1.2- La reconnaissance de fait du Ndjobi par les autorités politiques locales

Si au Gabon, le Ndjobi est reconnu comme une société initiatique (P.Péan 1983, p 35) qui joue un rôle dans l’organisation sociale, sa marginalité au Congo relève d’une sorte d’acculturation idéologique liée à l’option marxiste-léniniste et des préjugés défavorables résultant eux de l’impact additionnel de l’évangélisation chrétienne et de la colonisation. Selon cette doctrine, la religion (ici, ce sont les systèmes magico-religieux) est considérée comme un des écueils au développement socio-économique. Quant aux préjugés défavorables, ils ont dévalorisé les systèmes ethniques au point de les rendre désuets dans la configuration du système étatique actuel. Cette conception est reproduite aujourd’hui par les hommes politiques congolais. Et pourtant l’observation du vécu des groupes ethniques au Congo fait constater leur importance. A contrario de cette tendance, on remarque que l’organisation des sociétés latines repose à la fois sur leurs coutumes, leurs religions, les institutions scolaires, judiciaires... sur l’adaptation progressive aux évolutions technologiques et aux nouveaux phénomènes sociaux...

Même s’il y a une séparation affirmée entre la religion et le pouvoir politique, celle-ci joue toujours un rôle dans l’organisation de ces sociétés. Quelles seraient les conséquences sociopolitiques d’une interdiction de la religion chrétienne et la religion juive en France, en Italie, en Espagne, au Portugal... La simple évocation de cette question peut paraître saugrenue à un européen parce qu’elle signifierait une remise en cause des fondements de leur système institutionnel. Ce qui permet de saisir l’intérêt accordé à l’évangélisation imposée des populations non-européennes par les missionnaires chrétiens en dehors de l’Europe. Et celle-ci ne pouvait s’effectuer normalement qu’en stigmatisant les systèmes magico-religieux ou les religions ethniques et en leur donnant un statut péjoratif. C’est dans cette optique que les missionnaires les assimilaient à la barbarie. Cette conception marquée idéologiquement a façonné beaucoup d’intellectuels et d’hommes politiques congolais qui ont été formés (à l’époque coloniale) dans les structures scolaires des missions. Ils continuent à reproduire cette image péjorative et négative sur les systèmes magico-religieux et sur d’autres éléments des systèmes ethniques. Ainsi les langues ethniques, par exemple, sont de moins en moins utilisées par les intellectuels, les hommes politiques, les ouvriers... en villes dans les échanges commerciaux ou dans l’administration nationale au profit des langues universalisées (comme le français). Quant aux sociétés initiatiques, sécrètes et aux rituels dont les caractéristiques ésotériques en font, selon eux, des groupuscules de sorciers, leur rôle social dans l’organisation est désuet.

A partir de ces considérations négatives, il faut analyser les relations entre le Ndjobi et les pouvoirs publics au Congo en dehors du schéma des religions universalistes et des sectes. Rappelons que l’article 18 de la Constitution du Congo qui stipule que ’ l’Etat garantit la liberté de conscience et de religion dans le cadre prévu par la loi. Il est interdit d’user de la religion à des fins politiques’, la loi N°21/80 du 10/10/1980 relative à l’application de l’article 18 et le décret N° 84/154 du 7/02/84 portant application de cette loi (Cf., annexes) ne font aucune allusion aux systèmes magico-religieux.

Leur contenu essaie uniquement d’organiser les activités des religions universalistes et des sectes. D’ailleurs certaines dispositions législatives ne peuvent pas correspondre à l’organisation et aux activités des systèmes magico-religieux dans la mesure où elles sont inspirées essentiellement du modèle de la religion chrétienne et des religions du livre. Il s’agit, par exemple, de l’article 4 de la loi N° 21/80 du 10/10/1980 dans ses dispositions dans laquelles les responsables des associations religieuses doivent déclarer ’ les lieux exacts où seront fixés les établissements’ (2) et les ’ Statuts et livres de culte’ (4) ; et de l’article 5 qui stipule que’ les cérémonies du culte doivent être publiques’.

