1 -Manifestation et etiologie de la maladie

1.1- L’Etiologie CONSTANTE

On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une manifestation spécifique aux maladies imputées au Ndjobi. Mais l’observateur est frappé par leur soudaineté et par leur violence, suivie de diverses difficultés qui rendent souvent les diagnostics délicats à établir. Ainsi une morsure de serpent, une piqûre d’abeille ou d’une fourmi, par exemple, même bien soignée par les procédés traditionnels peut aboutir à une crise épileptique ou à de pénibles convulsions. Dans ces conditions, il s’agit d’un indice de la gravité de la faute commise par un individu donné qui permettra à son lignage d’envisager une démarche adéquate. C’est aussi la persistance de ce type de maladie et sa nature (souvent rare) qui semblent les différencier des maladies ordinaires. Il s’agit de l’incontinence, de la ménorragie, une hémiplégie, une fièvre intermittente, la perte de connaissance répétée, l’inertie, l’aphonie... qui incitent le lignage à vérifier leur hypothèse de départ. Si l’implication du Ndjobi est alors révélée, il faudra déterminer l’étiologie pour préparer une phytothérapie adéquate. Elle est plus complexe pour l’étiologie constante que pour l’étiologie variable.

En effet l’étiologie constante est liée à la transgression d’une des normes fondamentales du Ndjobi qui concerne son intégrité et sa fonctionnalité. Il s’agit de l’homicide, de la violation de l’intégrité du fouoyi par un homme qui a eu des relations sexuelles la veille de la réalisation d’un rite dans cet espace, de la tentative de neutralisation du nkobè... La nature de la sanction est généralement proportionnelle à la gravité de l’acte commis. Les exemples les plus cités dans la sous-préfecture de Mbama sont ceux d’A. K. (le 10 mars 1974) à Etoumbi dont les piqûres d’abeilles entraînèrent le décès. En réalité, il s’agissait des conséquences du lembini effectué au fouoyi d’Akoua quelques mois auparavant à la suite la mort par noyade de N.A. dans la rivière Lessébé à Andzoko; et de l’incontinence suivie de l’hémiplégie d’Okoua auxquelles il n’a pas survécu.

Par contre ce qui arriva au Mvandé E. P. du fouoyi d’Engobé permit de jauger la rigueur du Ndjobi. Car il s’agit d’un membre influent de la direction de ce sanctuaire qui est censé respecter à la lettre les règles d’organisation du Ndjobi. Ce dernier fut, en octobre 1978, terrassé à l’entrée du fouoyi par une crise foudroyante. Il perdit connaissance durant quelques minutes et fut réanimé par l’Ondouono-adjalé. On lui reprocha d’accéder au fouoyi sachant qu’il avait eu des relations sexuelles ( moins de 24h h) auparavant.

En réalité, l’étiologie constante concerne la plupart du temps les Anga-ndjobi, elle est la plus redoutée parce qu’elle laisse peu de marge de manoeuvre au malade, à son entourage et aux Mvandé-officiants. Et la soudaineté, la violence de ses implications souvent dramatiques et la complexité du diagnostic de son étiologie ont amené les Anga-ndjobi à instituer une procédure appelée Onguénéhé 133 qui permet de suspendre momentanément les effets de la maladie. L’habileté des Mvandé est aussi sollicitée pour déceler certains signaux distinctifs qui leur permettent d’identifier une maladie imputable au Ndjobi. Dans tous les cas, si la paternité du Ndjobi est confirmée, l’Ondouono-andjalé procédera d’abord par des soins préliminaires ou utilisera la procédure de l’onguénéhé.

C’est à partir de leurs comportements dans ces situations délicates que les Mbéti jaugent la capacité d’anticipation et le savoir-faire des Mvandé. Mais l’étiologie constante montre surtout aux Mbéti l’impartialité du Ndjobi à l’égard des initiés qui sont souvent lourdement sanctionnés lorsqu’ils commettent une faute. La sévérité du Ndjobi à leur égard est justifiée par le fait qu’ils sont censés être exemplaires dans leur comportement face aux Enfouomo. Par contre, l’étiologie variable qui concerne à la fois les non-initiés et les initiés, l’auteur de l’acte réprouvé que le membre de son lignage élargit le champ de compétence du Ndjobi et renvoie à la responsabilité collective.

Notes
133.

Je reviendrai sur cet aspect dans la section réservée à la stratégie thérapeutique.Il s’agit du maintien artificiel en vie d’un malade en attendant que le procès divinatoire établisse un diagnostic viable ou que le lignage adopte une procédure de traitement.