III-LA FONCTION PARAJUDICIAIRE

Le règlement des conflits (surtout ceux liés à la sorcellerie, aux décès inopinés et inexpliqués, à la suspicion de culpabilité dans un acte maléfique...) est avec la thérapie, deux domaines où l’action du Ndjobi focalise le plus l’attention des Mbéti et des observateurs par la gravité des faits et de leurs incidences sociales d’une part; par l’immédiateté des résultats des rites ordaliques ou divinatoires d’autre part. C’est pour résoudre des affaires conflictuelles, dramatiques et urgentes que beaucoup de groupes ethniques africains ont institué, chacun selon sa philosophie et sa représentation symbolique, des systèmes divinatoires qui permettent de répondre en peu de temps à beaucoup de questions et de faire un tri préliminaire de l’étiologie ou des suspects avant que l’homme n’ait recours à des rites ordaliques plus complexes. A. Retel-Laurentin (1974, pp 319-364 ) en fait un inventaire très détaillé complétant le travail d’E.E.Evans-Pritchard (1972) sur les Azandé du Soudan. Ils sont mis en oeuvre tant pour des événements exceptionnels et inexpliqués que quotidiens et réguliers. ’La divination, par exemple, n’est pas seulement une technique de déchiffrement, elle est aussi une expression standardisée, une rationalisation culturelle des causalités relatives à l’ordre du monde et des humains’ (N. Sindzingre, 1995, p 202). Elle est donc liée à une connaissance du mode d’interprétation des données de la part des officiants et à sa mise en rapport avec des faits donnés. Ce qui lui interdit l’erreur de diagnostic ou des résultats négatifs. Car la plupart du temps leurs résultats ont force de loi et ne peuvent être remis en cause par personne.

Dès lors, on saisit l’obligation de réussite de ces rites qui nécessitent à la fois la méticulosité des Mvandé-officiants et la discrétion lors de leur réalisation. Aussi la crédibilité du système et surtout son impact intra et extra ethnique en dépendent parce qu’il dénoue une situation conflictuelle, soigne ou non un malade. Ici, les enjeux sociaux sont tellement importants que tous les paramètres doivent être pris en compte. La transgression d’un interdit par un des Mvandé-officiants, par exemple, annihile la fiabilité du rite thérapeutique tout comme l’erreur de diagnostic sur l’étiologie.

Dans cette optique, l’analyse sera consacrée sur deux types d’ordalies dont les finalités divergent totalement: Koléhéré adjiami et lembini qui interviennent à la suite des procès divinatoires. Ils sont mis en oeuvre dans la plupart des cas à l’occasion de décès inopinés ou attribués aux sorciers. Ils expriment, à travers le Ndjobi, l’esprit judiciaire Mbéti.