Annexe II - Les systemes métaphoriques

Siegfried (1928)

Réseau positif
  AMOUR
  Éva
famille





effets sonores



nature








objets quotidiens
Si c'est un crime d'avoir recueilli un enfant abandonné, qui frissonnait à la porte de l'Allemagne, de l'avoir vêtu de sa douceur, nourri de sa force, pardon.
(p. 53, Acte III, scène 5).

Vous [Geneviève] n'en donnez pas l'impression. Votre silence domine nos voix.
( p. 54, Acte III, scène 5).

Tu peux remettre tes costumes démodés, Siegfried, tu ne te débarrasseras pas plus qu'un arbre des sept cercles que tes sept années allemandes ont passés autour de toi. Celui que le vieil hiver allemand a gelé sept fois, celui qu'a tiédi sept fois le plus jeune et le plus vibrant printemps d'Europe, crois-moi, il est pour toujours insensible aux sentiments et aux climats tempérés. Tes habitudes, tu ne les as plus avec les terrasses de café, mais avec nos hêtres géants, nos cités combles, avec ce paroxysme des paysages et des passions qui seul donne à l'âme sa plénitude. Je t'en supplie, ne va pas changer ce cœur sans borne que nous t'avons donné contre cette machine de précision, ce réveille-matin qui réveille avant chaque émotion, contre un cœur de Français!
(p.57, Acte III, scène 5).
  Geneviève
tradition biblique

histoire moderne



crime




objets familiers




flore
créatures
mythologiques



état civil et quotidien


vie écolière


guerre

Je cache un poignard dans mon corsage. En somme, que viens-je faire ici? Je viens tuer Siegfried. Je viens poignarder le roi ennemi sous sa tente. J'ai droit à cette confidence qu'on donne dans les drames à Judith et à Charlotte Corday.
(p.26, Acte II, scène 1).

Justement! Je vais faire une blessure invisible, répandre un sang incolore. J'ai peur.
(p. 26, Acte II, scène 1).

Oui, tu m'as expliqué ton système, Robineau. Remplacer le peigne de Siegfried par un peigne de Paris, chaque meuble de cette salle par chacun de ses meubles, chaque mets de sa cuisine par un mets français, les champs de houblon par les vignobles, chaque Allemand par un Français, et le dernier jour enfin Siegfried par Forestier? (p.27, Acte II, scène 1).
Emporte ces fleurs. C'est aujourd'hui la moisson des fleurs artificielles. Que les nains rattrapent les centauresses dans le tiroir. Là où des Français passent, les ébats entre gnomes et dieux sont interdits. (p. 28, Acte II, scène1).
Tous les êtres, je les trouve condamnés a un si terrible anonymat. Leurs nom, prénom, surnom, aussi bien que leurs grades et titres, ce sont des étiquettes si factices, si passagères, et qui les révèlent si peu, même à eux-mêmes! (p.30, Acte II, scène 2).

Je me refuse de continuer ma leçon dans ce manuel de la désolation... Ouvrons le livre plutôt au chapitre du coiffeur ou des cris d'animaux. (p. 31, Acte II, scène 2).

C'est que contre les adversaires que j'ai eu à combattre jusqu'ici, la seule arme était le silence. (p. 54, Acte III, scène 5)
  Robineau

médecine



langage



vocabulaire
Jamais de la vie. Il faut les préparer [Siegfried et Geneviève]... On tue les somnambules quand on leur crie leur nom, même dans une langue étrangère.(p. 19, Acte I, scène 6)

C'est notre avantage, à nous philologues, de voir quand les mots sont gonflés de leur beauté natale. Auprès de Geneviève, c'est le cas pour le mot attente, en ce moment et pour deux autres mots d'ailleurs.
(...)
Le mot dévouement, d'abord, et puis un autre mot que je prononce assez mal.(p. 67, Acte IV, scène 4).

  Siegfried

langage et
effets sonores

À demain, Mademoiselle, je suis sûr que nous trouverons notre langage, entre ce silence unique et cette parole accélérée. Je me fais une joie de cette séance...(p. 23, Acte I, scène 8).
  AMOUR DE LA PATRIE
 
  Geneviève
 
espèces humaines





tissus




règne animal







objets familiers





objets familiers


Ma race, ma race de politesse a bien été taillée sur ce mannequin d'énergie, d'audace et, si vous me permettez de parler durement pour la première fois de ma vie, de dureté... Votre front, vos dents de loup sont bien français. Votre rudesse même est bien française..

