Privé/Privé

La relation privé/privé est écrite en dur dans la ville par la proximité des maisons et les distances de «vues directes» réglementaires.

Il est intéressant de constater en Allemagne une proximité étroite des maisons, et surtout des vues directes très courtes.

quartier de Südstadt à Tübingen

Dans ce quartier résidentiel «classes moyennes» créé au début du siècle, les maisons sont implantées à 2,5 mètres de la limite latérale, et les larges fenêtres de chambre donnent directement sur les fenêtres de chambre du voisin, soit à une distance de 5 mètres seulement. Des clôtures symboliques de 0,5 m de haut marquent la frontière avec le voisin.

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Figure 69 - Tübingen, Südstadt, les frontières privé/privé

Stuttgart-Vaihingen, im Steinengarten

Un «beau quartier» dans une banlieue chic au sud-ouest de Stuttgart, des terrains plutôt grands pour l’Allemagne (2 à 5000 m2), des maisons cossues bénéficiant d’un large panorama sur la cuvette de la ville.

La même proximité (la promiscuité pour un français ?) est ici constatée entre des maisons récentes alors qu’il aurait été possible d’implanter la maison un peu plus loin afin de préserver une intimité familiale. Les habitants ne ressentent pas de gêne par les vues directes. Cette fois, on ne peut pas arguer de la petitesse des terrains, de la forte densité en RFA ou de l’ancienneté du lotissement.

Nous constations que la même question posée dans ces deux endroits a trouvé la même réponse : ‘«je n’ai rien à cacher, et de toutes façons, je ne regarde pas chez le voisin.» ’Deux assertions fondamentalement fausses : on n’a pas forcément envie de se donner en spectacle quand on se gratte le nez, et sans être spécialement voyeur, il est bien évident que l’oeil ne peut pas toujours éviter de lorgner chez le voisin si proche.

Les rapports entre individus, entre groupes, entre cellules familiales, sont ainsi réglés dans la ville par le Code Civil (articles 675 et suivants), par le Code de l’Urbanisme, par le Code de l’Habitation et par le Plan d’Occupation des Sols.

Ce système des frontières du privé, essentiellement culturel, est bien l’un des éléments du rythme de la ville, et nous ramène aux personnalités culturelles mises en évidence par la Proxémie d’Edward HALL [251].

A l’intérieur du rythme de la ville, l’usager établit et marque ses frontières, des frontières structurées à plusieurs niveaux (l’individu, la famille, les amis, les voisins, les inconnus) en un système d’objets et d’espaces auquel viennent se surajouter des indications véritablement écrites comme «propriété privée», «défense d’entrer», etc...

Ces espaces et aménagements constituent un langage codé culturel qui structure la vie dans la ville. Une structuration dont un exemple nous est donné à Tunis ‘dans «Halfaouine, l’enfant des terrasses»’, film de Ferid Boughedir [252] où 3 rythmes se superposent : la rue (vie sociale), la maison familiale (parmi les femmes, sous la férule paternelle), le niveau de la liberté - et du risque - sur les terrasses. Cet effet de rythme est fondateur du caractère de la ville.

Notes
251.

[] Hall Edward T. (1966). ‘La dimension cachée’. Paris, Points Seuil 1971

252.

[] BOUGHEDIR Ferid Halfaouine, l’enfant des terrasses