Sodome et Gomorrhe (1943)

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Tu le vois, en ce moment, le cap de douceur que tu doublas avec Jean le soir de tes fiançailles?
( p.858-859, Acte I, sc.1V)

Stérile ( le couple) comme la double source, comme la double rose. Lia, de là-haut, nous voyons surtout le désert, qui tient les trois quarts du monde, et il reste le désert si c'est un homme seul ou une femme seule qui s'y risque. Mais le couple qui y chemine le change en oasis et en campagne. Et le couple peut être égaré à vingt lieues du douar, chaque grain de sable par sa présence devient peuplé, chaque rocher moussu, chaque mirage réel. La solitude pullule, s'il est là, de mains entrecroisées, de fronts éclatants, de visages accolés. Et il peut n'avoir qu'un chameau ou une chèvre, c'est le chameau du couple, et il l'emporte sur toutes les caravanes qui ramènent les trésors et les épices sous la conduite des chameliers solitaires, c'est la chèvre du couple, et elle l'emporte sur tous les troupeaux gardés par les bergers. Et l'époux avec l'épouse peut ne trouver au point d'eau qu'une vase, c'est l'eau du couple, et de là-haut, fontaines et cascades à côté de cette lie paraissent troubles. Et tous deux meurent de soif, et leurs ossements ne sont pas des objets de mauvais os et de mauvaise chaux, ce sont les ossements du couple, les côtes en sont d’ivoire, les orbites sont des émeraudes, les vides entre les côtes sont les pleins de la vie et ils brillent à travers la nuit éternelle.
( p.879-880, Acte II, sc. 7)

On n'imagine pas son mari ou sa femme. Il est là. Elle est là. Et c'est tout. Un époux n'est pas un mannequin d'esprit ou de rêve que l'on gonfle chaque matin. Il est hors de tout maquillage et de toute divagation. Il est là. Un époux ne s'imagine pas, ne s'estime pas, ne se juge pas: il se voit, il s'entend, il se touche. Il est dans la nature ce qui n'est pas fibre, ou moelle, ce que la saison change ou détruit, Il est le noyau du monde. Il est là, dans le sommeil des époux. Et il n'est pas là, dans l'absence, et rien ne l'y remplace qu'un alvéole épouvantable où il ne sert à rien de glisser, pour l’obturer, ni son souvenir, ni ses objets préférés, ni, comme vous lavez fait, l’homme et la femme de l'échange. ( p.880, Acte II, sc. 7)
  Dalila


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nature-religion






religion


Un homme, c'est d'abord la force. Je suis née peureuse, comme toutes les femmes. La moindre bestiole me plonge en transes. Mais, contre la souris et le moustique, je ne me sens rassurée que par la présence d'un mari qui étrangle la panthère entre deux doigts. Et toutes, vous êtes comme moi. Vous n'êtes rassurées contre le ruisseau que si votre mari peut barrer des fleuves, contre la feuille du tremble, que s'il peut d'une chiquenaude déraciner un chêne. Samson fait tout cela avec facilité. C'est dans cette marge de sécurité qu'est notre bonheur, car nous savons les racines géantes de nos petites frayeurs.
( p.869, Acte II, sc.4)

Un mari intelligent, c'est le juge qui vous confronte avec toutes les autres femmes, et surtout avec toutes les femmes que vous avez été. C'est l'espion du souvenir, la sentinelle du futur. Sous ses yeux chaque femme se sent en faute, en faute de vivre. Sous les yeux de Samson, je me sens de platine. ( p.869, Acte II, sc.4)

Moi, j'ai choisi le plus occupé; celui qui me laisse le plus de temps pour rester seule avec mon corps et le garder sous mon contrôle. Un mari qui vous promène vous distrait de vous-même. C'est le besoin premier de la femme, vivre le plus souvent possible avec ses bras nus, son ventre nu, ses jambes comme avec celles d'une tierce personne. Si elle reste une heure sans se voir, elle se perd de vue. Si elle cesse de se toucher, de se masser, elle perd avec elle ce langage d'aveugle qui est son seul langage intérieur, et va à l'aventure. ( p.869-870, Acte II, sc.4)

D'ailleurs je prends soin de lui parler toujours de ses ennemis personnels au féminin. Je ne dis pas les Amalécites, mais l'impiété! Ni les Philistins, mais la trahison. Ni le jaguar, mais la férocité. Toute femme est devenue ainsi pour lui le symbole et le sexe de quelque iniquité. À part la sienne, qui est - le masculin naturellement pour ce qui la désigne - qui est le charme, l'éclat et le prestige... Vous connaissez un mot masculin pour candeur?... Á part Dalila... ( p.870, Acte II, sc.4)

Et d'ailleurs quand Dieu parle, Dalila explique. C'est pour avoir négligé leur rôle d'entremise entre l'homme et le reste du monde, que les autres femmes n'arrivent pas à prendre le meilleur sur leurs maris. Si l'épouse ne traduit pas à l'époux des ordres de la nature, de l'inspiration ou du ciel, il les prend en dehors d'elle, c'est-à-dire qu'il l'en met dehors. Voilà mes conseils, Lia. Vous voyez qu'ils sont simples... ( p.871, Acte II, sc.4)

C'est encore, dans ces temps difficiles, la meilleure assurance contre la colère et la foudre de Dieu. Dès que la vengeance du ciel menace, je prends Samson à bras-le-corps et je suis sauve. ( p.871, Acte II, sc.1V)
  Jean
effets lumineux




poids et mesures


effets lumineux






esprits surnaturels



vie conjugale




histoire

vie conjugale



Il y a dans les étoiles et les arcs-en-ciel et les feux de la rosée une ligne de flammes et d'éclairs qui t'amène à lui?
( p.852, Acte I, sc. 3)