Allons, il ne faut pas s'obstiner à croire que la patrie a toujours été douceur et velours... Mais je n'en ai que plus d'estime pour les deux siècles que vous n'avez pas connus. Ils ont vêtu la France... (p. 36, Acte II, scène 3).
Pourquoi un pauvre chien sans origine, sans race, me paraît-il aujourd'hui seul qualifié pour personnifier la France, je m'en excuse. (p.56, Acte III, scène 5).

Le drame, Jacques, est aujourd'hui entre cette foule qui t'acclame, et ce chien, si tu veux, et cette vie sourde qui espère. Je n'ai pas dit la vérité en disant que lui seul t'attendait... Ta lampe t'attend, les initiales de ton papier à lettres t'attendent, et les arbres de ton boulevard, et ton breuvage, et les costumes démodés que je préservais, je ne sais pourquoi, des mites, dans lesquels enfin tu seras à l'aise. Ce vêtement invisible que tisse sur un être la façon de manger, de marcher, de saluer, cet accord divin de saveurs, de couleurs, de parfums obtenu par nos sens d'enfant; c'est la vraie patrie, c'est là ce que tu réclames... (p. 56, Acte III, scène 5).
Tout t'attend en somme en France, excepté les hommes. Ici, à part les hommes, rien ne te connaît, rien ne te devine.
(p. 57, Acte III, scène 5).
 
  Siegfried
 
vocabulaire




vocabulaire





nature




cuisine

insectes


Comme les mots qui vous viennent d'un pays nouveau et ouvert sont eux-mêmes ouverts, purs! (p. 23, Acte I, scène 8).

Français, certes, mais dans votre bouche, ils ont fait un détour par l'inconnu. Jamais le mot neige n'a touché en France autant de neige qu'au Canada. Vous avez pris à la France un mot qui lui servait à peine quelques jours par an et vous en avez fait la doublure de tout votre langage. (p.23, Acte I, scène 8).

Vous a-t-il dit cette démence amoureuse, ces noces de l'Allemagne avec le globe, cet amour presque physique de l'univers, qui poussait les Allemands à aimer sa faune et sa flore plus que tout autre peuple, à avoir les plus belles ménageries, les plus hardis explorateurs, les plus gros télescopes, à l'aimer jusque dans ses minéraux et ses essences? Cette force qui éparpillait les Allemands sur chaque continent, d'où s'échappaient aussitôt le fumet des rôtis d'oie, mais aussi la voix des symphonies, vous l'a-t-il expliquée suffisamment comme une migration d'abeilles, de fourmis, comme un exode nuptial, votre ami Jacques? (p. 33, Acte II, scène 2)
 
  ACCEPTATION DE LA CONDITION
HUMAINE
 
  Siegfried
 
science





destin




la comptabilité




vie humaine et animale














guerre
La vie devient une spécialité tellement exagérée que j'ai besoin pour me reposer de conversations larges, et sur de larges sujets. (p. 22, Acte I, scène 8).

Je me le dis quelquefois. Le destin est plus acharné à résoudre les énigmes humaines que les hommes eux-mêmes. Il fait trouver dans des pommes des diamants célèbres égarés, reparaître après cent ans l'épave des bateaux dont l'univers a accepté la perte. C'est par inadvertance que Dieu permet des accrocs dans son livre de comptes. Il est terriblement soigneux. Il fera un beau vacarme quand il s'apercevra qu'il y a deux dossiers encore sur la bavardise incoercible des éléments...
(p. 32, Acte II, scène 2).
Je vivrai, simplement. Siegfried et Forestier vivront côte à côte. Je tâcherai de porter, honorablement, les deux noms et les deux sorts que m'a donné le hasard. Une vie humaine n'est pas un ver. Il ne suffit pas de la trancher en deux pour que chaque part devienne une parfaite existence. Il n'est pas de souffrances si contraires, d'expériences si ennemies qu'elles ne puissent se fondre un jour en une seule vie, car le cœur de l'homme est encore le plus puissant creuset. Peut-être, avant longtemps, cette mémoire échappé, ces patries trouvées et perdues, cette inconscience et cette conscience dont je souffre et jouis également formeront un tissu logique et une existence simple. Il serait excessif que dans une âme humaine, où cohabitent les vices et les vertus des plus contraires, seuls le mot allemand et le mot français se refusent à composer. Je me refuse, moi, à creuser des tranchées à l'intérieur de moi-même. Je ne rentrerai pas en France comme le dernier prisonnier relâché des prisons allemandes, mais comme le premier bénéficiaire d'une science nouvelle, ou d'un cœur nouveau... Adieu.
(p. 66, Acte IV, scène 3).
 
