2.3- Le village

Les Mbéti sont regroupés dans plus d’une cinquantaine de villages et trois centres urbains (Etoumbi, Kellé et Mbama) répartis sur l’ensemble du territoire. Ces villages sont pour la plupart composés de plusieurs lignages pour ceux dépassant cent habitants. Ceux qui n’atteignent pas cette taille appartiennent à un seul lignage ou deux. La plupart des villages sont situés sur les axes routiers et semble avoir fait preuve de stabilité depuis l’indépendance, mis à part l’intermède des regroupements de villages entamé par le pouvoir marxisant dans les années 70 qui occasionna quelques bouleversements. Malgré cela et quelle que soit la taille, leur topographie reflétera la règle lignagère, c’est-à-dire un découpage en fonction des lignages. Kohounou désigne à la fois une unité résidentielle et une propriété foncière; c’est-à-dire un espace sur lequel est construit un ensemble de cases alignées ou réunies autour de la case du chef de lignage. Vivent dans le kohounou généralement les individus capables d’établir leur parenté exacte, en ligne paternelle avec les individus du nkouono. Et les éhounou s’alignent les uns à côté des autres pour constituer un village multignager. Les limites entre eux seront artificielles et connues des seuls dignitaires.

L’appropriation du kohounou s’effectue en fonction de l’antériorité de l’occupation des lieux. Autrement dit, la distribution du terrain sera faite uniquement par le chef du lignage-fondateur du village. Et le kohounou du lignage-fondateur se situera au centre du village. En effet il est à la fois le coeur du pouvoir et surtout le point de confluence de diverses puissances tant négatives que positives.

La chefferie du village reviendra d’office au lignage fondateur du village et l’alternance du pouvoir se fera exclusivement à l’intérieur de celui-ci. Mais elle s’appuiera surtout sur les autres chefs de lignage, les devins, les guérisseurs et les dignitaires de différentes confréries, qui selon leur compétence respective renforcent le pouvoir villageois. En réalité, il s’agit d’un conseil de sages qui l’assiste dans divers domaines comme la justice, la protection du village et des habitants, la relation avec le sacré, la production des biens de subsistance, la mort ou la maladie...

Comme l’organisation sociale Mbéti s’appuie sur la bilinéarité, la succession statutaire se fait à la fois en ligne utérine et en ligne agnatique. En ligne utérine elle s’effectue de frère à frère ou d’oncle à neveu; et en ligne agnatique de père à fils, de grand-père paternel à petit-fils. Mais il est assez rare que les collatéraux interviennent dans cette phase politique car les Mbéti restreignent l’accès au pouvoir politique à un nombre donné d’individus. Il faut aussi tenir compte des paramètres comme le charisme, la probité, la minorité du prétendant... qui font subir une entorse à cette règle établie. Dans certaines conditions, le frère peut être remplacé par le fils ou le neveu, le neveu par le fils. Et cette entorse procédera toujours en ligne descendante.

Ainsi la succession comme l’héritage reproduisent explicitement la stratification sociale qui confère à chaque individu des droits et devoirs dans un système où la contribution de chacun est jaugée non pas en termes quantitatifs ou qualitatifs mais en fonction de son statut social. Et la division du travail est l’un des domaines où cette caractéristique est manifeste.