2- La réorganisation du fonctionnement du Ndjobi

2.1- Les attributions fonctionnelles dans le Ndjobi

La désagrégation du système Mbéti (c’est-à-dire les chefferies, les clans, les lignages, les sociétés secrètes et initiatiques...), bien que n’ayant pas créé des conflits entre les structures exixtantes, a plutôt montré les insuffisances du système lignager dans certains domaines comme le contrôle social, la sécurisation des personnes et surtout la difficulté de faire face à certains phénomènes sociaux. Dans ces conditions, l’un des objectifs principaux du Ndjobi est de pallier ces faiblesses. Mais il faut souligner que le Ndjobi ne remettra pas en cause l’organisation sociale existante (c’est-à-dire le système lignager). Car il se base en partie sur elle. L’âge avancé et l’appartenance lignagère d’un Nga-ndjobi, par exemple, ne sont pas des critères suffisants pour devenir Onga-fouoyi. Pourtant ils sont déterminants dans la chefferie lignagère. Cette nuance révèle la différenciation de rôles entre le système politique et le système magico-religieux, complémentaires dans l’organisation sociale Mbéti.

Comme le Ndjobi ne dispose pas d’une structure centralisatrice (à l’image des religions monothéistes) qui coordonne les activités des sanctuaires dans le pays Mbéti, il faut donc analyser les attributions fonctionnelles à travers l’organisation du fouoyi. Le fouoyi définit la structuration du Ndjobi, comme le fait la mosquée dans l’islam ou la paroisse dans la religion chrétienne. A la différence de celles-ci, où l’accès aux fonctions sacerdotales résulte d’une nomination ou d’une cooptation et où l’implantation d’un lieu cultuel dépend d’une décision de l’autorité supérieure, le Ndjobi s’inspire de deux principes: la volonté individuelle et la contrainte. Ses principes reflètent assez bien la philosophie d’un système lignager. Ainsi, l’Onga-fouoyi, par exemple, n’est pas nommé, ni coopté par une instance supérieure. Elle ne peut non plus décider de l’implantation d’un fouoyi . Tout est fonction de la volonté des adeptes et des diverses motivations. Comme l’adhésion est en théorie volontaire, l’option de devenir Onga-fouoyi l’est aussi sauf dans le cas exclusif d’une sanction consécutive à la culpabilité pour homicides volontaires. Il s’agit souvent des sorciers réputés qui présentent une réelle menace pour la cohésion sociale dans une contrée. Dans ces conditions l’imposition du fouoyi ou du statut d’Onga-fouoyi est, pour la direction du fouoyi où eut lieu l’initiation du coupable, l’un des moyens de contrôler son comportement post-initiatique. Par contre, les autres membres de la direction du fouoyi peuvent être choisis ou cooptés par l’Onga-fouoyi pour leurs connaissances des phénomènes sacrés et pour leur charisme.

L’organisation du fouoyi institue une catégorisation des initiés qui les hiérarchise et détermine leur accès aux responsabilités dans le Ndjobi. Pour cela il y a trois catégories de Nga-ndjobi: les Mvandé, les Ayangongo, les Akliyongo; où il faut inclure quelques représentants des anciennes confréries (Onkéra et Onkani ) et les chefs de village-fouoyi qui apportent au Ndjobi la légitimité sociale. Ils acquièrent d’office le statut de Mvandé.

Les Mvandé constituent l’ossature des directions des fouoyi dans la mesure où leur connaissance des phénomènes sacrés, leur habileté politique et leur connaissance du système parajudiciaire sont un apport considérable dans les mécanismes de fonctionnement du Ndjobi. Ils représentent pour les néophytes l’exemplarité sociale dont ils doivent s’inspirer. C’est pourquoi la majeure partie des Mvandé provient en partie de la gérontocratie. Quant aux Akliyongo qui donnent au Ndjobi une dimension juvénile (relais du pouvoir actuel), ils sont suppléants des Mvandé. Sur eux se fondent l’actualisation et l’expansion extra-ethnique du Ndjobi. Bien qu’ils soient les suppléants des Mvandé, les Akliyongo occupent une place importante dans l’organisation des rituels publics. Enfin, les Yangongo composés d’adolescents, des fonctionnaires et des non-Mbéti ont cette particularité de n’aspirer à aucune fonction.

La catégorisation des Anga-ndjobi répartit donc les fonctions dans le fouoyi. De l’Onga-fouoyi (l’équivalent du Curé de la paroisse) au Mvandé-akéni (le chef de la chorale) ressort une dynamique spécifique aux associations religieuses. L’étude portera sur quelques-unes de ses fonctions dans le fouoyi afin de situer et de montrer les changements intervenus dans le Ndjobi et le vécu communautaire. Elle permettra de voir comment les fonctions du Ndjobi influent sur le système Mbéti.