Et sur cette balance des êtres qui les jauge non d'après leur masse mais d'après leur équivalence, nous pesons le même poids, à une once près. Et dans cette fulguration, qui éclaire les êtres selon leur huile et leur essence, si nous n'avons pas la même couleur, nous avons la même lumière. C'est à cela que j'ai sacrifié mes humeurs envers toi, mes rancunes, mes divagations, à cette volupté d'une alliance parfaite. Le premier amour s'y fût-il apaisé, c'est par ses couples que Dieu voit le monde, et qu'il le justifie, et qu'il le juge. ( p.855-856, Acte I, sc. 3)

J'ai trouvé dans Ruth un coin d'ange.
( p.874, Acte II, sc.5)

Pour être ici, debout l'un près de l'autre, comme le maître et la maîtresse de maison, quand les invités arrivent. Les invités sont la peste, le feu, le cataclysme.
( p.883, Acte II, sc. 8)

Ii ne s'agit pas pour moi devant la catastrophe de donner au Créateur une de ces leçons enfantines dont l'histoire nous bat les oreilles. Quoique cela serait peut-être plus digne que de faire, du dernier instant des hommes, une scène de ménage. Mais j'ai besoin de ne pas être seul pour voir charger sur moi l'assaut de Dieu, et je te demande en mon nom, et non au sien de rester.
( p.883, Acte II, sc. 8)
  Lia

animaux






animaux



corps
religion


corps
langage

effets sonores



géologie



vie maritime




corps

effets lumineux

effets lumineux



outils
Aucune de ces guirlandes et de ces bandelettes dont on enveloppe d'habitude les mariés et les veaux gras. J'ai vu Jean comme la biche voit son cerf, de mes yeux les plus clairs, et tel qu'il est. Ni ma tendresse ni mon dévouement n'ont jamais posé sur lui rien de postiche. Je n'ai jamais eu à le déshabiller que de sa robe. ( p.838, Acte I, sc.1)

Que le monde est beau et vrai pour une biche, dans ses pensées et ses mouvements conjugaux!
( p.838, Acte I, sc.1)

Moi, mon corps n'a jamais été que ma voix vers toi; ma gorge, mes cheveux, mes jambes n'ont jamais été que les mots de ce langage que le péché originel a enlevé à notre bouche. À travers les âges, à travers la mort, à travers les épaisseurs des folies et des sagesses, à travers les visages changeantes de la terre, mes mains, mes hanches mes yeux t'ont dit le dévouement et l'espoir d'avant la faute. Tout ce que tu sais de ce qu'étaient les vrais fleuves, les vrais arbres, la vraie vie, c'est par eux que tu le sais. Toi, ton corps est un dos, un silence. ( p.845-846, Acte I, sc.2)

Le voyage. Les grands caps de la douceur, les îles de l'entente, les promontoires de la tendresse, on ne peut les revoir qu'avec un nouvel amour. ( p.858, Acte I, sc.4)

Lui m'aime. J'ai son amour. J'ai le navire. Les femmes ont toujours aimé le navire mieux que le pilote...
( p.858, Acte I, sc.4)

Je n'ai pas à vous toucher, je n'ai devant vous plus de mains, ni de gorge, ni de lèvres, et je n'en ai pas besoin, je ne suis plus dans cette ombre où il me fallait me cramponner et appeler. J'ai le bonheur des choses éclairées.
...
Je ne demande que votre lumière...
( p.860-861, Acte I, sc.4)

Te dégager de moi, la nuit, quand je croyais que tu n'étais plus distinct de moi-même et que mes jambes et mes bras n'étaient qu'un cadenas. ( p.875, Acte II, sc. 6)
  Ruth
effets lumineux



comportements


maladie



corps


logement

Cet homme pur comme le jour, couleur de jour, c'est lui qui allait être mon jeu et mon aventure constance. C'est sur lui, c'est par lui que j'allais goûter les délices et les voluptés d'une vie qui restait fade pour moi-même. J'avais dans mes bras celui qui allait aimer pour moi, souffrir pour moi. J'allais voir sur ce corps et cette âme toutes les morsures et les caresses de la vie. Quel spectacle! Quel avenir! Selon l'humeur des jours j'allais voir l'anxiété sur cette confiance, la fièvre sur cette santé. le courroux sur ce calme. Tous les nuages et les soleils sur son visage, et moi-même au fond de lui me nourrissant de la nourriture des femmes, de ses entrailles et de son cœur. Jusqu'à la mort! ( p.842, Acte I, sc.1)

Il y avait entre le corps de l'amante et de l'amant cet espace où il sait loger la pureté.
( p.865, Acte II, sc.2)
  Samson
corps





effets lumineux



miroir
Moi, j'ai choisi l'amour et la loyauté, le sein et l'œil de Dalila. J'ai choisi la générosité, la main et le cœur de Dalila! J'ai choisi la pitié pour le monde, la joue sur laquelle coulent les larmes de Dalila! J'ai choisi la passion, le duvet sur sa lèvres. Il est une pierre de lune que l'on glisse dans la nuit pour la faire prendre, pour que tout en devienne gel de beauté et de resplendissement: c'est le sommeil de Dalila... ( p.871, Acte II, sc.4)

Quand elles [les filles] voient Dalila, c'est comme si dans un miroir elles se voyaient trop belles. Elles en meurent...
( p.871, Acte II, sc.4)
  ACCEPTATION DE LA CONDITION HUMAINE
  L'Ange


sommeil

Quand l'homme abandonne à son geste la mission que son esprit renie, il ne l'abjure pas, il la passe à son servant, comme il passe la vie à son corps dans le sommeil.
( p.878, Acte II, sc. 7)
  Jean


faune





guerre




Il suffisait, pour qu'il fût digne de toi, que tu le dotes de ces facettes que tu as prodiguées à l'abeille, de cette oreille à cloisons que tu as donnée à la pigeonne, de cet instinct du loup et des orages dont dispose le moindre mouton. Mais ,tout cela, tu le lui as refusé! Tu as placé la délégation de ta prévision et de ta force sur son compagnon faible et indécis, sur sa femme. Elle est là, près de l'homme; elle porte sur soi toutes les vraies armes de l'homme, comme l'écuyer dans la bataille près de son maître. Mais il ne peut les lui reprendre. Et voici le couple humain: un homme capable de tout mais qui n'a pas ses armes; une femme qui les a toutes, et qui, par son enfance et sa folie, s'y meurtrit sans profit et sans gloire.
( p.850, Acte I, sc.2)
  DIGNITÉ DE L'HOMME
  Le Jardinier
décor