  DIGNITÉ DE L'HOMME
 
  Robineau
 


vie étudiante




littérature




cosmos

Ma présence a toujours fait rater les événements historiques. L'histoire se méfie de moi comme si, au lieu d'être agrégé de grammaire, j'étais agrégé d'histoire.
(p. 17, Acte I, scène 6).

C'est lui [Siegfried] qui prétendait redonner à notre langue, à nos mœurs, leur mystère et leur sensibilité. Qu'il avait raison! Chaque fois que je lis Le Roman de la Rose j'en suis convaincu davantage... Introduire la poésie en France, la raison en Allemagne c'est à peu près la même tâche.
(p. 18, Acte I, scène 6).
Mon cher Zelten, les grands hommes morts changent de planète, non de nation.(p. 18, Acte I, scène 6).
 
  VÉRITÉ
 
  Éva
 
effets lumineux Ne désespère pas. Toute cette obscurité s'ouvrira un jour à deux battants, et l'on t'annoncera ta mère ( p.87, Lamento)

 
  Geneviève
 


effets sonores


destin
Mes malheurs jusqu'ici me sont du moins arrivés dans le silence. Je n'ai pas de parents; c'est seulement par le silence de toute mon enfance, à force de silence, par des télégrammes ininterrompus de silence, que j'ai appris mon état d'orpheline...(p. 14, Acte I, Scène 5).
Ah! le destin a tort de confier ses secrets à une femme. Je ne puis plus me taire.(p.52, Acte III, scène 4)
 
Réseau négatif
  CRIME
  Robineau
équitation Le Mensonge est le jockey du malheur.
(p. 25, Acte II, scène 1).
  GUERRE
  Geneviève

la mort


La disparition d'un homme à la guerre c'est une apothéose, une ascension, c'est une mort sans cadavre qui dispense des enterrements, des plaintes et même des regrets, car le disparu semble s'être fondu plus vite qu'un squelette dans son sol, sans son air natal, et s'être aussitôt amalgamé à eux... (p.55, Acte III, scène 5).
  Lédinger (Général de)

guerre et gaz
Adieu, Siegfried. Bonne chance. Songez à ce masque que portent tous les Français, qui les préserve de respirer les gaz délétères de l'Europe, mais qui obstrue souvent et leur respiration et leur vue. (p. 66, Acte IV, scène 3).
  Robineau
personnages historiques



nourriture
Nous avons le choix, de Vercingétorix à Blücher, pour ne parler que des ombres en uniforme...
(p. 15, Acte I, scène 5).

Oui, crème de culture, beurre de carnage, fils d'Arminius, [Zelten], C'est moi.(p. 16, Acte I, scène 6).
  Siegfried


technique



conditions climatiques

tradition biblique
Cette guerre épouvantable, vous en a-t-il dévoilé les vraies causes? Vous l'a-t-il expliquée, sous son aspect implacable, comme elle doit l'être, comme une explosion dans un cœur surchauffé et passionné? (Acte II, scène 2, p.33).

