2.1- L’odjoho okiehè

L’odjoho-okièhè (la petite kermesse) repose essentiellement sur de parties de danse caractérisées par des incantations, des chants, des contes et des légendes. Il débute vers 20 h et prend fin vers 22 h ou 23 h. L’annonce du début de l’odjoho s’effectue de la manière suivante : entre 18 h et 20 h, deux Mvandé-officiants soufflent trois fois dans les amvouli devant l’olèbè-à-ndjobi ; puis ils sont relayés à plusieurs reprises par les siffets des antsiémi des autres initiés situés dans divers endroits du village-fouoyi. C’est le rite de l’allumage du mba-è-ndjobi effectué toujours par les deux Mvandé-officiants qui marque le véritable début de l’odjoho okièhè et attire peu à peu les initiés.

Durant les 30 premières mn qui précèdent l’arrivée des autres initiés et des Enfouomo-spectateurs, ils diront des invocations et fredonnèront des chants sacrés dont le but est de solliciter la bienveillance des esprits du Ndjobi afin de protéger les spectateurs fragiles et pour que l’organisation du rituel soit réussie. Dès que le nombre des initiés est assez élevé (de 10 à 20 personnes), commenceront alors les choses sérieuses. Ils forment alors un cercle de danse autour du mba-è-ndjobi. Les non-initiés se tiennent à 6 ou 8 m du cercle. Durant la phase préliminaire qui dure plus d’une heure et demie, tous les initiés et les spectateurs sont assis (soit sur une chaise, soit sur un tabouret, soit sur une natte, soit à même le sol), sauf les initiés appelés à danser. Ils invoquent les esprits du Ndjobi et fredonnent des chants dans la position assise jusqu’au moment où le Mvandé-akéni (le coordinateur de la cérémonie) décide de changer de phase.

Cette phase préliminaire est considérée par les initiés comme un moment d’échauffement pour les danseurs et les chanteurs. Car le spectacle de danse (très attendu par les spectateurs qui ont fait le déplacement pour le village-fouoyi) commence dès sa fin. Les chaises et les tabourets sont retirés du cercle de danse. Il faut souligner que l’ordre des chants est scrupuleusement respecté par le Mvandé-ankéni et les autres Anga-ndjobi. Il est lié à la nécessité de réguler à la fois la participation des esprits du Ndjobi et la force magique des Anga-ndjobi. Les chants sacrés occupent une bonne partie de la première séquence. Elle prend fin par la chanson ’Akouoro akoga102 Cette chanson est très significative parce qu’elle appelle à l’union les esprits tutelaires du Ndjobi, les esprits ancestraux, gémellaires... et les vivants. La vivacité des initiés à ce moment donne l’impression qu’ils sont galvanisés par les esprits du Ndjobi. C’est en cela que le rite de changement de position des initiés (de la position assise à la position debout) acquiert un sens particulier. Comme si la position assise traduite l’inconfort et la position debout le dynamisme.

Comme pour les chants, la hiérarchisation statutaire des Anga-ndjobi est respectée dans la position dans le cercle dansant, l’ordre de leur participation à la danse et l’ordre de leur intervention pendant la durée de l’Okwandji. L’Onga-fouoyi et le Mvandé-à-nkobè tiennent des positions prédominantes par rapport aux autres initiés. Chaque initié appelé à danser, doit se prosterner d’abord devant le Mba-è-ndjobi, puis l’Onga-fouoyi, le Mvandé-à-nkobè et les autres initiés. La prosternation s’achève toujours par la levée des bras au ciel. Et chaque initié termine sa partie de danse par une seconde prosternation devant le Mba-è-ndjobi. Il s’agit d’une redondance inutile qui veut toujours donner l’impression de la gravité du rite. Et pourtant on sait que les rituels importants ont lieu uniquement dans le fouoyi et la forêt.

Dans la seconde phase les Enfouomo sont autorisés à participer à la partie de danse. Leur participation est intéressante à double titre parce qu’elle les implique davantage dans la dynamique du Ndjobi. Ce qui lui permet d’étendre son emprise magique et symbolique sur tous les acteurs sociaux (y compris les femmes) d’un village ou d’une contrée. Elle dure 1 heure à 1heure et demi. A la fin de la partie de danse, les deux Mvandé-officiants resteront seuls autour du mba-è-ndjobi pour un dernier rite.

Enfin, la durée relativement courte de 2 à 3 h de l’odjoho okièhè tient compte des futures épreuves qui sont souvent longues et harassantes et exigent de l’initié beaucoup d’endurance. Comme phase préparatoire de l’Odjoho onènè, l’odjoho okièhè s’entoure aussi de précautions afin d’éviter toute transgression des principes du Ndjobi. Pendant ces deux ou trois heures, les Mvandé-officiants appelleront constamment les non-initiés au respect des principes. Ils insisteront sur les enjeux sociaux, les incidences individuelles et collectives de l’initiation et sur la place du Ndjobidans le système structurel Mbéti. Car, la transgression d’un interdit par un néophyte (selon son degré de gravité et son rapport avec le Ndjobi), par exemple, pourra avoir des incidences néfastes notamment des épidémies, la vulnérabilité et la mort des déviants. Elle peut avoir pour conséquences l’initiation obligatoire du déviant.

Il faut dire que la socialisation collective effectuée par les Mvandé au cours de l’Okwandji s’inscrit dans la continuité de celle entreprise par les membres du lignage dans d’autres lieux. Mais sa particularité repose sur l’impact attribué au pouvoir magique du Ndjobi.

Dès la fin de l’odjoho okièhè vers 22 h ou 23 h. Les non-initiés doivent quitter les lieux avant les Anga-andjobi, qui se chargeront d’effectuer les rites particuliers pour essayer de juguler et orienter la force du Ndjobi vers des objectifs précis, jusqu’à l’extinction normale du mba-è-ndjobi. Le lendemain, le cycle continuera avec le lèyoho.

Notes
102.

Akouoro’akoga: le rassemblement de tous les esprits ancestraux, gémellaires et cosmiques du pays Mbéti./ les oncles/ rassemblés/