flore



Ce n'est pas un ornement, une décoration , la dernière rose. Ni une fragilité. Elle vivra aussi longtemps que nous, cette rose-là. C'est la première fleur de mes fleurs que je ne verrai pas flétrie. La colère de Dieu change ma rose en immortelle. C'est toujours cela. Pour une fois, la vie de la rose est le symbole de la vie humaine. La vie humaine y gagne. Mais me voilà obligé de la porter toute la journée à la main, de bêcher d'une main, de ratisser d'une main; ce n'est plus une rose de rosier, c'est une rose de jardinier. Que tout ce que je puisse dire aujourd'hui, que tout ce que je puisse penser, et nourrir, et offrir, soit une fleur, évidemment c'est une grâce. Qu'en ce jour sinistre, Dieu fasse du jardinier une espèce d'arbuste à une fleur qui embaume, c'est un choix, c'est un privilège, alors que les hommes sont tous en cette heure des arbustes à crime et à péché. ( p.863, Acte II, sc.1)
Réseau négatif
  ADULTÈRE
  Lia

mariage
oiseau





corps










sculpture










vêtements



mathématiques


religion

C'est la leçon du mariage. Tous les charmes se sont posés sur celui que vous épousez. Il est un orme surchargé de pinsons qui vous accueillent. Puis, semaine à semaine, chaque pinson s'envole sur un autre homme, et, au terme de l'année, votre vrai mari est disséminé sur tous les autres. ( p.839-840, Acte I, sc.1)


Que me reste-t-il de Jean? Je parle de son corps, non de son esprit. Je parle de traits mêmes qui le distinguait et l'ornaient à mes yeux. Sa vraie voix habite maintenant la bouche de Pierre. Son vrai regard est dans l'œil d'André. Sa vraie main est allée s'ajuster au poignet de mon oncle. C'est chez mon oncle qu'il faut que j'aille l'embrasser et la caresser! Hier, après des mois, j'ai entendu à nouveau son vrai rire, ce rire qui était le timbre de la liberté, j'ai couru. J'ai vu un esclave... ( p. 840, Acte I, sc.1)

Et Jean voit clair un ciel de plomb et droits des épis chavirés parce qu'il est heureux de sentir l'horrible statue de femme qui vivait près de lui se muer en un corps gracieux, en une gorge, en un souffle, en ce que j'étais jadis et que je ne suis plus, et que Ruth est maintenant pour lui, en un parfum, en un langage: en une femme.
( p.848, Acte I, sc.2)

Jamais traduction plus loyale n'a été donnée du mensonge, plus esclave de l'indépendance, plus tendre de l'insensible. Et elle a toujours été autour de notre amour. Elle en est presque un des objets, et à ce titre te comblera mieux que le plus beau d'entre eux. Ruth est une de mes robes. C'est juste ce qui te convient. Et elle sera aussi ce qu'il te faut, sans espoir, sans illusion. Elle sait que les hommes n'ont jamais deux amours. C'est là la barrière au cœur des hommes: le chiffre un. ( p.855, Acte I, sc. 3)

Cette profanation de tous les instants. Son nom à la place du nom de Jean, sur toutes les heures de la journée. Le lever appelé Jacques, le déjeuner et les bols appelés Jacques, le chien appelé Jacques. ( p.861, Acte I, sc.4)
  MENSONGE (RUPTURE DU COUPLE)
  L'Ange
effets sonores



nudité



tradition biblique

nature



corps célestes




effets lumineux




Que de paroles! Tu as perdu, le silence, comme d'autres perdent la voix. ( p.858, Acte I, sc.4)

Celui où elle dit tout haut et devant les autres son monologue intérieur. C'est la pire nudité. ( p.858, Acte I, sc.4)

Une fois déjà, j'ai entendu la femme bavarde. Et le lendemain, c'était le déluge.
...
Elle n'était pas couverte. Sous les torrents elle discutait. Dieu n'entendait qu'elle. ( p.858, Acte I, sc.4)

Les seuls constellations qu'on voit du ciel, ce sont les feux des couples humains. Jadis ce firmament étincelait de toutes parts. Chaque étoile était le feu d'un couple. Ici le feu était le diamant de la femme, ou le feu même de l'âtre, ou le soleil sur les boutons d'argent du mari. Et là ce feu était la lampe, l'éclat du poignard, les yeux du chien du couple. Or maintenant, ils se sont éteints l'un après l'autre. Dans Sodome, plus un seul. Le vôtre brille encore de là-haut, comme le feu des étoiles mortes. Je suis descendu mille fois plus vite que la lumière pour arriver à temps et pour rallumer le feu de tes bagues et de ton front sous la lune, le feu du regard de Jean et du pommeau d'or de son épée avant qu'on en ait vu du ciel le mensonge et la cendre.
( p.879, Acte II, sc. 7)
  L'Archange

effets lumineux
La création est encore indivisée entre eux... Mais déjà on dirait que chacun sécrète sa propre lumière c'est mauvais, c'est que chacun sécrète sa propre vérité.
( p.836, Acte I, Prélude)
  Dalila






corps

phénomènes
surnaturels

Le type que je déteste... Mais ce n'est pas un défaut. Au contraire. Cela me dispense de ces faiblesses et de ces attendrissements que provoque la vie avec des jambes amies ou des cheveux sympathiques. Samson est comme tous les hommes; il a surtout besoin d'un maître. Tant d'innocences et de muscles l'appellent! Avant moi, il obéissait déjà au doigt et à l'œil, mais à Dieu seulement. Il obéissait aux visions, aux prodiges, aux lettres de feu sur les murs. Des ordres trop rares, un par trimestre, alors que Samson est créé pour obéir à chaque seconde. Dans les intervalles, je suis là, un signe constant, un ordre constant.
( p.870, Acte II, sc.4)
  Le Jardinier
tradition biblique

