12.5 Chronotopie

‘«Complicité entre le temps et l’espace» ’selon le mot de Thierry Paquot [245], la chronotopie commence lorsque l’on pousse son fauteuil pour suivre la course du soleil à la terrasse d’un café.

La place Richelme à Aix-en-Provence est un cas typique d’utilisation fonctionnelle diversifiée d’un espace qui prend/procure chaque fois une ambiance différente dans une périodicité constante. Communément appelée Place du Petit Marché, c’est le lieu de trois spectacles audio-visuels alternativement proposés : le matin, le petit marché avec ses étals, les appels des marchands, et les discussions des chalands ; à midi, on le décor change en quelques instants pour le deuxième acte : les marchands débarassent et rangent, la place est balayée et nettoyée à grande eau et les bistrots installent leurs terrasses ; puis vers minuit, tout rentre dans le calme.

Le Neckarbrücke de Tübingen voit le matin un flux montant vers la vieille-ville et l’université, puis devient un lieu public à part entière, pour redevenir le soir un point de passage vers les quartiers sud de la ville.

Le récent allongement de la durée d’ouverture des boutiques en Allemagne est en train de modifier radicalement la vie urbaine. Pour ceux qui travaillent, faire les courses c’était jusqu’il y a peu de temps faire la course. Le samedi est maintenant l’occasion de se promener dans une ville vivante et faire des courses en flânant devient un nouveau mode de préhension de l’urbain. La vie urbaine s’exprime dans cette relation espace/temps.

A l’échelle de la ville, c’est le déplacement des centres d’activités selon les heures, c’est aussi la permanence d’activités dans quelques pôles particuliers.

Paraphrasant le Point 82 de la Charte d’Athènes [246] qui proclame que ‘«L’urbanisme est une science à trois dimensions et non pas à deux dimensions»’, nous dirons que l’urbanisme est une science humaine à quatre dimensions : les trois dimensions de l’espace auxquelles s’ajoute et se mêle le temps.

Notes
245.

[] PAQUOT Thierry (1999). ’Habiter la ville plutôt que d’y résider’, in Le Monde Diplomatique, novembre 1999

246.

[] LE CORBUSIER (1957).La Charte d’Athènes. Paris, Les Cahiers forces vives, éd. de Minuit