Chapitre 1 - La lecture tabulaire

Nous allons essayer d'examiner, de façon plus vigilante, les pièces de Jean Giraudoux qui constituent nos textes de base. Tout d'abord, nous tenterons une approche proprement théâtrale puisqu'il ne faut pas oublier que nous sommes devant des œuvres non simplement littéraires mais surtout théâtrales, destinées à être représentées sur la scène. En outre, au théâtre, tout est spectacle, y compris le texte qui donne à la littérature théâtrale la chance immédiate de changer de nature et de devenir gestes au lieu de mots, mouvements au lieu d'intentions. Pour cette raison, on ne peut négliger les particularités que le dramaturge lui-même impose dans son œuvre, avant même que le metteur en scène y réfléchisse. En respectant donc les modes de fonctionnement spécifique du lieu scénique, on suit pendant notre étude trois étapes fondamentales.

Au commencement, on observe la fréquence d’apparition et la durée de présence que l'écrivain attribue à chacun de ses personnages. Cela signifie qu'on classe les personnages, du plus important au moins important, selon la quantité de texte (nombre de lignes) dont chacun dispose. On signale également le total du texte pour chaque protagoniste et pour chaque acte, car il peut nous fournir des informations avantageuses.

En second lieu, suivant les indices du corpus élaboré, on relève les duos qui existent entre les personnages principaux qui marquent chaque acte de la pièce. De ce qui précède, on arrive au classement des duos, toujours des plus longs au plus courts. On effectue encore deux décomptes : le premier portant sur la longueur totale des dialogues entre les mêmes interlocuteurs et le deuxième concernant la fréquence des personnages au sein des grands duos.

En dernier lieu, on forme un tableau global qui expose la présence scénique par acte et scène ainsi que le nombre total d’apparitions de chaque héros et héroïne, même s'il y ne participe pas activement à la stichomythie des autres acteurs. Cela veut dire qu'il peut être présent mais sans parler.

Cette entreprise ainsi décrite s'appelle lecture tabulaire d'un texte théâtral. Notre enquête sera méticuleuse et notre corpus aura sans doute des apparences statistiques ; mais avant de la condamner comme ennuyeuse et étrangère à l'esthétique théâtrale, nous devons considérer que même le moindre détail peut nous être utile et qu'il peut nous conduire à tirer des conclusions intéressantes et inattendues non seulement sur la dramaturgie de Giraudoux mais encore sur n'importe quelle pièce. Naturellement, du fait que notre recherche s’appuie sur quinze pièces au total, cette tentative aboutit à une longue série de tableaux. On a donc estimé qu'il serait préférable de les placer non au milieu de notre chapitre mais à la fin de la présente thèse, en annexe, afin que le lecteur puisse les consulter dans leur ensemble ou par étapes, à son aise. En outre, avant de passer à notre objectif principal, l'exposition des indications scéniques et leur élaboration, nous avons jugé utile de donner chaque fois quelques renseignements sur l'intrigue et la structure dela pièce examinée, informations nécessaires à la meilleure compréhension du lecteur.