On dit le Mensonge de Tyr, la Luxure de Sidon. Nous n'avons poussé aucun mal au symbole!
( p.835, Acte I, Prélude)
  Jacques

reptiles
Parfois sous la feuille d'acanthe on croit voir son ombre dentelée et roulée, c'est la couleuvre, c'est Ruth.
( p.849, Acte I, sc.2)
  Jean
tribunal






effets lumineux









tradition biblique





objets quotidiens


objets maritimes
maquillage





corps célestes


fin du monde
guerre




chants religieux

saisons


rituels religieux

déguisement



bijoux




poids

défauts de langage




déguisement




arts


corps


jeux d’enfants
Que j'attendais mon témoin. Que pour pareil procès je voulais témoin et juge. Si je récusais Ruth et Jacques, c'est qu'ils sont de faux témoins. ( p.846, Acte I, sc.2)

Ange, j'ai épousé cette femme pour avoir ma lumière. On m'a allumé le jour de mes noces comme une lampe. Mon travail, mon repos, avaient leur flamme, qui était elle. Je n'étais qu'huile et que mèche; et cette condition m'a suffit tant qu'il en naissait son éclat. Mais un jour est venu où elle ne s'est plus nourrie de moi. Elle brûle, elle scintille, mais pas de moi et pas pour moi. Je ne sais quel vent l'a emporté au loin, sa satiété ou son orgueil. Je suis la lampe, et ma flamme est là-bas qui brûle solitairement sur une margelle de puits ou dans un arbre. Et elle vacille ou brûle droite selon des humeurs inconnues. Et je vis dans la nuit. (847-848, Acte I, sc.2)

N'introduis pas le serpent dans le débat. L'ange peut ne pas aimer ces rappels. ( p.849, Acte I, sc.2)

Tout en elles est ignorance, et elles comprennent tout. Tout vanité, et elles sont simples devant le cœur et ses luttes. Tout en elles est tapage, distraction, et elles contiennent la cage de silence où le moindre grincement et la moindre palpitation du monde sont perçus. Tout en elles est égoïsme, chair, et elles sont le sextant de l'innocence, la boussole de pureté. Tout en elles est crainte, et elles sont le courage. Leurs yeux sont aveuglés de kohl, piqués de faux cils, et elles voient ce que voit l'ange. ( p.849, Acte I, sc.2)

Disons plutôt que Dieu dispense aujourd'hui le monde de ses hypocrisies. Sa vérité, c'est ce déchaînement, ce grondement, ces incendies. La vérité du ciel, ce sont ces étoiles dételées de leurs constellations et le sillonnant en chevaux échappés. On appelle fin du monde le jour où le monde se montre juste ce qu’il est : il est: explosible, submersible, combustible, comme on appelle guerre le jour où l'âme humaine se donne à sa nature. Nous vivons avec la haine, la bêtise. Ce sont nos risques.
( p.864, Acte II, sc.2)

Le cantique des cantiques de la femme menteuse.
( p.866, Acte II, sc.1I)

Ne prétends pas me dire que cette saison de vérité était ton suprême mensonge... ( p.866, Acte II, sc.1I)

Peut-être que l'on s'est simplement trompé dans le baptême. Que c'est toi l'homme, et l'homme la femme. Il suffirait de rectifier. Pauvre Lia, tu crois arracher le masque à la créature humaine, et tu arraches son visage
( p.884, Acte II, sc. 8)

Tu crois à ces défauts et à ces vertus qu'ils t'ont passés au cou et qui ne sont pas plus toi que ton collier?
( p.884, Acte II, sc. 8)

Tu n'es pas l'inconstance, tu n'es pas un élément, un souffle, un courant. Tu es bloquée sur toutes tes parts. Tu es un poids. Tu es l'habitude, le préjugé tu t'acharnes pour la vie sur une malheureuse idée d'un soir. Tu es rabâchement, un ressassement. Tu es d'une fidélité à crever.
( p.885, Acte II, sc. 8)

Tu n'es pas vraie. Tu n'es pas nue. Tu n'as aucun des élans, des franchises des êtres nus. Ta nudité est un travesti de rat d'hôtel qui t'ouvre nos nuits, et c'est tout.
( p.886, Acte II, sc. 8)

À des milliers de lieues, hors d'atteinte. Il n'y aura plus jamais de femmes pour nous, Jacques. Dieu soit loué. Il n'y aura plus dans notre maison la statue volubile du silence, le portrait aux yeux loyaux de la perfidie, ou dans notre lit le corps insensible de la volupté. Tout va être simple, Jacques. Tout va être facile comme dans notre enfance, pur comme dans ces jours où nous nous sommes connus à faire des ricochets dans la mer Morte. ( p.888, Acte II, sc. 8)
  Lia

corps





objets familiers



objets magiques : tapis volant
















pièges




objets magiques



enfance




armes


animaux domestiques




corps et souffrance





quotidien




animaux



image du corps et vêtements






reptiles et mue












mariage

animaux

vêtements rituels



silhouette





parade





déguisement
objets familiers





robotique







apparitions
surnaturelles






rituels religieux






objets quotidiens




espace





objets quotidiens






objets quotidiens





guerre et couple





jeux

vêtements



guerre




déguisement

objets quotidiens


tradition biblique
Dans ce cœur des nuits où je me sens ma propre vérité, je couchais avec mon faux mari, mes bras autour de ses reins étrangers, ma gorge contre sa poitrine factice, et tout le reste. Tout cela est supportable... Je suis femme, et la nuit est la nuit. Mais ce mensonge de son corps a gagné son âme. Ses dons, ses vertus, ses défauts, tout ce dont il étincelait aux noces, je ne les reconnaissais plus. Il avait emprunté des bijoux pour son jour de marié, et il les remplace peu à peu par d'autres. ( p.840, Acte I, sc.1)

