Chapitre 10 : Le fonctionnement sémiotique de la ville

10.1 Le discours sur la ville 185

A cet instant de l’Histoire où l’urbanisation de la population est un mouvement général, le phénomène de l’urbain ne nous est pas encore très clair. Et ne comptons ni sur Hobrecht, l’ingénieur des égoûts de Berlin, ni sur les réglements d’urbanisme, ni sur les «analyses de la valeur» ou sur les urban-designers (décorateurs de ville) pour nous dire l’urbanité qui, comme l’écrit Lorenza MONDADA,

‘est moins définie en termes de propriétés matérielles (p.ex. en termes de densité de population, de transports, de flux, d’échanges) qu’en termes de propriétés symboliques [ 186 ]

Urbaniser et équiper sont deux termes indépendants. L’urbanité tient moins de la construction et d’une esthétique que de rapports sociaux favorisés ou exclus par l’espace urbain. Pour autant, l’urbanité ne saurait non plus être réduite à l’occasion de la rencontre fortuite, selon le mot d’Oriol Bohigas, Architecte-Urbaniste de l’opération Sextius-Mirabeau, lors d’un colloque à Aix-en-Provence (le Vendredi 7 Mars 1997 à l’Espace Méjanes) : ‘«alors que j’y vais pour acheter une cravate, je rencontre l’amour de ma vie»’.

Nous avons pu auparavant établir que la ville (l’architecture de la ville) est interprétable (dans une certaine mesure) comme une sorte de discours élaboré dans un langage situé, daté et diachronique à la fois. Si c’est un discours, il est écrit à plusieurs mains, dans des intentions et des langages différents. La signification de l’ensemble n’apparaît que par la superposition de lectures multiples et diverses.

Nous avons vu (chapitres 9 et 10) que la relation à l’architecture et à la ville est d’ordre symbolique aussi bien que fonctionnelle, et que l’adhésion à une proposition d’urbanité dépend du mode d’interprétation et du destinataire. La relation triadique de Peirce : ‘Quelque chose tenant lieu (en quelque qualité) pour quelqu’un de quelque chose’ positionne le rôle de l’interprétant dans le fonctionnement de la «Connivence des investisseurs» ou du «Consensus des pionniers». Cet interprétant est celui admis consensuellement par une communauté d’interprètes qui, parce qu’elle est une communauté, donne au texte sa valeur et en valide l’interprétation.

Dans le französisches Viertel comme à Sextius-Mirabeau, l’adhésion de la communauté d’interprètes au projet urbain fait travailler le texte selon deux schémas différents : dénotation pour le consensus, et connotation pour la connivence.

Nous examinerons ces deux projets urbains comme systèmes de signification selon le schéma sémiotique de HJELMSLEV, repris et développé par Roland Barthes [187] :

Notes
185.

Nota : cet article a fait l’objet de notre communication «les discours de la cité : prêche vs dialogue» lors du Congrès Sémio 2001 de l’Association Française de Sémiotique à Limoges (4-8 avril 2001)

186.

[] Mondada Lorenza (2000). Décrire la ville.Paris, Anthropos. (p. 38)

187.

[] BARTHES Roland (1965). Le degré zéro de l’écriture suivi de éléments de sémiologie. Paris, Médiations, Gonthier. (pp. 163 et suiv.)