La folle de Chaillot (1945)

Réseau positif
  AMOUR
  Aurélie (La Folle de Chaillot)
temps Si deux êtres qui s'aiment laissent une seule minute se loger entre eux, elle devient des mois, des années, des siècles.
( p.999, Acte II)
  Le Chiffonnier
fleurs
et
danse
Me demander le nom d'une fleur, c'est comme si vous me demandiez le nom d'une de mes danseuses. Elles sont mes danseuses. Et c'est tout. Je la respire. Je l'embrasse. C'est ma danseuse. C'est ma fleur! Je me fiche de son nom! ( p.986, Acte II)
  Constance (La Folle de Passy)
animaux




visage
J'ai encore un avenir de vieille lapine. Je ne vois pas pourquoi d'ailleurs c'est en lapin que serait changé mon mari, s'il vivait encore. ( p.971, Acte II)

Il y a des jours dans la vie qui sont des bouches d'oubli.
( p.971, Acte II)
  Irma


localisation


objet technique





le langage
Je m'appelle Irma Lambert. Je déteste ce qui est laid, j'adore ce qui est beau. Je suis de Fursac dans la Creuse. Je déteste les méchants, j'adore la bonté. Mon père était maréchal-ferrant, au croisement des routes. Je déteste Boussac, j'adore Bourganeuf. Il disait que ma tête est plus dure que son enclume. Souvent je rêve qu'il tape sur elle. Des étincelles en partent.
...
Mon Dieu que j'ai eu raison de m'obstiner à être plongeuse! Car il viendra [celui que j'attends], il n'est plus loin. Il ressemble à ce jeune homme sauvé des eaux. A le voir en tout cas le mot gonfle déjà ma bouche, ce mot que je lui répéterai sans arrêt jusqu'à la vieillesse, qu'il me caresse ou qu'il me batte, qu'il me soigne ou qu'il me tue. Il choisira. J'adore la vie. J'adore la mort. (p.962-3, Acte I)
  Le sauveteur du Pont d'Alma

déesse antique
...quoi qu'il en paraisse et malgré mes trente-six ans, je n'ai point encore sacrifié à Vénus! ( p.947, Acte I)
  VÉRITÉ (JUSTICE)
  Aurélie (La Folle de Chaillot)
chasse



référence biblique


carnaval




évaporation


vices et vertus


avion



querelle
Comme du gibier. J'ai toutes leurs adresses, et j'ai trouvé l'appât. ( p.974, Acte II)

Quand vous serez décidée, je vous prêterai la mâchoire d'âne de Samson. ( p.975, Acte II)

Leur dire que dans ce tohu-bohu et cette mascarade qu’est le monde, il est du moins un petit cercle où ils seront les bienvenues et tranquilles. ( p. 976, Acte II)

Les méchants s'évaporent. Ils disent qu'ils sont éternels, et on le croit, et ils font tout pour l'être. Il n'y a pas plus prudent pour éviter les rhumes et les voitures. Mais pas du tout! L'orgueil, la cupidité, l'égoïsme les chauffent à un tel degré de rouge que s'ils passent sur un point où la terre recèle la bonté ou la pitié, ils s'évaporent. On raconte que les financiers sont tombés de l'avion dans la mer. Mensonge. L'avion a passé simplement au-dessus d'un banc de sardines innocentes. Tous ces bandits t'ont effleurée au passage.
( p.997, Acte II)

Il suffit d'une femme de sens pour que la folie du monde sur elle casse ses dents. ( p.999, Acte II)
  Le chanteur

Enfer
Entends-tu le signal de l'orchestre infernal!
( p.929, Acte II)
  Le Directeur
littérature C'est vraiment Dante aux enfers...
( p.995, Acte II)
  Irma (La Plongeuse)
forgerie

Il disait que ma tête est plus dure que son enclume. Souvent je rêve qu'il tape sur elle. Des étincelles en partent.
( p.962, Acte II)
  Le jongleur
oiseaux Les pigeons volent, et par un, comme les colombes après le déluge. ( p.997, Acte II)
  Joséphine (La Folle de Concorde)


tradition biblique


religion

particularités de
la nature


tribunal

Aurélie, tout accusé a le droit de se défendre. Même les animaux. Tu te rappelles le chien de Montagris. Avant le déluge, Dieu a laissé Noé défendre la cause des hommes. Le pauvre bégayait, paraît-il. ( p.978, Acte II)

La défense est comme le baptême. Elle est indispensable, mais n'importe qui peut l'assurer. Même un bègue, comme je te le disais. L'avocat de Landru était nain.
( p.979, Acte II)