Jean a un tapis volant. Quand autrefois s'élevait entre nous l'amour trop grand, puis l'indifférence trop grande, Jean montait sur un tapis, et s'envolait Il y a monte encore dans la haine. Il reste là, à me regarder, à répondre à ma supplication ou à ma rage, mais il ne voit rien, il n'entend rien. Il est sur son tapis, il est au-dessus de montagnes qui cachent ma vue, de torrents qui couvrent ma parole. Du ciel où il plane, il se fait un bras assez long pour caresser le chat, un pied assez long pour écraser les braises qui tombent du feu, il sauve le tapis non volant, et jusqu'à ses lèvres sont déléguées de milliers de lieues pour me donner le baiser du repos. Mais il me laisse là seule, impuissante, trahie, et par-dessus le repas du soir, le tapis volant l'emporte sans escale dans le cœur du sommeil. Ah! il sait voler! Les anges peuvent venir prendre des leçons!
( p.843, Acte I, sc.1)

Et chaque fois que l'occasion ou le doigt de Dieu les amène à la porte de la vérité, ils [les hommes] y voient la porte d'une souricière, et fuient à toutes jambes!
( p.845, Acte I, sc.2)

Alors amenons le tapis qui emporte, le casque qui rend sourd, l'anneau qui fait invisible et que la grande faim qui torture le cœur des femmes cède à la caille rôtie et aux fèves! ( p.845, Acte I, sc.2)

Puis il m'aurait suffit de le savoir par cœur, comme un enfant sait sa leçon. J'ai su par cœur ses gestes ses silences, ses langages. Et tout cela maintenant s'en va dans un oubli mortel. ( p.847, Acte I, sc.2)

Mais ce sont toutes deux (la haine et la tendresse) des armes un peu lourdes pour l'homme. ( p.850, Acte I, sc.2)

Extralucide, tout au plus. Comme toute femme dans l'action. Je n'ai pas la chance des hommes ou des chevaux qui tournent autour du puits. Un bandeau sur l'œil, et ils ne s'arrêtent plus. ( p.853, Acte I, sc. 3)

Ne te trompe pas sur la souffrance. Les seuls hommes qui souffrent sont les invalides. Car ce dont ils souffrent, c'est du membre qui leur manque. Tu souffres d'un amour que tu n'as plus. ( p.853, Acte I, sc. 3)

Mais tu es un homme: au moment où le goût et la force du présent te trahissent, tu les délègues à tes meubles, à tes animaux, à tes souvenirs. Ce qui reste de notre amour, tu ne le cherches plus en nous-mêmes, mais dans ceux qui en ont été les serviteurs ou les témoins. Reste à cause de notre jardin, à cause de notre merle dans sa cage, à case de l'odeur du pain que nous mangions. Reste à cause de la caille rôtie. Et de ce lit, où, à défaut de nous, s'étend chaque soir, notre couple spectre... ( p.853, Acte I, sc. 3)

Ce qui n'est pas à moi sur moi t'émeut déjà plus que moi-même. Mes cheveux plus que mes yeux. Ma robe plus que mon corps. C'est de voir partir ma robe qui te serrera le cœur. Si ma robe vide pourrait rester, et se promener vide, et s'incliner vers toi, tu supporterais très bien mon absence. ( p.853-854, Acte I, sc. 3)

Il était un pauvre serpent qui collectionnait toutes ses peaux. C'était l'homme. C'était toi car tu les as gardées toutes. J'ai supporté sans m'en plaindre que tu gardes ta peau d'enfance, toute molle, et ta peau de jeune homme, toute rêche, et celle de tes moindres mues. Ton présent n'a jamais été que le transparent de ta mémoire. Moi, du moins, je n'ai eu avec toi que ma peau d'épouse, tu n'as jamais sur moi touché qu'elle et caressé qu'elle. Elle naissait sous ta paume. Au-dessous, tout était sang et création. J'ai souffert, Jean. C'est horrible de vivre avec un être qui cache un cœur dans chaque objet de sa maison.
( p.854, Acte I, sc.1I)

Alors détruit aussi le monde, car le monde entier est ta maison. Tu as été cacher dans chacune de ses beautés et de ses objets, comme une pie, notre anneau de mariage. Il n'est plus à ta main. Il est dans les forêts, dans les aurores, dans le hululement de cet oiseau qui nous a éveillés notre première nuit. Ma robe de noces, tu l'as tendue en fils de la Vierge entre notre table et notre puits, notre lever et notre coucher. ( p.854, Acte I, sc. 3)

L'univers ne s'est pas rétréci pour moi, mais on y a découpé une silhouette de ta forme. Il y a un vide de ta forme ouvert dans la journée, dans l'horizon. Devant toi maintenant, je ne te vois pas. Je vois une fenêtre de ta forme sur le néant.
( p.855, Acte I, sc. 3)

La vie est pour toi une parade, où les couples défilent, la tête avantageuse, en se tenant par la main. Et ils peuvent se la pincer sournoisement cela n'a pas d'importance, et grimacer sous leur sourire. Il s'agit de tromper Dieu sur ses créatures.
...
c'est le masque de l'humanité aux yeux de son Créateur, ce sont les poupées de Dieu, et damnés ceux qui les touchent! Dame patronnesse du monde, voilà le titre que les maris rassasiés daignent offrir à leur épouse avide.
( p.856, Acte I, sc. 3)

Ô mon Dieu, voilà bien le vice suprême des hommes! Continuer les gestes de l'automate que tuas remonté dans Adam. La vie est noble quand elle est la vie. L'amour est noble, non pas quand il érige deux êtres en couple modèle, mais quand il les broie et n'en fait qu'une poudre, quand il les malaxe et n'en fait qu'un corps. Tant que je t'ai aimé, tant que j'ai été fondue en toi, pendue en toi, emportée en toi, j'ai tout accepté, tout goûté. Du jour du terrible jour où j'ai vu en matin, en me faisant les ongles, ma main sortir de toi, d'abord toute seule, et le jour suivant, plus terrible dans la glace, comme un spectre, mon corps tout entier, dans une naissance affreuse, j'ai compris que c'était fini. Et que nos tailles aient été copiées sur le bouleau, et nos têtes sur le chêne, ce n'est plus qu'une faillite, notre couple est difforme, et son ombre même monstrueuse.
( p.856, Acte I, sc. 3)