Il neige. Le destin croit s'excuser, depuis quelque temps, en enveloppant de neige les révolutions. Moscou, Pest, Munich, toujours neige. C'est dans la neige que Pilate se lave maintenant les mains. Chaque Saxon marche aujourd'hui aussi silencieusement que la mort.
(p. 40, Acte II, scène 5).
  Waldorf (Général von)



science


Son vice: Il avait une mauvaise définition de la guerre! La guerre n'est pas seulement une affaire de stratégie, de munitions, d'audace. C'est avant tout, une affaire de définition. Sa formule est une formule chimique qui, d'avance, la voue au succès ou la condamne.
(p. 38, Acte II, scène 4).
  IMPÉRATIFS SOCIAUX OU POLITIQUES
  Éva
effets lumineux



âges humains
Entends la voix de ce peuple qui t'appelle. Entre cette lumière et cette obscurité, que choisis-tu?
(p. 57, Acte III, scène5).

Ton enfance, ton adolescence, ta jeunesse, ton passé enfin, c'est l'Allemagne. ( p.86, Lamento)
  Geneviève
religion



objets quotidiens








personnages
historiques
effets lumineux


Je ne me représentais vraiment pas ainsi le temple de l'oubli. (p.24, Acte II, scène 1).

Tu crois qu'un honnête buffet, d'honnêtes tapis neufs iraient t'offrir d'eux-mêmes ces vieux résidus de la routine humaine? C'est une hypocrisie, ce ramage des tabourets, ce gazouillis des étagères; ou alors qu'ils parlent vraiment, ces meubles, comme dans Hoffmann. Que le buffet chante des tyroliennes, que le coussin exprime son avis sur le derrière des gens! (p.25-26, Acte II, scène 1).
Je voyais lutter en vous chaque gloire de votre patrie passagère et de votre patrie retrouvée. Je m'étais juré le silence. Passer des armes en sous-marin à un duelliste, fût-il Bayard ou Napoléon, m'eût répugné. Mais s'il s'agit pour elles d'un duel entre aubes et crépuscules, d'un concours entre torrents et lunes, je suis dédiée de tout scrupule.
(p. 70, Acte IV, scène 6).
  Lédinger (Général de)





nourriture
nature







vie rurale
On ne sert bien que l'Allemagne. C'est le seul pays au monde où les fonctions d'obéissance, de respect, de discipline aient encore la fougue de leur jeunesse. La moindre indication donne à notre patrie des puissances neuves et cette virginité cruelle qui justifie déchaînements et sacrifices. Toute nourriture d'État profite à l'Allemagne comme la phosphatine à un enfant géant. Que le serviteur de l'État chez nous dise un seul mot, et nos fleuves ,au lieu de courir vers le Nord, deviennent de bienfaisants canaux, traversent de biais l'Allemagne, et soixante millions de visages se tournent vers l'Orient ou vers l'Occident, et de nouvelles notions de l'honneur et du déshonneur surgissent. Abandonner le service de l'Allemagne pour celui d'un autre peuple, c'est, quand vous êtes laboureur, renoncer à la terre où les plantes poussent en un jour pour celle où elles ne fleurissent que tous les cent ans. Si vous aimez les fruits, ne renoncez pas à elle, et surtout pour servir la France.
(p. 63, Acte IV, scène 3).
  Muck


électricité
C'est curieux: tous les prolétaires ont dans leur poche de quoi se branchent sur une force électrique. Un prolétaire, c'est un agent de liaison de l'électricité. Le grand jour, c'est le jour où ils trouvent la bonne dynamo, c'est le Jour Électrique! ( p.76, Divertissement sur Siegfried, sc.2)
  Le Prince de Saxe-Altdorf



horlogerie


règne maritime


guerre


règne maritime
Quand vous touchez un Allemand au crâne, même d'une caresse, il n'est plus que détresse et vertige. Siegfried, de sa blessure au front, avait tiré des manuels de droit international, des dissertations sur le socialisme, une vue d'horloger sur notre politique. ( p.91, Fin de Siegfried, sc.2)

Une méduse qui fait sourire, c'est assez bien votre nouveau pays.( p.93, Fin de Siegfried, sc.3)

C'est un masque contre ces gaz délétères qu'on nomme la passion, l'élan ,le paroxysme humain.
...
et comme un pêcheur après un long sommeil qui retrouve les raies larges de vingt mètres et les requins gros comme des maquereaux...( p.94, Fin de Siegfried, sc.3)
  Siegfried

handicap




règne animal



règne animal
Je reprends ces deux noms de héros (Schmidt et Patchkoffer) avec hâte, comme un paralysé ses béquilles...
( p.84, Lamento)

