Judith

présentée pour la première fois au théâtre Pigalle le 4 novembre 1931, avec la mise en scène de Louis Jouvet.

Ce prénom, qui signifie en hébreu "la Juive" renvoie à une figure biblique célèbre: la veuve de Béthulie qui sauva sa ville en allant, sur ordre de Dieu, séduire et tuer Holopherne sous sa tente. Le premier acte se déroule dans une ville juive assiégée; les deux autres se passent sous la tente d'Holopherne. L'action occupe trois journées, chacune axée sur un débat intérieur de l'héroïne. Les entractes correspondent aux deux nuits, celle de la marche à travers le champ de bataille, celle de l'amour et du meurtre.

Le premier acte présente Judith devant son élection, passant du refus orgueilleux à l'acceptation frénétique. Ni les prophètes de la rue, ni le grand rabbin ne parviennent à la persuader qu'elle seule peut les sauver en se rendant au camp d'Holopherne. Cette fille à la mode accepte finalement avec sarcasmes sa mission en apprenant la défaite des soldats, de son "fiancé" Jean. Le second acte met en scène l'épreuve. Sarah, entremetteuse juive au rôle d'agent double, précipite la jeune fille dans un piège. Bernée et injuriée, celle-ci appelle Holopherne à son secours. Le général ennemi la réconforte par sa philosophie du plaisir et par une sensualité débarrassée du péché. Judith, par défi à Dieu, se donne au séducteur. Après l'entracte de la nuit, le troisième acte décrit la récupération de Judith par les Juifs,les rabbins et, peut-être, par Dieu. À Jean qui découvre Holopherne assassiné, Judith essaie d'expliquer qu'elle l’a tué pour empêcher la routine du quotidien. En vain répète-t-elle cette version aux rabbins : un garde ivre métamorphosé à ses yeux en ange donne une interprétation "divine" de sa nuit et de son meurtre. Résignée, Judith la prostituée accepte de devenir Judith la sainte.

Lorsqu'on examine les tableaux établis dans Judith, on a l'impression que l'œuvre est totalement consacrée à son héroïne. Le nombre de lignes que l'auteur attribue à sa créature principale, Judith, (889 lignes) dépasse de loin celui des autres protagonistes. Jean, son aimé, semble qu'insignifiant avec ses 273 lignes devant le torrent de son discours. Même Holopherne est réellement sobre en paroles puisqu'il ne dispose que de 110 lignes. Par contre, son mauvais "double", Égon, est plus bavard (184 lignes). On pourrait sans doute soutenir que les propos du général Holopherne sont si forts et convaincants qu’il n'a pas besoin de longues tirades pour entraîner la vierge puritaine qui lui résiste..

En général, nous avons remarqué qu'il y a de nombreux personnages masculins autour de notre courageuse héroïne. À part Holopherne, Jean et Égon, mentionnés ci-dessus, existent d'autres héros qui constituent également des porte-paroles typiques de la puissance macculine, comme le Grand Rabbin Joachim dont la quantité de texte (175 lignes) nous montre qu'il joue un rôle d'importance dans l'évolution des événements. De la même façon, le Garde, symbole du pouvoir militaire, est doté de 152 lignes. Les liens familiaux, d'autre part, ne paraissent pas si solides puisque l'oncle de Judith, Joseph, n'intervient que par 60 lignes. En ce qui concerne la ligue féminine, Judith se trouve pendant un assez court laps de temps assistée par une prostituée bienveillante, Suzanne, (149 lignes) et opposée à une autre prostituée malveillante, Sarah, (131 lignes).

L'élaboration des grands duos montre que le rôle de Judith reste toujours prépondérant. Elle est liée aux plus grands couples (8 duos sur 10) et pour devenir plus précise, elle partage ses opinions avec tous les personnages de premier ordre : avec Holopherne il y a deux duos qui donnent 270 lignes au total, avec Jean également deux duos et 155 lignes, avec le Garde un duo de 187 lignes. Cependant les femmes, comme interlocutrices, gardent une place significative puisque Judith a trois dialogues, dont le plus long de la pièce (297 lignes), avec son prétendu "double", Suzanne. On aperçoit un autre duo avec Sarah mais celui-ci est très abrégé (79 lignes).

Relativement à la fréquence des apparitions scéniques qu'on découvre dans Judith, le personnage-titre se trouve dans tous les actes et scènes soit 19 apparitions. Elle est suivie de Jean, de Paul le coadjuteur et de Suzanne (8 apparitions pour chacun d'eux). Le Grand Rabbin fait preuve de son impact avec 7 apparitions dans tous les actes sauf le deuxième. Holopherne participe cinq fois mais toute son activité se développe au milieu de la pièce, dans l'acte Il. En outre, Le Garde a aussi 5 apparitions qui ont toutes lieu dans le dernier acte.