Épargnons-nous la liturgie du départ. Tu ne tiens même pas à m'embrasser. Tu cours après cette vengeance de ranimer en moi, par ta mauvaise gymnastique, celle que tu crois engourdie. Je ne suis pas engourdie. Je suis une autre. ( p.857, Acte I, sc. 3)

Que je l'atteigne, que je le touche, c'est tout ce que je demandais, et Dieu sait si j'ai frotté la vitre, et tapé à la vitre, et gratté la vitre de Jean. Elle est intacte. Comme sera la vitre de Jacques. ( p.860, Acte I, sc.4)

Mais voyez pour me fuir, il ne lui vient même pas à l'idée de marcher à travers la pelouse, il suit les méandres de l'allée. Trois S et un huit complet, voilà sa ligne de déflagration dans le courroux ou le désespoir.
( p.876, Acte II, sc. 6)

Je suis la neige dans sa fonte, le bûcher dans sa flamme. Mais que je sois repérée de Dieu, élue de ses mandataires pour l'héroïsme de ménage, que les cassolettes du choix divin embaument, que les langues du ciel me lèchent corps et cœur pour que je retourne vers le mari que je déteste et qui ne m'aime point, que j'ai abandonné et qui m'abandonne, je ne l'accepte pas. ( p.877, Acte II, sc. 7)

Alors, refaites les lanières de chair. Que Jean et moi nous nous ouvrions le matin, nous nous refermions le soir comme un livre. Je doute de toute autre entente. Car j'ai le cœur dur, ange aimé. Car je me sens de pierre du sourcil à l'orteil, ange chéri. ( p.880, Acte II, sc. 7)

Dans ton hypocrisie d'homme et ton horreur des batailles, tu aurais préféré que la mort nous touchât avant la vérité. C'est cette course entre elles deux qui se livre dans chaque couple. Le mari joue toujours la première.
...
Un petit effort de trente ou de quarante ans, même sans ces histoires de Sodome, et tu gagnais. Mais moi j'ai joué la vérité et depuis hier je gagne! La catastrophe t'a redonné confiance. À sa faveur, tu veux jeter un voile sur notre discorde. ( p.884, Acte II, sc. 8)

Il n'y a pas d'homme dans le monde. Cet être avec sa panoplie de biceps et de devoirs promis à toute vierge, il n'existe pas. Cette force est faiblesse, ce travail est paresse, ce devoir vanité. L'homme est la plus fausse conquête de l'homme. Je ne l'ai jamais vu. ( p.884, Acte II, sc. 8)

Je connais ton visage et ton masque! Des nuits entières, j'ai passé la main entre ton vrai cœur et ton faux, ta vraie et ta fausse peau, ton vrai et ton faux amour. Et j'ai essayé de faire craquer cet abominable vernis. ( p.884, Acte II, sc. 8)

Dieu a laissé discuter un ange. Il a eu Satan. L'homme a laissé discuter sa femme. Il a eu la femme.
( p.889, Acte II, sc. 8)
  Martha
objets quotidiens
rongeurs
Nous sommes ces serpillières et ces souris dont Samson seul te protège... ( p.871, Acte II, sc.1V)
  Ruth

guerre

rongeurs



prison



finances


amitié
Ils portent devant eux leur vie étalée comme une panoplie, mais sous la plus astiquée et la plus franche on sent des réserves et des ruses qui courent comme des rats. On voit la queue de l'un, l'œil de l'autre. Cela ligne, cela remue, et puis c'est le silence. ( p.843, Acte I, sc.1)

C'est insupportable parce que tu aimes Lia. Jacques aussi m'a logée dans une forme de Lia et m'y emprisonne et m'y surveille. ( p.851, Acte I, sc.2)

C'est pour cela que l'échange a été pour vous deux, qui êtes grands, un calcul sans profit.
...
Des amies que j'avais écartées pour toi, la plus rapide est déjà revenue, la peur... ( p.867, Acte II, sc.2)
  IMPÉRATIFS RELIGIEUX
  L'Ange
flore






maternité




sommeil





créature et couple











peinture
faune



Il faut qu'avant demain ces cyprès aient poussé jusqu'au ciel, ces jasmins soient devenus lichens, ces haies soient forêts pétrifiées. Il faut que tes œillettes sentent la mort, que tes cèdres sifflent sans vent, et que toutes tes roses soient noires... ( p.862, Acte I, sc.5)

Lia, il n'est pas question d'années, mais de secondes. Nous sommes dans l'instant où Dieu, comme la mère qui veut donner à son fils qui grimace le temps de se reprendre, détourne le regard. ( p.877, Acte II, sc. 7)

Les marmottes lui suffisent et l'ours hivernant. Le sommeil humain n'a jamais été qu'un pis-aller. Même pour une nuit , le ciel est anxieux de voir l'humanité étendue sans conscience, et chaque matin il a à son sujet l'angoisse de l'aurore... ( p.878, Acte II, sc. 7)

Il n'y a jamais eu de créature. Il n'y a jamais eu que le couple. Dieu n'a pas créé l'homme et la femme d'un après l'autre, ni l'un de l'autre. Il a créé deux corps jumeaux unis par des lanières de chair qu'il a tranchées depuis, dans un accès de confiance, le jour où il a créé la tendresse. Et, le jour où il a créé l'harmonie, il a fait de chacun de ces corps identiques la dissemblance et l'accord mêmes. Et enfin, le jour où Dieu a eu son seul accès de joie, il a voulu se donner à soi-même une louange, il a créé la liberté et a délégué au couple humain le pouvoir de fonder en ce bas monde les deux récompenses, les deux prix de Dieu, la constance et l'intimité humaines. Rien ne le récompense de ses autres enfants. Le Liban et le crépuscule sur ses cèdres, la neige et l'aurore sur la neige, c'est un tableau, pas une récompense. Les cigognes volant sans faute vers le sud, les girafes galopant sans faute vers le nord, c'est une leçon bien récitée, pas ne récompense. Mais qu'il lui faille renoncer, par votre désunion, à son vrai firmament, c'est ce qu'il ne peut pardonner. ( p.878-879, Acte II, sc. 7)
  L'Archange