J'ai l'impression que soixante millions d'êtres et leurs aïeux s envolent de moi, et me laissent seul et visible, comme le renard glissé dans l'assemblée des oiseaux, mais on ne perd pas les oiseaux.( p.94, Fin de Siegfried, sc.3)

Dieu sait si j'ai pu détester les singes, les rats, mais je les verrais sans ennui entrer par centaine dans ma chambre...
( p.102, Fin de Siegfried, sc.6)
  Waldorf (Général von)
fruits Chaque cœur allemand contient votre nom [Siegfried] comme son noyau.(p. 64-65, Acte IV, scène 3).
  Zelten (Baron von)

créatures mythiques


organisation politique




organisation économique



finances






poésie et politique




ange








enfance et naissance miraculeuse








règne végétal



destin


adultère








règne animal


personnages
historiques


enfouissement
Le projet Siegfried! Ne dirait-on pas que j'ai voté contre les Walkyries et toute la légende allemande!.
(p. 7, Acte I, scène 2).

L'Allemagne de ton Siegfried! Je la vois d'ici. Un modèle de l'ordre social, la suppression de ces trente petits royaumes, de ces duchés, de ces villes libres qui donnaient une résonance trente fois différente au sol de la culture et de la liberté, un pays distribué en départements égaux dont les seules aventures seront les budgets, les assurances, les pensions, bref une nation comme lui, théorique, sans mémoire et sans passé. Ce fils du néant a une hérédité de comptable, de juriste, d'horloger.
Imposer la Constitution de ton élève à l'Allemagne, c'est faire avaler un réveille-matin au dragon de Siegfried, du vrai, pour lui apprendre à savoir l'heure!
(p. 8, Acte I, scène2).
L'Allemagne n'a pas à être forte. Elle a à être l'Allemagne. Ou plutôt elle a à être forte dans l'irréel, géante dans l'invisible. L'Allemagne n'est pas une entreprise sociale et humaine, c'est une conjuration poétique et démoniaque. Toutes les fois où il a cru au don de son pays de changer chaque grande pensée et chaque grand geste en symbole ou en légende, il a construit pour l'éternité!
(p. 8, Acte I, scène2).
Tu [Éva] y verras le paysage même de notre Allemagne d'autrefois, de conjuration et de travail, de pillage et de sainteté, si chargé à la fois de poésie et de vérité, que tu t'attendras à apercevoir soudain, flottant dans l'air, un gros petit enfant céleste tout nu, ou des mains seules priant... C'est là, l'Allemagne... (p. 8, Acte I, scène2).
C'est à son mystère que Siegfried doit sa popularité! Celui que l'Allemagne regarde comme son sauveur, celui qui prétend la personnifier, lui est né soudain voilà six ans dans une gare de triage, sans mémoire, sans papiers et sans bagages. Les peuples sont comme les enfants, ils croient que les grands hommes arrivent au monde par un train... Au fond, l'Allemagne est flattée que son héros ne soit pas dû aux épanchements peu sacrés d'un couple bourgeois. Un juriste qui naît comme meurt un poète, quelle aventure! Son amnésie a donné à ton Siegfried tous les passés, toutes les noblesses, et aussi, ce qui n'est pas inutile non plus à un homme d'État, toutes les rotures. Qu'il retrouve famille ou mémoire, et il redeviendra enfin notre égal...
(p. 9, Acte I, scène2).
Les pays sont comme les fruits, les vers sont toujours à l'intérieur.(p. 17, Acte I, scène 6).

Ne l'appelle pas, la [Geneviève] voilà. Le personnel du destin obéit sans sonnettes.(p.19, Acte I, scène 6).

