L'impromptu de Paris

représenté pour la première fois à Paris, le 4 décembre 1937, au théâtre de l'Athénée.

Le titre nous renvoie directement à Molière, l'auteur de L'Impromptu de Versailles, qui "semble avoir été le premier à utiliser le mot impromptu dans le titre d'une pièce de théâtre 18 ", et ce titre annonce un genre particulier qui se réfère d'une manière ou d'une autre aux choses de la scène. Le 30 octobre 1935, la Comédie-Française avait déjà affiché sous le titre d'Impromptu de Paris un à-propos en un acte en prose de Jean Sarment, "une pièce de circonstance avec plusieurs personnages historiques, notamment celui de Molière", qui alliait fantaisie et histoire, rêve et réalité. Giraudoux reprit donc la formule dans une toute autre optique. La scène représente le plateau de l'Athénée, encombré des décors des pièces récemment jouées. Les comédiens qui s'apprêtent à répéter échangent par jeu quelques répliques de Molière. L'arrivée sur le plateau d'un personnage passionné par le théâtre et envoyé par l'État pour aider l'activité dramatique permet d'évoquer la vie d'un théâtre, l'art du comédien, les rapports de la critique et du théâtre, les devoirs de l'État. Des épisodes cocasses ponctuent cet échange parfois théorique et sérieux qui s'achève comme au théâtre par l'envol du brave Robineau, définitivement convaincu par les idées de Jouvet (et de Giraudoux!), dans la gloire de La guerre de Troie n'aura pas lieu.

Les personnages sont nombreux (15) dans cette pièce inspirée de la vie "sur les planches". La définition "personnages" ici semble plutôt fausse étant donné qu’il s'agit de personnes et plus particulièrement des acteurs et des actrices qui existaient en réalité. L'acteur et metteur en scène célèbre, Louis Jouvet, ne pouvait qu'être l'étoile de cette histoire théâtrale. En tant qu'ami cordial et collaborateur réussi de Giraudoux, l'écrivain lui fait prendre la parole pour défendre les causes de l'art dramatique et celles du théâtre comme métier difficile et exigeant. Son discours est long (445 lignes) et sans aucun doute en lui miroitent les idées personnelles de Giraudoux. À l'opposé se trouve le personnage, fictif cette fois-ci, de Robineau qui représente l'État et la bureaucratie française, dans une tentative d'approcher le théâtre et ses problèmes. Ce fonctionnaire assez ouvert et réceptif envers le réquisitoire de Jouvet, bénéficie de 267 lignes de texte. Puis, c'est la parade des comédiens et des comédiennes qui plaident en faveur des arguments de leur chef de troupe. Pierre Renoir (134 lignes), Alfred Adam (75 lignes), Auguste Boverio (49), Marie-Hélène Dasté (47), Raymone (34) et d'autres. Quant aux grands duos, il n'y en a qu'un seul, entre les deux personnages principaux, Jouvet et Robineau (122 lignes). Leur duo n'est pas vraiment conflictuel puisque Robineau fait preuve d'une attitude favorable et veut être convaincu. Néanmoins, le tableau de la présence scénique valorise mieux les interprètes de la troupe, qui embellissent de leur "aura" les discussions des protagonistes. Renoir a 4 apparitions dans quatre scènes sur quatre. Marthe, Adam et Dasté ont aussi 4 apparitions tandis que Boverio, Castel et La petite Véra ont 3 apparitions scéniques. Par ailleurs, le représentant de l’État, Robineau, se manifeste 3 fois dans les scènes 2, 3, 4 alors que Jouvet n’apparaît que 2 fois vers la fin de la pièce (scènes 3, 4). En revanche, sa contribution catalyse les réflexions de Robineau.

Notes
18.

Tdeusz Kowzan : Les trois impromptus : Molière, Giraudoux, Ionesco, face à leurs critiques, in Revue d’Histoire du théâtre, juillet-septembre 1980, pp. 261 à 280.

Le dictionnaire Robert définit l’Impromptu comme “ une petite pièce composée sur le champ et, en principe, sans préparation ”, donne, comme uniques exemples, la pièce de Molière et celle de Giraudoux.