L'avocat qui défend le mieux l'assassin, c'est celui qui ne tuerait pas une mouche. Celui qui défend le mieux le voleur, c'est le plus honnête. Le défenseur de Soleilland le satyre était Maître Perruche. Il était vierge. Il l'a sauvé. On n'a d'acquittement que par eux! ( p.980, Acte II)
  Le marchand de lacets
règne végétal
personnage historique
L'herbe du Cours la Reine s'est mise en une minute à repousser: c'est la mort d'Attila! ( p.997, Acte II)
  Le Secrétaire Général

apparition surnaturelle
Il est bien agréable de voir, Madame, que les sources de pétrole ont maintenant leur naïade! ( p.995, Acte II)
Réseau négatif
  CRIME
  Aurélie
mouvements
corporels


bijoux



déchets





bâtiment





objets familiers servant à mesurer




animaux



règne animal






tradition biblique


tradition biblique
C'est dur, le crime marche vite, mais j'ai l'enjambée large.
( p.953, Acte I)


Vous démêlerez la chaînette de la jalousie, je pourrai enfin la lever, et voir clair en plein jour. ( p.962, Acte I)

J'estime qu'il n'y a pas lieu d'être plus fière quand on fait ses saletés au-dessous de soi que lorsqu'on les fait à son niveau, et me suis toujours arrangée, en ce qui me concerne, pour que les égouts soient propres et embaumés. ( p.964, Acte II)

Vous n'avez pas plus d'œil que d'oreille, Gabrielle, sinon vous auriez vu que tous ces hommes qui partout se donnent des airs de constructeurs sont voués secrètement à la destruction. Leur édifice le plus neuf n'est que le mannequin d'une ruine. Voyez nos conseillers municipaux et leurs entrepreneurs. Tout ce qu'ils bâtissent comme maçons, ils le détruisent comme francs-maçons.
...
Ils usent l'espace et le ciel avec leurs lunettes d'approche, et le temps avec leurs montres. L'occupation de l'humanité n'est qu'une entreprise universelle de démolition. Je parie de l'humanité mâle. ( p.969-970, Acte II)

Les hommes sont tout simplement en train de se changer en animaux avides. Ils n'ont plus la force de dissimuler. Autrefois celui qui avait le plus faim était le plus large...
...
Maintenant ils entrent au restaurant avec des gestes d'ogre. Chez le boucher, on dirait des carnivores. Chez le crémier, ils sont prêts à téter. Chez le maraîcher, on dirait des lapins. Ils se changeraient en bêtes peu à peu qu'il n'en serait pas autrement. Autrefois ils vous prenaient la main avec déférence maintenant regardez-les, ils donnent la patte.
( p.970, Acte II)

Parce que nous sommes dans le règne du Veau d'Or.
...
Les hommes présentement adorent le Veau d'Or.
( p.973, Acte II)
  Le Baron
légende arabe Je me sens dans une légende arabe. Je me sens dans un de ces matins de Bagdad où les voleurs lient connaissance, et, avant de courir la chance nouvelle, se racontent leur vie.
( p.929, Acte I)
  Le Chiffonnier
péchés

mannequins




prostitution






esclavage



prostitution
On dirait qu'ils ont d'autres péchés capitaux que les nôtres. Ils ont nos femmes, mais en plus riche et plus courant. Ils ont acheté les mannequins des vitrines, fourrures y compris, et leur ont fait donner la vie, avec un supplément. C'est leurs épouses. ( p.958, Acte I)

Autrefois les denrées, les pièces de théâtre avaient l'air de se vendre elles-mêmes, de se présenter elles-mêmes. Maintenant tout ce qui se mange, tout ce qui se voit, tout ce qui s'entreprend, et le vin, et le spectacle, on dirait qu'ils ont un mec, qui les met sur le trottoir, et les surveille, sans rien faire. C'est eux, ma pauvre Comtesse. C'est leur mec.
( p.958, Acte I)

L'époque des esclaves arrive. Nous sommes là les derniers libres.
...
Le chanteur va avoir à traiter avec le mec de la chanson, et moi avec le mec de la poubelle. Ou c'est la fin.
(958-959, Acte I)
  Constance (La Folle de Passy)
royauté

religion
Parce que l'argent est le roi du monde. ( p.973, Acte II)

Il n'y a pas plus douillet que les hommes. Ils vont se débattre comme des diables. ( p.975, Acte II)
  Pierre

alpinisme (sports)
Ils s'entendent tous, ils se tiennent tous. Ils sont liés plus serré les uns aux autres que les alpinistes par leur chaîne.
( p.959, Acte I)
  Le Président


littérature


visage






finances









théâtre des
marionnettes






apparitions
surnaturelles







conte de fée
C'est leur imagination seule que nous avons l'ambition de servir, et nous ne commettons pas l'erreur des romanciers, qui se croient tenus, quand ils ont leur titre, d'écrire en supplément le roman lui-même. ( p.931-932, Acte I)

