2- L’Olèbè et le Mba-è-ndjobi

L’olèbè est, en général, une sorte de hangar traditionnel qui a deux portes ; l’une donnant sur la cour du village et l’autre sur son arrière. Un ou deux poteaux situés au milieu de l’olèbè servent de supports à l’édifice. L’olèbè est toujours situé devant les maisons lignagères donnant l’impression d’être le repère symbolique des différentes propriétés lignagères. Ses dimensions (de 7 m de longueur à 5m de largeur ou de 15 m de longueur à 7 m de largeur) varient selon le nombre des membres du lignage propriétaire du lieu ou selon le statut du chef lignager dans le système villageois (tel que chef de village, membre du corps judiciaire, Nkani, devin, guérisseur...). On trouve dans l’olèbè une table, des chaises, des tabourets, un ou deux bancs et un bûcher.

Il y a donc autant d’autant de lignages et de villages que d’olébé dans le pays Mbéti. Un village peut compter 2 à 5 olèbè selon le nombre des lignages et des habitants. Souvent les lignages principaux ont un olébé. Il joue plusieurs rôles dans le système Mbéti. Il est un lieu de socialisation, un lieu de justice et de diverses négociations inter et intra-lignagères, un lieu de repos, une salle à manger pour les hommes et surtout un lieu cultuel... Malgré ses caractéristiques qui peuvent faire de l’olèbè un lieu commun aux femmes et aux hommes, elles confirment plutôt la séparation des domaines féminins et masculins. Il est réservé uniquement aux hommes et rattaché à l’expression de leur pouvoir. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est à la fois le siège social des institutions villageoises et le coeur de la vie communautaire. C’est assurément cette conception Mbéti de la place de l’olèbè qui fit qu’il devint le siège social du Ndjobi au village.

Cette séparation des domaines féminins et masculins est plus significative avec le Ndjobi à cause de la présence de ses objets cultuels (comme ndjobi-a-ntsiana, ossèlè, kobana ko sama... qui sont fixés au poteau central), de la réalisation de ses rites et surtout à cause des interdits d’accès aux femmes qui viennent d’accoucher ou des femmes en menstrues à l’olèbè-a-ndjobi. Certes, d’autres interdictions comme l’usage des armes à feu, du chyme du caprin et l’usage des fétiches en son sein existent, mais elles visent surtout à préserver l’intégrité de la puissance du Ndjobi. C’est pourquoi l’olèbè-a-ndjobi est devenu à la fois une propriété lignagère et une propriété indivise des initiés (au même titre que le fouoyi). Mais cette double caractéristique n’engendre pas un conflit de quelque nature que ce soit entre les membres du lignage et les initiés dans la mesure où les activités du Ndjobi ne sont pas quotidiennes et que l’Onga-fouoyi est dans la plupart des cas chef lignager ; donc propriétaire de l’olèbè-à-ndjobi et il contrôle ces deux aspects.

C’est vraisemblablement pour conserver à l’olèbè sa vocation initiale qu’il faut inscrire l’absence des objets cultuels dangereux et la réduction du nombre d’interdits inhérents à la dynamique de cette société initiatique. Cette stratégie vise à rompre avec l’image négative du Ndjobi Ompièlè et entend faire du Ndjobi contemporain une institution publique.

A la différence du fouoyi où ont lieu les rituels importants comme l’initiation proprement dite, les ordalies, le lembini... réservés aux seuls initiés, l’olèbè-a-ndjobi sert de cadre aux phases publiques de ses rituels. Cette distinction fonctionnelle met en évidence la complémentarité entre l’olèbè-a-ndjobi, le fouoyi et le mba-è-ndjobi.

Le mba-è-ndjobi, situé à 25 m ou 50 m de l’olèbè-a-ndjobi, est reconnaissable par le monticule noir des cendres de l’ongoumou lorsqu’il est découvert pour certains villages. Lorsqu’il est couvert par une sorte de couvercle en tôle, celle-ci sert de repère pour les étrangers. Il s’agit en général de la cour qui est attenante à l’olèbè. C’est là où s’effectuent les danses publiques de l’odjoho onènè, de l’odjoho okièhè et de léyoho. En cas de pluie, les rituels sont transférés dans l’olèbè ou reportés à une date ultérieure.

Le mba-è-ndjobi et l’olèbè-è-ndjobi ont acquis une dimension sacrée à partir du moment ils ont été consacrés par les Mvandé-officiants au cours d’un rituel d’enfouissement des objets symbolisant la puissance du Ndjobi sous le poteau central et sous le monticule des cendres noires de l’ongoumou. Ils sont des lieux de la socialisation collective et la vulgarisation des catégories normatives du Ndjobi. Même si l’affectation ne hiérarchise pas des lieux cultuels par ordre d’importance, ni selon les fonctions, ni selon les rituels effectués, la prédominance du fouoyi apparaît clairement à travers l’importance des phases des rituels qui y sont effectuées notamment l’initiation, les ordalies, les rites expiatoires, le lembini et surtout par la présence du nkobè.