1- Ossèlè : le couteau de jet

L’ossèlè est par sa forme arrondie, son bout pointu et sa lame transpercée par des figures expressives (un volatile, deux cercles) bien différent d’une machette ordinaire. Il représente une arme symbolique de destruction, de lutte contre les forces maléfiques et ennemies dans les rites thérapeutique, expiatoire et vindicatif d’où son usage quasiment limité à ces seuls moments. Par sa configuration complexe et la symbolique liée à son usage, il devint à un moment donné l’emblème de l’Onkani et des Anga-mpoho; dans la mesure où il caractérise l’impartialité et la force du pouvoir. Allusion faite à sa lame qui peut blesser son propriétaire en cas de maladresse. L’ossèlè acquiert ce statut à partir du moment il a été utilisé comme un instrument dans les rites ordaliques et vindicatifs. ’C’est au cours d’un rituel public qui regroupait les protagonistes d’un conflit et les dignitaires locaux que l’officiant avait mis l’ossèlè dans un feu ardent, faisant suivre ce geste de multiples invocations qui énonçaient les mobiles de l’acte rituel et les résultats attendus. Ces invocations sollicitaient l’apport des génies cosmiques, des esprits ancestraux, gémellaires et des Ankani ... Puis l’officiant le sortait dès qu’il était devenu rougeâtre et pulvérisait du lembana et du lentsitsagui pour accroître sa force. A la fin l’ossèlè était fixé par son bout sur l’arbre Ongomoua (sur lequel grouillent d’innombrables fourmis ongomoua)’83. Cet usage de l’ossèlè a été repris dans la procédure du lembini.

Il perdit cette symbolique avec la déliquescence de l’autorité traditionnelle et sera utilisé uniquement lors de la réalisation du lembini. Mais l’ossélé retrouve son usage rituel avec la renaissance du Ndjobi. D’où l’analogie faite entre la maladie liée au Ndjobi et une blessure: Ndé ò djouala

Traduction : Il est blessé (par le Ndjobi) au lieu de dire qu’il est atteint par le Ndjobi.

C’est à partir de ces caractéristiques que l’ossèlè 84 se rapproche symboliquement du Ndjobi-à-ntsiana. Ils sont indispensables et indissociables lors des rituels et surtout pendant l’Okwandji. D’ailleurs cela est manifeste par leur disposition autour du mba-è-ndjobi (l’un à côté de l’autre) et leur usage conjoint par le Mvandé. Par ailleurs l’usage de l’ossèlè prend une autre dimension lors des rites ordaliques et vindicatifs parce que l’homme fait appel à la symbolique de sa lame tranchante (par rapport à la gravité de l’acte commis et à la finalité du rite). Ainsi, lors de la réalisation du lembini, il est fiché par son bout pointu dans un arbre, autour duquel sont associés d’autres éléments censés porter l’action décisive sur le fautif. L’arbre transpercé par l’ossèlè symbolise le coeur de l’éventuelle victime. Et la sève qui coulera, représente son sang.

Mais, ce seront surtout la manière de le tenir, de l’exhiber pendant la danse publique et la tenue des Mvandé qui renforcent cette image de l’ossèlè chez les néophytes. Il ne doit en aucun cas être dirigé vers l’assistance, ni vers le feu. L’ossèlè ne doit pas tomber des mains du Mvandé. Ce dernier doit l’orienter vers le sol, c’est-à-dire diriger cette force destructrice, vers des espaces censés abriter des esprits maléfiques; et vers le ciel pour les disperser. C’est pour cela que la pulvérisation de la mâchure du lembana lui est inutile.

Enfin, l’ossélé est comme le ndjobi-à-ntsiana une propriété indivise des initiés d’où sa présence uniquement dans l’olèbè différant en cela du kobana kosama ou d’antsiémi.

Notes
83.

Entretien du 10 juillet 1989 avec M. Bataba du village de Ngoua

84.

Seuls les Mvandés, c’est-à-dire l’Onga-fouoyi, le Mvandé-à- nkobè, l’Ondouona-ndjalé et quelques autres initiés l’emploient pendant les rituels. Cet usage est régi par un certain nombre d’interdits comme ne pas le faire tomber au sol, ni le tenir par la main gauche, ni l’utiliser après avoir eu des rapports sexuels (24 h auparavant), ni se blesser avec...