C’est l’article 3 qui montre l’incompatibilité de la loi avec la dynamique des groupes ethniques, des systèmes magico-religieux et de la méfiance envers l’administration à partir des précédents coloniaux (cf. le Ngo ou le Ndjobi originel). Il stipule que ’ Toute personne ou toute association se proposant soit d’établir un culte, soit de d’ouvrir ou de construire un édoifice consacré au culte ou à des activités religieuses en République Populaire du Congo, est tenue d’en faire la déclaration préalable au Gouvernement. Cette déclaration adressée au Ministère de l’Intérieur ainsi qu’à l’administration de la région et du district de la situation du culte ou de l’édifice cultuel ou religieux, sera signée par le ou les dirigeants du culte pour l’ensemble du territoire congolais’. On sait que les lieux de culte ou les sanctuaires sont toujours cachés et que les rituels importants sont ésotériques ; ou qu’il n’existe pas de livre, ni d’édifice, ni de statuts... En somme, il s’agit des systèmes exclusivement oraux et ésotériques.

Et pourtant leur existence est connue des hommes politiques, des intellectuels appartenant aux groupes ethniques qui les pratiquent ou de leurs voisins. Le Congolais qui a vécu dans la Cuvette, dans la Lékoumou et dans le Niari ou qui s’est intéressé au système magico-religieux des Tégué, des Téké, des Bambamba, des Mbéti, des Nzabi, des Kota ne peut ignorer le Ndjobi, l’Onkéra, l’Onkira, Pascal Souaka avec le Piqué ou celui qui a vécu dans le Pool et s’est intéressé aux Kongo et aux Lari ne peut ignorer l’existence du Kindoki150 ou les Minzoula.

L’un des arguments qui sous-tend ces considérations négatives sur les systèmes magico-religieux est, semble-t-il, la leur variété et leur tendance systématique à privilégier les aspects morbides et mortels dans leur fonctionnement. C’est au regard de ces caractéristiques qu’ils sont assimilés à une sorte de barbarie ou considérés comme des groupuscules de sorciers, tantôt comme des fétiches et rarement comme des sociétés initiatiques ou des rituels. Dans l’acception de fétiches ou d’association de sorciers, ils jouent un rôle négatif dans la société. Cette acception trop courante dans l’opinion publique est contraire à celle des ethnologues, des anthropologues... des populations qui les pratiquent. Partant des éléments qui précédent, il est difficile à un homme politique et dans le contexte du parti unique et marxiste-léniniste d’aller à l’encontre de l’idéologie dominante. Dans ces conditions, la reconnaissance officielle du Ndjobi relèverait d’une chimère ou d’une utopie ; mais elle sera plutôt un fait accompli

Lors de mes des recherches dans le pays Mbéti, la question des rapports entre le Ndjobi et les pouvoirs politiques n’a jamais été évoquée par les initiés du milieu rural. Elle semblait intéressé quelques membres des comités du parti dans les communes de Kellé, d’Etoumbi et de Mbama. Même si elle n’apparaît pas clairement dans l’esprit de certains acteurs des deux systèmes, il est intéressant d’analyser les rapports entre le Ndjobi et les acteurs politiques locaux. C’est en posant cette question aux membres des comités du parti communaux que je me suis aperçu qu’il y avait deux tendances opposées. J. Tonda l’avait déjà relevée dans un article publié en 1988. Pour certains ’c’est une association de gens dangereux. Ils sont très dangereux et il faut toujours être prudent avec eux. Ils n’interdisent les fétiches que pour être les seuls à les posséder et à être puissant...’ D’autres, par contre, reconnaissent que le Ndjobi est nécessaire pour diverses motivations. L’un des informateurs (chef de Ndjobi) de J. Tonda (p 79) justifiait sa position en signifiant que ’ le parti ne protège pas contre la sorcellerie et les fétiches. La protection contre ces choses relève du domaine de Ndjobi. Personne n’est à l’abri des sorciers, tout le monde peut avoir besoin d’aller se protéger dans le Ndjobi. Il s’agit d’une question de protection contre la sorcellerie et les fétiches. Si vous voulez vous protéger et protéger votre famille, cela ne peut aller à l’encontre du parti’. Nombreux des partisans de cette thèse sont soit des initiés, soit ont des membres de leurs lignages initiés ou encore des Mvandé ou des Anga-fouoyi, soit ont eu recours au Ndjobi.