Ils viennent me prendre en flagrant délit d'adultère avec l'Allemagne. Oui, j'ai couché avec elle, Siegfried. Je suis encore plein de son parfum, de toute cette odeur de poussière, de rose et de sang qu'elle répand dès qu'on touche au plus petit de ses trônes, j'ai eu tout ce qu'elle offre à ses amants le drame, le pouvoir sur les âmes. Vous, vous n'aurez jamais d'elle que des jubilations de comice agricole, des délires de mutualités, ce qu'elle offre à ses domestiques... (p. 46, Acte 3, Scène 1I).
Ah! Siegfried. Il est fâcheux que vous n'aimiez pas les métaphores, ni les apologues. Je vous dirai celui du renard qui s'est glissé dans l'assemblée des oiseaux et qui se trouve tout à coup seul à découvert, quand les oiseaux s'élèvent. L'oiseau Gœthe, l'oiseau Wagner, l'oiseau Bismarck dressent déjà le cou. Un geste d'Éva, et ils partent. (p. 47, Acte 3, Scène 1I).
Voilà la première impression franche que me donne la tyrannie: d'avoir les jambes à l'air, d'être retiré de cette couche à ras de terre où les hommes plongent jusqu'au nombril. ( p.76, Divertissement sur Siegfried, sc.1V).
  DIVISION INTERNE
  Ledinger (Général de)

effets lumineux
Vous [Siegfried] préfériez vivre entre deux ombres? (p. 65, Acte IV, scène 3)
  Muck

vêtements



vêtements
Il [Siegfried] se demande sans doute comment il sera le plus ressemblant. S'habiller avec les traits de son enfance est le plus long que de prendre un veston.
(p. 6, Acte I, Scène 1).

Pour la première fois, dans le feu de l'action, je l'ai [Siegfried] vu confondre, comme on dit, le manteau de l'avenir et le manteau du passé. (p. 43, Acte 3, Scène 1).
  Pietri

technique


instrument musical
Les voyageurs sauront que l'Allemagne a le chauffage central et la France le chauffage individuel.
(p. 59, Acte IV, Scène 1).

Ça se sent. On sent que chez vous [Robineau] la contrebande est à l'intérieur. (p. 60, Acte IV, Scène 1).
  Siegfried

machinerie

corps


affection




poids



références musicales



ciel nocturne





espace



guerre





grammaire



syntaxe



grammaire


syntaxe





cirque



personnages
mythiques





obscurité


bâtiment



environnement
social

vie humaine




nature-cosmos












animaux fantastiques
Vous avez raison... C'est que je ne suis guère autre chose qu'une machine à questions. Tout ce qui passe d'étranger à ma portée, il n'est rien de moi qui ne s'y agrippe. Je ne suis guère, âme et corps, qu'une main de naufragé... On vous a dit mon histoire? (p. 29, Acte II, scène.2).
La plus grande caresse qui puisse me venir des hommes, c'est l'ignorance qu'ils auraient de mon sort.
(p. 30, Acte II, Scène 1I).

Ne parlez pas ainsi... Si vous saviez combien mes yeux et mon cœur sont ravis de sentir au-dessus de vous, en couches profondes et distinctes, ce fardeau d'années d'enfance, d'adolescence, de jeunesse que vous m'avez apporté en entrant dans cette maison. Cette corbeille de mots que maternels, ce faix des premières sonates entendues, des premiers opéras, des premières entrevues avec la lune, les fleurs, l'océan, la forêt, dont je vous vois couronnée, comme vous auriez tort de la changer contre celle que l'avenir vous prépare, et d'avoir à dire comme moi devant la nuit et les étoiles cette phrase ridicule. Nuit, étoiles, je ne vous ai jamais vues pour la première fois... Vous devez les tutoyer d'ailleurs? (p. 31, Acte II, Scène 1I).
Non. Je ne puis m'empêcher de sentir tout mon cœur plein de places gardées. Je ne me méprise pas assez pour croire que j'aie pu arriver à mon âge sans avoir eu mon lot de désirs, d'admirations, d'affections. Je n'ai point encore osé libérer ces stalles réservées. J'attends encore. (p. 31, Acte II, Scène 1I).
Cela ne m'a pas l'air d'un appel. Un homme agité trouve si naturel d'entendre le canon comme écho à son cœur!(p. 40, Acte II, Scène 5).