arts
métiers

sciences








finances
animaux
domestiques
effets lumineux


art culinaire

guerre


folie


couple


animaux



fin du monde
Au zénith de l'invention et du talent, dans l'ivresse de l'illustration de la vie et de l'exploitation du monde, alors que l'armée est belle et neuve, les caves pleines, les théâtres sonnants, et que dans les teinturiers on découvre la pourpre ou le blanc pur, et dans les mines le diamant, et dans les cellules l'atome, et que de l'air on fait des symphonies, des mers de la santé, et que mille systèmes ont été trouvés pour protéger les piétons contre les voitures, et les remèdes au froid et à la nuit et à la laideur, alors que le grêlon qui tombe est prévu par les lois et annulé, soudain en quelques heures un mal attaque ce corps sain entre les sains, heureux entre les bienheureux. C'est le mal des empires... Il est mortel... Alors tout l'or est là, entassé dans les banques, mais le sou et le liard eux-mêmes se vident de leur force. Tous les bœufs et vaches et moutons sont là, mais c'est la famine. Si c'est l'été, l’ombre brûle. Si c'est l'hiver, la pierre éclate. Tout se rue sur l'empire, de la chenille à l'ennemi héréditaire et aux hypothèques de Dieu. Le mal surgit là même d'où il était délogé pour toujours, le loup au centre de la ville, le pou sur le crâne du milliardaire. L'archange mon collègue qui fait tourner les crèmes et les sauces dans la cuisine des empires est entré, et c'est fini. Il est là, et les fleuves tournent, les armées tournent, le sang et l'or tournent, et dans la tourmente, l'inondation et la guerre des guerres, il ne subsiste plus que sa faillite, la honte, un visage d'enfant crispé de famine, une femme folle qui hurle, et la mort. ( p.833-834, Acte I, Prélude)

Toute la dot du couple, défauts ou vertus, homme ou femme se les partagent avidement comme des bijoux ou des meubles à la veille du divorce. Cette nature indivise, ces admirations et ces dégoûts indivis, jusqu'à ces animaux indivis, ils se le répartissent. Plaisirs, souvenirs, objets prennent un sexe, et il n'y a plus de plaisirs communs, de mémoire commune, de fleurs communes. Le mal a un sexe. Cela vaut la fin du monde. ( p.835, Acte I, Prélude)
  Le Jardinier
fleurs




fleurs


sang



Avec la rose, je porte la volonté de Dieu. Si je porte l'espoir de Dieu ou la malédiction de Dieu, c'est à lui de le savoir. Moi, j'ai à le porter.
...
Voyez, elle tient même la main ouverte, j'ai enfoncé dans mon index les épines de sa tige, et elle tient, la goutte de sang qui coule est de sa couleur; voilà pourquoi l'ange l'a voulue rouge, et non jaune, et non chaudron, et ce que je dois comprendre de ma mission ainsi devient tout clair, devient une promesse: être dans ce désarroi où le sang des hommes va couler en plaies, en caillots, en rigoles celui dont il jaillit en une fleur, et en parfum...
( p.863, Acte II, sc.1)
  Jean

chants religieux



malignité de Dieu




chasse

superstitions


Tu vois bien que le ciel nous ordonne de lui réciter dans cette apothéose et cette résonance, le cantique des cantiques du faux couple. ( p.865, Acte II, sc.2)

Je sais bien que Dieu s'amuse à lier le sort du monde, et celui de chaque humain, à de petites conditions, à des mots de passe, à des détails. Il exige, comme des jetons pour notre entrée dans la réussite, des paroles et des actes sans rapport avec elle. Si ce cavalier, dans le désert, pense à chasser le vautour de cette gazelle expirante, une âme nouvelle naîtra à l'Asie. Si le petit Jean, à l'école, touche chaque matin la tache de soleil sur le dos du maître, il aura plus tard la petite Lia. Toujours, j'ai obéi à ces ordres hypocrites. J'attaque les escaliers du pied gauche, je touche les ronds de soleil, je casse les pommes au lieu de les couper. ( p.867, Acte II, sc.1I)
  Lia
espace



bavardage





êtres surnaturels


êtres surnaturels






religion






insectes



religion




techniques

malignité de Dieu





kaléidoscope
effets lumineux



volonté divine



veillée funèbre




objets quotidiens




tortures



facteur


blessures corps


relations familiales



effets lumineux






tradition biblique



larmes







mariage



effets sonores-
visage




volailles








peinture


visage

Et ce sentier dans la montagne comme un sillon du ciel, c'est par là que viennent les anges.
( p.837, Acte I, sc.1)

Rien n'est bavard comme le ciel. Leurs lèvres remuent. Je les regarde aux lèvres, cela les trouble. Au coin de leurs lèvres. Mais ils doivent avoir une consigne. J'attends qu'elle soit levée. ( p.837, Acte I, sc.1)

Une tête d'ange. Une tête muette de beauté... une horreur. Une tête d'ange est plaquée sur mon visage, et me le masque. ( p.837-838, Acte I, sc.1)

Et ce ne sont pas des anges qui apparaissent et disparaissent en éclairs. Ceux-là ne volent pas. Elle est loin l'époque où nous avions les visites des Khérubs. La volière du ciel s'abattait sur vous, quand vous aviez volé la loi de Dieu. Une scène avec dents et griffes, une crête hérissée jusqu'au plafond, et les apostrophes de supplice, de plomb fondu, et de damnation; et des coups d'aile à tuer un chevreuil. Mais du moins on pouvait dire tout ce qu'on pensait du ciel, cela ne comptait pas pourvu que ce fût dans la lutte. Regarde, dans ce vase; ce sont des plumes que je leur ai arrachées. Et ils s'élevaient soudain, vous gardant dans leur ombre bouillante jusqu'à leur zénith. Et puis c'était fini. La scène avec le ciel était finie. Je me recoiffais. Mais ceux-là sont des fourmis sans ailles, toujours à pied, cheminant et arpentant, et se parlant aux croisements comme des fourmis par des transparences au visage ou par des tics...
( p.838, Acte I, sc.1)

