III -LES SOCIETES SECRETES

Les sociétés secrètes ’sont des communautés fermées auxquelles il est impossible de s’intégrer librement. Le propre d’une véritable société secrète sera toujours de comporter des réunions non seulement réservées aux seuls membres, mais se déroulant dans l’observance d’un cérémonial précis: des rites qui mettent en action des symboles particuliers du groupe. Et c’est toujours, justement, d’une manière rituelle que s’opère l’intégration des membres, avec un jeu d’épreuves qui, suivant les cas, pourront être plus ou moins dures, variées, simples ou complexes. C’est justement l’existence de ces secrets rituels qui constitue [...] la caractéristique déterminante de la société secrète dans l’acception précise du terme’ écrit S. Hutin (1989, pp 25-26). Mais il reconnaît que ces caractéristiques ne suffisent point pour une définition universelle; car cette définition peut correspondre à un autre type d’association. Je compléterai cette définition par les caractéristiques spécifiques au système magico-religieux Mbéti: le mode d’adhésion (la cooptation et la contrainte), l’usage exclusif des sanctions magiques, leurs actions essentiellement répressives, vindicatives, mortelles et très souvent anonymes, l’existence quasi-officielle des sociétés secrètes, l’anonymat des membres, l’absence de rituel public et leur finalité plus ou moins maléfique. Leurs membres étaient pour la plupart des chefs lignagers et des hommes qui maîtrisaient bien les mécanismes fondamentaux du magico-religieux et des phytothérapies particulières. Et elles étaient exclusivement masculines. Il s’agit du Mbèlè, du Nkula et l’Andoukou chez les Mbéti.

S. Hutin (pp 26-27) poursuit son analyse en établissant une catégorisation des sociétés secrètes selon leur philosophie et leur champ d’action. Il les classe en sociétés secrètes criminelles (comme la Mafia), sociétés secrètes politiques (cas du Carbonarisme), sociétés secrètes justicières (la Sainte-Vehne, le Ku-Klux Klan), sociétés secrètes religieuses (le Vaudou haïtien), sociétés secrètes professionnelles ou corporatives, sociétés secrètes dites fraternelles, philosophiques, humanistes, initiatiques (cas de la Franc-maçonnerie en Occident, de la Triade en Chine). Chez les Mbéti, ces sociétés secrètes étaient très éclectiques et jouaient les rôles religieux, parajudiciaire, politique... participant ainsi à la dynamique du système.

Je focaliserai cette approche sur deux d’entre elles: le Mbèlè et le Nkula. Je reviendrai succintement sur l’initiation et sur quelques caractéristiques qui me permettront d’abord de cerner les motivations de leur création, leur philosophie et leur place dans le système magico-religieux Mbéti. Je me refère essentiellement sur des données de terrain.