Tout de vous [Geneviève] questionne, à part votre bouche et vos paroles. Dans cette timide et insaisissable ponctuation que sont les pauvres humains autour d'incompréhensibles phrases, Eva déjà, me plaisait. Elle est un point d'exclamation, elle donne un sens généraux ou emphatique aux meubles, aux paysages près desquels on la voit. Vous [Geneviève], votre calme, votre simplicité sont question. Votre robe est question. Je voudrais vous voir dormir...Quelle question pressante doit être votre sommeil!... (p. 40, Acte II, Scène 5).
Même cette défense est une question chez vous [Geneviève]...(p. 41, Acte II, Scène 5).

Ce n'est pas un nom commun. C'est un simple adjectif. Le démon de mon ancienne vie n'a pu lancer qu'un adjectif jusqu'à ma vie nouvelle. C'est le type de l'épithète banale, commune, presque vulgaire, mais il est ma famille, mon passé, il est ce qu'il y avait en moi d'insoluble. C'est le mot qui m'accompagnera dans ma mort. Mon seul bagage...
(p. 41, Acte II, Scène 5)
Des gens, de petites gens le disent parfois le soir, dans s'en douter, dans la rue. Pour moi, ils jonglent avec les flammes.
[...]
Moi, quand ce mot revient, il me semble voir la chair de Mignon à travers ses hardes, la chair d'Hélène sous sa pourpre. C'est le mot, oh, trop léger pour moi... Mon Dieu qu'il est banal, vous allez dire..., c'est le mot ravissant.
(p. 41, Acte II, Scène 5).

Tout cela s'éteint... Je n'ai pas peur de la nuit... J'ai peur de cet être obscur, qui monte en moi, qui prend ma forme, qui noie aussitôt d'ombre tout ce qui tente de s'agiter encore dans ma pensée... (p. 51, Acte 3, Scène 1V).
Je n'ose pas remuer. Au premier mouvement, tout cet édifice que je porte encore en moi s'en ira en poussière... Lever la tête? Pour que je voie, sur ces murs, tous ces héros et tous ces paysages devenir soudain pour moi étrangers et ennemis! Songez, Geneviève, à ce que doit ressentir un enfant de sept ans quand les grands hommes, les villes, les fleuves de sa petite histoire lui tournent soudain le dos. Regardez-les. Ils me renient. (p. 51, Acte 3, Scène 1V).
Il est des naissances comme des morts. La première est la bonne. (p. 62, Acte IV, scène 3).
C'est pourtant l'adieu qui m'a le plus coûté. C'est de cette neige, qui recouvre des continents, de ces étoiles, indivises pour l'Europe, de ce torrent, à voix aussi latine que germaine que me venaient les suprêmes appels de ce pays. Sur toute cette étendue, où les morts et les vivants étaient pareillement couchés et dont seules le statues trouvaient le linceul, il régnait une allure des vents, une ronde des reflets, une conscience nocturne dont je ne pouvais me détacher. Les grands hommes d'un pays, son histoire ,ses mœurs, c'est presque un langage commun aux peuples, tandis que l'angle d'incidence sur lui des rayons de la lune, c'est bien que nul ne peut lui ravir. Si bien que lorsque la nuit a pâli, hier matin, c'était mon passé qui pâlissait, il me semblait que j'avais pris mon vrai congé et que j'étais prêt.
(p. 70, Acte IV, scène 6).
Je suis l'enfant des poètes morts sans postérité, je suis la mandragore née des héros pendus, le phénix surgi des hommes d'État assassinés. ( p.85, Lamento)
  Zelten (Baron von)


crime-peine de mort


technique





tragédie grecque
Je le devine!... Il se rase. Il met un col bas, il rafraîchit sa chevelure. pour cette heure qui va lui donner, pense-t-il, une famille, il fait une toilette de condamné à mort.
(p. 9, Acte I, Scène 1I).
Ce court-circuit, qui a enlevé Siegfried à sa vie véritable, c'est peut-être un ouvrier bien entendu qui va le réparer...(p. 9, Acte I, Scène 1I)

D'ailleurs, c'est dans la règle. Toutes les fois que la fatalité se prépare à crever sur un point de la terre, elle l'encombre d'uniformes. C'est sa façon d'être congestionnée. Lorsque Œdipe eut à apprendre qu'il avait pour femme sa mère et qu'il avait tué son père, il tint à ressembler aussi autour de lui tout ce que sa capitale comptait d'officiers supérieurs. (p. 46, Acte 3, Scène 1I).