1.2- L’ETIOLOGIE VARIABLE

L’étiologie variable concerne des actes de toute sorte touchant le vécu quotidien comme l’adultère, le vol, le mensonge ou la complicité dans une relation adultérine ou l’escroquerie et impliquant soit l’auteur, soit l’un des membres de son lignage. A la différence de l’homicide ou de la violation des interdits fondamentaux du Ndjobi, ces actes sont essentiellement moraux et facteurs de désordre social. On comprend dès lors l’insistance des Mvandé pendant l’Okwandji sur le rôle des chefs lignagers. En outre, il s’agit des faits courants qui tombent facilement dans l’oubli et dont les auteurs banalisent les conséquences sociales. La maladie-sanction révèle au public la nature du fait et rappelle la fonction du Ndjobi dans l’organisation sociale.

Comme pour l’étiologie constante, la manifestation est identique. Mais elle est lente et pernicieuse pour la victime et son lignage. Elle paraît souvent bénigne au point que les victimes semblent la négliger ou prennent peu de précaution pour la soigner. Nous prendrons pour exemple la maladie de Mme O. (du village d’A.) intervenue à la fin de décembre 1980. Elle entretenait, depuis plus d’une décennie, une relation adultérine avec M. O. du même village. Cette relation aurait commencé quand elle se rendit compte que son époux ne satisfaisait plus normalement à ses attentes sexuelles. Elle souffrait depuis plus de trois ans de cette maladie intermittente. Parfois elle recouvrait sa santé; puis elle avait une rechute. Les membres de son lignage essayaient d’expliquer ces rechutes par son manque de rigueur dans le suivi médical, alors qu’il s’agissait d’une maladie liée au Ndjobi. C’est le jour où elle tomba dans le coma (plusieurs fois dans la journée) que son lignage décida de consulter un devin. Ce dernier révéla la liaison adultérine avec son amant datant de plus de dix ans.

Comme on ne peut préjuger d’un comportement individuel dans des circonstances données, ni contrôler quotidiennement chaque individu, les Anga-fouoyi incitent les chefs de lignage et de village à plus d’attention envers le comportement de leurs membres. Car cela anticiperait sur l’issue de certains événements et éviterait des procédures coûteuses et parfois humiliantes pour les lignages. Il faut souligner le fait qu’une reconnaissance de sa culpabilité par un aveu ou une confession jette l’opprobre sur tout le lignage; surtout que l’acte a lieu dans un terroir rural où les résidents se connaissent nommément. Les membres de ce lignage porteront ce fardeau. Si bien que certaines personnes préfèrent taire leurs actes et mourir sans qu’il n’y ait d’incidence de cette nature sur les leurs.

Enfin, par cette typologie, le Ndjobi ne hiérarchise pas les actes délictueux ou les comportements sociaux, mais on voit comment il les systématise, suscitant des stratégies thérapeutiques qui diminuent les tâtonnements pouvant mettre en danger la vie d’un individu. Il établit donc une distinction claire entre les maladies naturelles et celles relevant de sa compétence. Si bien que les Mbéti ont toujours recours à leur système de divination notamment la géomancie, la divination par le coq et d’autres moyens qui permettent de déceler l’étiologie des pathologies et de prescrire un traitement fiable. Dans ce cas, ils ne focalisent pas uniquement leur démarche sur le Ndjobi.