Ces lèvres torves, ces yeux fuyants, sont dans notre cercle de travail les garants de la loyauté, de notre loyauté.
( p.932, Acte I)

La prospection! Mais, Baron, c'est la reine actuelle du monde! C'est elle qui repère dans les entrailles de la terre cette encaisse de liquide ou de métal sur laquelle se fonde au plus fort le seul groupement humain que tolère notre époque, lasse des formes nationales ou patriarcales, la société anonyme. Monsieur le Prospecteur nous comble! Il nous propose d'asseoir la nôtre sur un champ de prospection.
( p.937-938, Acte I)

Voilà nos vrais ennemis, Baron! Ceux dont nous devons vider Paris, toute affaire cessante! Ces fantoches tous dissemblables, de couleur, de taille, d'allure! Quelle est la seule sauvegarde, la seule condition d'un monde vraiment moderne: c'est un type unique du travailleur, le même visage, les mêmes vêtements, les mêmes gestes et paroles pour chaque travailleur. Ainsi seulement le dirigeant en arrive à croire qu'un seul humain sue et travaille. Quelle facilité pour sa vue, quel repos pour sa conscience! Et voyez! Voyez, du quartier même qui est notre citadelle, qui compte dans Paris le plus grand nombre d'administrateurs et de milliardaires, surgir et s'ébrouer, à notre barbe, ces revenants de la batellerie, de la jonglerie, de la grivèlerie, ces spectres en chair et en os de la liberté de ceux qui ne savent pas les chansons à les chanter, des orateurs à être sourds-muets, des pantalons à être percés aux fesses, des fleurs à être fleurs, des timbres de salle à manger à surgir des poitrines! Notre pouvoir expire là où subsiste la pauvreté joyeuse, la domesticité méprisante et frondeuse, la folie respectée et adulée. ( p.942, Acte I)

Celle-là est chez nous courante, mais légendaire. Pour ravir un trésor, il a toujours fallu tuer le dragon qui le garde.
( p.943, Acte I)
  Le Prospecteur
apparitions
surnaturelles





courses de
chevaux

religion












conte de fée




déchets

mauvaises odeurs


objets quotidiens



odeur



eau




érotisme



esprits surnaturels

boissons
Mon cher Baron, les démons ou les génies qui veillent sur les trésors souterrains s'y emploient avec acharnement. Peut-être ont-ils raison. Quand nous aurons vidé notre planète de ses équilibres et de ses dosages internes, elle risque de prendre un jour le parcours non aimanté dans les chemins du ciel... Tant pis pour nous. Puisque l'homme a choisi d'être, non pas l'habitant, mais le jockey de son globe, il n'a qu'à courir les risques de la course. ( p.938, Acte I)

La foi et les martyres sont passés en ce siècle aux carburants. Mais la pire arme de nos ennemis est encore le chantage. Ils disposent à la surface de la terre, sous forme de sites ou de villes, des beautés que le respect humain empêche de livrer à notre exploitation, ou à notre saccage, si vous voulez, car là où nous passons ni le gazon ni le monument ne repoussent. Ils convainquent les esprits rétrogrades que ces médiocres réactions que sont le souvenir, l'histoire, l'intimité humaine, doivent prendre le pas sur celles des métaux et des liquides infernaux... Ils font jouer ici même des enfants sur les places les mieux désignées pour la fouille! L'or du Rhin est moins bien gardé par ses gnomes que l'or de Paris par ses gardiens de square. ( p.938-939, Acte I)

Comment vous l'indiquer à vue de nez, dans cette ville dont ils font un dépotoir du passé? Ils laissent s'accumuler, à tous ses points sensibles, pour dépister nos limiers en chasse, autour des carrefours, au coude des collines, aux terrasses Des cafés et des jardins, au flanc des cimetières, les nappes spirituelles qu'ont dégagées depuis des siècles les âmes illustres en combat et en amour. J'avoue que je m'y perds. Partout, dans ces quartiers où je discerne l'effluve du bitume, du fer, du platine, un effluve plus fort monte des générations mortes, des passionnés vivants, et dissipe l'autre ou le brouille. Partout l'aventure humaine s'amuse à m'y égarer aux dépens de l'aventure minérale... Ici même...
( p.939, Acte I)

Le prospecteur est le dégustateur de l'eau. L'eau reste la grande dénonciatrice des secrets de la terre, et la plus belle source n'est qu'une trahison de ses entrailles.
...
Mes papilles se dilataient sous le goût qui est la suprême caresse du prospecteur, le goût du pétrole. ( p.939, Acte I)