L'esprit avec le ciel s'appelle le blasphème. C'est injuste. Si j'ai de la repartie, c'est lui qui me l'a donnée.
( p.841, Acte I, sc.1)

Dieu est comme vous. Lui aussi se dérobe. Que les êtres qu'il a créés soient de pièces et d'arondes que rien n'ajuste, peu lui importe. Il a son tapis volant, qui est le ciel, et l'alibi qu'est pour vous votre corps, pour lui c'est l'ange. C'est de là que vient tout le mal: Dieu est un homme.
( p.847, Acte I, sc.1I)

Grâce à une de ces armes que tu n'auras jamais, la conséquence. Et tu la comprends maintenant la présence de l'ange. On secoue le kaléidoscope là-haut. Ces quatre pauvres décolorés que nous sommes sous leur aurore ou leur lune, ils sont las de leurs jeux et de leurs assemblements; ils veulent en changer les groupes et les danses. Il vient sanctifier l'échange, n'est-ce pas? Lui donner un sens céleste, en faire une expérience, une volonté de Dieu! ( p.851, Acte I, sc.2)

C'est Dieu qui a fait la nuit, pas nous. Il y a enfermé chaque couple seul, sur son lit funèbre, veillé par mille étoiles.
( p.858, Acte I, sc.4)

Et le ciel se trompe s'il se croit recouvert ainsi que ses habitants d'un vernis céleste qui l'isole de nous. Ce sont les habitants de la terre qu'une vitre terrible sépare.
( p.859, Acte I, sc.4)

Il nous torture pour nous arracher ce secret qui lui échappe. Hier, il nous a saignés pour toujours dans cet échange stérile. Aujourd'hui il met le feu à nos villes, il nous brûle les pieds, comme un chauffeur. ( p.874, Acte II, sc.5)

Il est le messager de Dieu, il est sans ailes comme un facteur, il m'aime; le monde vagit dans la mort et agonise dans la naissance; il y a à tuer, à se tuer, à combattre en cuirasse et nue, à poser son doigt sur l'une des artères éclatées de la terre, et c'est tout ce qu'il me propose comme héroïsme... ( p.876, Acte II, sc. 7)

Obéir à un ciel qui vous parle comme une belle-mère, je n'en vois pas le sens. ( p.877, Acte II, sc. 7)

Mais comment je reconnaîtrai le passage du phare de Dieu ou de l'ombre, je ne sais, j'irai au hasard. Et s'il me voit cracher au visage de Jean dans son éclair, et si je l'embrasse dans la nuit, c'est vous qui serez responsable. Et cela lui apprendra à tenir plus à son couple qu'à sa créature.
( p.878, Acte II, sc. 7)


Ce fameux couple juste qui peut racheter Sodome, vous l'avez avec Abraham et sa brave Sarah. Ces deux-là pleurent, ils ont pitié, ils s'embrassent. Vous avez l'habitude de sauver le monde des eaux ou du feu par ses glandes lacrymales et ses éponges. Faites comme pour le déluge où vous détourniez le regard de cet homme magnifique qui a nagé deux jours par défi pour vous, et où vous n'avez eu d'yeux que pour ce brave homme à barbe sur sa péniche qui pagayait en calmant sa femme, ses chiens et ses outardes.
( p.880, Acte II, sc. 7)

C'est d'abord pour nous enlever notre orgueil. Nous ne sommes plus ton couple de parade; nous sommes de pauvres époux qui ont failli, qui ont mis entre eux, comme seconde dot, l'angoisse du souvenir, du repentir. Mais c'est aussi pour m'apprendre qu'il y a au monde que celui que j'ai aimé. Que les autres hommes n'en sont qu'un écho, une grimace, et que tout ce qui ne vient pas de toi n'est que maladresse, à peu près, et dérision.
( p.882, Acte II, sc. 8)

Que l'homme est dénué et banal devant le devoir! Le voilà devant l'éclair de Dieu comme la poule qu'on installe devant une lame de couteau, et qui n'en bouge plus. Ta femme vient à toi, mendiante, ]écorchée, adultère, et c'est tout ce que tu lui dis, et c'est tout ce que tu lui demandes: poser avec toi pour le tableau qui montrera aux générations Lia et Jean recevant la mort. Voilà ce que tu veux être, voilà ce que tous les hommes veulent être: un portrait de famille. ( p.883, Acte II, sc. 8)

Je n'ai plus de visage, je suis la face même de toutes les femmes dans l'angoisse, brouillée de cendres.
...
Ainsi sont-ils devant la mort. La femme sombrant dans le chaos... L'homme pétillant d'identité...
( p.883, Acte II, sc. 8)
  Martha
corps Ce n'est rien, Samson. C'est le poing de Dieu.
( p.872, Acte II, sc.4)
  Ruth

corps
Son rapport là-haut sera le degré de chaleur humaine que son corps y rapportera. ( p.849, Acte I, sc.2)
  IMPÉRATIFS SOCIAUX
  L'Ange
nature



véhicules



vocabulaire

Tous ces arbres à feuillage, ces prairies à fleurs, ces animaux à courses et à bonds qui ont été donnés à l'homme pour le distraire de son soliloque et de son péché, et toutes ces voix des ruisseaux à reflets, des oiseaux à couleurs, des métiers, des chars sur les route qui l'empêchaient de s'écouter soi-même, tu les méprises, tu y renonces! Ton occupation, c'est toi-même. La vie, c'est ta vie. Tous ces noms d'innocence et de diamant dont on a couvert vos noms de chair et de sang, et Lia, et Noémi, et Ruth, et Jean, et Jacques, tu y renonces! Tu t'appelles matière et pourriture? ( p.859, Acte I, sc.4)