1-Ongoumou

Ce sont des cristaux de la résine d’une variété de baobab que les initiés ramassent sous ses racines. Assemblés, nettoyés et consacrés par un Mvandé, ils sont ensuite stockés dans l’olèbè avant son utilisation rituelle. L’ongoumou ainsi obtenu devient un objet rituel.

A la différence du bois et des morceaux d’une calebasse91 (ayant contenu de l’huile de palme) qui, jadis, servaient de combustibles et ont eu leur champ d’usage réduit, l’ongoumou a conservé sa symbolique magique. Il n’a jamais connu un autre usage car une légende Mbéti lui donne une origine surnaturelle. Selon celle-ci, il serait une coagulation de l’excédent de graisse d’un python découvert par un chasseur de porc-épic, qui tentait de débusquer un gibier retranché dans un trou sous les racines d’un baobab. Ce dernier attiré et effrayé par la brillance de ces cristaux, au cours de cette recherche, en ramassa quelques-uns puis arrêta sa chasse. L’usage qu’il en fit montra qu’il s’agissait d’un combustible. La matière visqueuse qui coulait de sa combustion renforçait la conviction qu’il s’agissait bien de la graisse du python. En effet la graisse du python est pour les Mbéti un antidote contre les morsures de serpent et un produit efficace pour les massages. De cette légende naquit la réputation sacrée de l’ongoumou.

Et le Ndjobi qui pérennise ainsi cet usage lui confère une double symbolique de combustible et d’antidote. Il est la composante principale du mba-è-ndjobi qui possède par sa luminosité et sa chaleur la capacité à la fois de regrouper les initiés, les génies et les esprits tutélaires et de renforcer leur puissance magique. Ensuite il constitue un ’antidote’ contre les forces maléfiques présentes dans l’univers villageois grâce à la fumée odoriférante qui se dégage de sa combustion. Elle répand aussi sur les néophytes et les initiés une force purificatrice et sécurisante qui dynamise leurs corps92. C’est pour cela qu’il est recommandé aux initiés d’étendre leurs mains au-dessus de la flamme pour revitaliser la puissance incorporée en eux et d’expulser les agents pathogènes de leurs corps.

Ce double aspect fait que lors du transport de l’ongoumou de l’olèbè-à-ndjobi au mba-è-ndjobi s’effectue aussi le transfert de la force du Ndjobi du premier site vers le second pour une durée limitée. Et la mise à feu du bûcher par un Mvandé avant le début de la cérémonie publique (surtout en l’absence des Enfouomo) et les incantations prononcées à ce moment renforcent le caractère sacré.

Aussi, la portée de la flamme de l’ongoumou correspond avec celle de l’initiation dans la mesure où son emploi est limité à un seul rituel public l’Okwandji, et à un moment où la présence humaine est très importante. Cette portée reflète le comportement et les gestes des initiés-danseurs à l’endroit du mba-è-ndjobi avant l’usage des objets cultuels et la participation à la danse. Car tout danseur doit éviter que la poussière soulevée par ses pas n’éteigne le feu ou de tomber dans le bûcher. Il doit se prosterner devant la flamme avant le début de chaque rite. La chute est assimilée à un abandon de l’initié par les puissances tutélaires.

Mais, l’une des caractéristiques de la flamme, selon mes informateurs (tant au Congo qu’au Gabon), est son identification au souffle des esprits et génies tutélaires de l’univers Mbéti. D’où les précautions prises pour éviter son extinction impromptue qui correspond à la mise en danger d’une vie humaine, ou à l’essoufflement d’un ancêtre. C’est pourquoi les Mvandé doivent la préserver d’un acte malveillant et en rassembler la cendre à la fin du rituel initiatique pour éviter sa dispersion dans le village. La dispersion des cendres pourrait être dangereuse pour les habitants du village. C’est pourquoi ils sont enfouis dans le sol dans un lieu tenu secret.

L’ongoumo est non seulement une source de chaleur et de la luminosité; mais elle est surtout un élément purificateur de l’espace villageois qui dilue par sa fumée la dangérosité ou la menace d’une épidémie maléfique. Celle-ci est dispersée par le vent. Cette caractéristique la rapproche du lembana, du mvouli et des antsiémi. Enfin il faut noter que l’allumage de l’ongoumou est le premier rite dans l’ordre des séquences publiques de l’Okwandji au village tant pour du léyoho, pour l’odjoho okièhè que pour l’odjoho onènè. Et cette tâche (tout comme l’entretien du foyer et son extinction) reviendra durant ces moments à un seul Mvandé.

Si l’ongoumou purifie l’environnement villageois, le lembana vivifie la puissance du Ndjobi, des initiés, des esprits ancestraux, gémellaires et des génies cosmiques.

Notes
91.

La calebasse fait office de récipient pour la conservation de l’eau et de l’huile.

92.

Rappelons qu’autour du bûcher constitué uniquement de morceaux de l’ongoumou sont disposés par ordre hiérarchique à la fois les membres de la direction du fouoyi, les Mvandé, les Akliyongo, les Ayangongo et les objets cultuels. Le rite prend un sens particulier à partir du moment où les non-initiés sont associés à la kermesse et que c’est le seul moment où ils seraient en contact avec la puissance affirmée du Ndjobi.