But de pélerinage, la chapelle domine la vallée dans un site magnifique. La réponse de Le Corbusier, une formalisation «moderne» d’un programme convenu, s’appuie sur une culture formelle accrochée à l’antique et loin des références chrétiennes romanes ou gothiques. Ici, la dissociation entre forme/fonction et forme/symbole permet l’utilisation de formes dont la valeur symbolique est corollaire d’une fonction de l’espace : les formes «traditionnelles» de l’architecture religieuse romane ou gothique ne sont pas utilisées, mais Le Corbusier réinterprète des formes vues et analysées très longtemps avant : la couverture en «coque de crabe», les puits de lumière en périscope par analogie au Serapeum de la villa Adriana à Tivoli, l’épaisseur, le fruit, la rugosité et la blancheur des murs à l’instar des habitations du M’zab [174].
Ce bâtiment n’est pas «une» chapelle mais, de toute évidence, a su devenir «la» chapelle de Ronchamp. Une identité incontestable faite de la manipulation d’éléments architecturaux connus réinterprétés dans une «langue» personnelle, pourtant totalement différente de la «manière» habituelle de Le Corbusier.
La fonctionnalité de l’objet est assumée à deux niveaux : sur le plan visuel, comme repère et but du pélerinage visible de loin et sur le plan de l’ambiance architecturale intérieure, par le traitement de la lumière.
[] LUCAN Jacques (sous la dir.) (1987). Le Corbusier, une encyclopédie. Paris, Centre Georges Pompidou (p. 351)