construit sur une même et unique perception de la ville.
C’est en mesurant l’aspect partisan, personnel, subjectif, limitatif de notre choix que nous proposons d’examiner quelques espaces urbains dans les deux villes.
Nous avions initialement prévu d’étudier deux longues séquences urbaines complètes :
à Aix, un cheminement depuis la rue de Tübingen dans le nouveau quartier Sextius-Mirabeau jusqu’à la place de l’Hôtel de Ville
à Tübingen, depuis l’Aixerstrasse (ou du Provenceweg) dans le quartier français jusqu’à l’Hôtel de Ville.
Ces espaces sont certes intéressants pour leur poids dans l’image collective de la ville, pour leur charme (pas uniquement à nos yeux), et nous les avions choisis pour leur toponymie symétrique un peu racoleuse.
Mais nous avons abandonné le principe initial de constituer et d‘analyser des séquences complètes de cheminements vers le centre de la ville, et cela pour les raisons suivantes :
la nécessité de limiter le matériau d’étude à sa dimension nécessaire et suffisante, alors même qu’il ne s’agit pas ici de faire une étude exhaustive sur ces deux villes,
l’état d’avancement des deux grandes opérations de Sextius-Mirabeau et du französisches Viertel. Ces deux opérations, encore trop récentes, mériteront une étude spécifique dès 2002 -2003 par leur importance (en valeur absolue et en valeur relative), leurs modes opératoires, leurs implications politiques et sociales.
l’étude de deux parcours parallèles, à l’instar de celle que nous avons déjà réalisée autrefois [108] à Paris, n’est intéressante que dans le contexte serré d’une même ville, en raison de la valeur respective des espaces.
Nous avons limité notre choix à des lieux parmi les plus représentatifs, parmi les plus cités, parmi les plus fréquentés.
[] FAYETON Philippe & DUCREZ Christian (1970). «Design et urbanisme». In CREE n° 4 - avril-mai 1970