Les démons, nos ennemis, m'ont prévenu. Ils ont disposé autour de ce café une atmosphère, une animation qui ont distrait mes sens. Ne pensez pas que cette lourdeur de l'air, hier au soir, cette beauté des filles, n'aient pas eu de raison. Ni ce matin la ronde de tous ces bateleurs devant nos tables. Elle était de nous alanguir, de nous énerver, de nous pousser au champagne, bref de l'expérience.
...
Ils ont changé mon eau en piquette! (p.939-940, Acte I)
  MENSONGE
 
  Aurélie (La Folle de Chaillot)
 
pierres précieuses






matière de bâtiment



finances




disques

superstition
Tu ne vas quand même pas comparer des perles et des souvenirs! Tout le monde sait que les perles, sur la peau de celle qui les porte, deviennent peu à peu de vraies perles. Mais je n'ai jamais entendu dire qu'un faux souvenir devînt une réalité, même dans le cerveau d'une mule comme toi!
( p.971, Acte II)

Les fausses dents ne sont plus de vraies dents. C'est du ciment. On nous pave la bouche. ( p.972, Acte II)

Un jeune homme vient de m'expliquer que les ministres ne trouvent vraies que les paroles de ceux qui ont de l'or. Comme pour les billets de banque. Il faut pour la vérité une encaisse en lingots. ( p.973, Acte II)

Les objets parlant, c'est normal. C'est le principe des disques phonographes. Les hommes ont parlé tellement devant eux qu'un écho en sort. Mais de là leur demander conseil, il y a loin. Nous serions aussi bêtes que ces idiots qui font tourner des tables... ( p.974, Acte II)
 
  Le Chiffonnier
 

déchets



odeur





tissus
Maintenant les objets ne laissent plus dans les poubelles que leurs excréments, comme les personnes...
( p.957, Acte I)

Des excréments qui puent, Comtesse. Autrefois tout ce que l'homme jetait sentait bon. Ce que vous appeliez mauvaise odeur dans une poubelle c'est qu'elle les avait toutes à la fois. Sardine, eau de Cologne, iodoforme, chrysanthème!
( p.957, Acte I)

Je lâche le morceau! À ceci: le monde file un mauvais coton. ( p.957, Acte I)
 
  GUERRE
 
  Joséphine (La Folle de Concorde)
 

guerre


histoire de France



guerre et armées
C'est là justement l'intérêt de l'entreprise. Quand on détruit, il faut détruire par masse. Voyez les archanges. Voyez les militaires. Vous avez tous les précédents. Sans aller chercher le déluge, moi qui suis de Poitiers, c'est dans cette ville que Charles Martel a rassemblé tous les Arabes pour défoncer leurs crânes à coups de boules d'armes. Toutes les batailles ont ce principe. Tu rassembles dans le même lieu tous les ennemis, et tu les tues. S'il fallait les tuer individuellement en les cherchant dans leurs familles et leur métier, on se lasserait, on y renoncerait. Des gens se demandent pourquoi l'on a inventé la conscription et le service armé. C'est pour cela. ( p.978, Acte II)  
  IMPÉRATIFS SOCIAUX
 
  Aurélie (La Folle de Chaillot)
 

animaux




déchets



Prétention de leur part, de penser que leur peau est plus agréable au toucher que celle du chamois ou du veau. D'autant plus qu'ils transpirent. ( p.964, Acte II)

C'est dans votre domaine qu'ils ont jeté toutes les rognures et tous les déchets de leur vie. Moi pas. De toutes les saletés que charrient vos égouts, pas une dont je sois responsable. Je brûle mes ongles, je sème mes cendres. Jamais vous ne me surprendrez lançant dans une de vos bouches, comme j'ai surpris à le faire un conseiller d'État, un ignoble papier et son ignoble contenu. ( p. 964, Acte II)
 
  Gabrielle (La Folle de Saint-Sulpice)
 

maladie
Le patron des avocats. Lisez sa vie. Vous risquez la paralysie de la langue. ( p.981, Acte II)
 
  L'officier de Santé Jadin
 
insectes
métiers
L'abeille meurt de sa piqûre. Les droguistes s'engraissent de leur drogue. Je vous laisse juger l'un et l'autre.
( p.946, Acte I)
 
  Le Président
 

déguisement
maladie
Et depuis, il m'a suffi de me livrer à chacun de ces masques sans vie, même secoué de tics, même agrémenté de variole, quand j'avais le bonheur de les apercevoir, pour devenir ce que vous me voyez... ( p.931, Acte I)