C’est le cas de B. A, l’ancien chef de P.C.A d’Etoumbi au milieu des années 70 qui me déclarait que ’ ses frères sont des Mvandé, son oncle est Onga-fouoyi et plusieurs de mes neveux sont initiés. C’est pour te dire que je ne vais les abandonner à cause de mes fonctions politiques ; ni remettre en cause le bien-fondé de leurs décisions’.

En outre j’ai observé que la plupart des comités de parti des village-fouoyi sont dirigés par des initiés (notamment deTsama I dont le président est un co-Onga-fouoyi, d’Akoua, d’Okoba I, d’Engobé, d’Omboye...) et que de nombreux initiés étaient des membres des comités du parti des communes d’Etoumbi, de Kellé et de Mbama. Et la bipolarisation des opinions sur le Ndjobi dans les comités du parti communaux dans le pays Mbéti traduit la perplexité des hommes politiques. Cette perplexité est aussi perceptible au niveau national à propos des sectes et d’autres mouvements religieux à Brazzaville et à Pointe-Noire. Elle est surtout révélatrice des difficultés à définir une position claire et unique face à l’essor de ces mouvements religieux au Congo. Chose qui n’est pas facile lorsqu’on observe les mêmes difficultés rencontrées par les pays industrialisés ayant une réglementation assez rigoureuse en la matière. Les nombreuses affaires qui impliquent en France, en Suisse, au Canada et aux U.S.A. l’Eglise de Scientologie, par exemple, montrent la difficulté de circonscrire l’activité de ces mouvements religieux.

Cette difficulté est intéressante d’analyser dans le cadre des rapports entre le Ndjobi et les acteurs politiques locaux en raison de l’ambiguïté de leurs intentions, de leurs discours, de leurs pratiques et surtout d’une sorte de complémentarité diffuse et structurelle pour ceux qui sont impliqués dans les deux pouvoirs. Elle renvoie à une sorte d’aveuglement culturel propre aux acteurs politiques qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ont une logique pragmatique ; c’est-à-dire qu’ils arrivent à concilier certaines caractéristiques des systèmes ethniques avec celles du système étatique.

Avant de poursuivre cette analyse, il importe de préciser que la question du rapport entre le Ndjobi et le pouvoir politique local s’est posée à partir du moment où les fouoyi ont été installés dans les communes d’Etoumbi, de Kellé et de Mbama et que certains hommes politiques, pour diverses motivations, ont cru trouvé en lui un facteur de déstabilisation de leur pouvoir. Tant que le Ndjobi a été pratiqué dans les villages, les hommes politiques ne s’intéressaient guère. Soulignons qu’en tant que structure du système Mbéti, il n’a jamais eu un conflit avec les pouvoirs publics. Mais des initiés ont eu des différends avec des fonctionnaires et parfois avec des membres des exécutifs locaux. Ces différends d’ordre privé ou professionnel ont vite pris une dimension politique devenant de fait des conflits entre le Ndjobi et le pouvoir politique local. J’évoquerai ici deux exemples concernant le village-fouoyi d’Akoua.

Le premier est le procès intenté contre M. Ahoussa (l’Onga-fouoyi d’Akoua) au Tribunal d’Owando par J. A, le fils d’un initié décédé quelques mois après son initiation. Cet initié avait été reconnu coupable d’homicide lors du rite ordalique en 1980 au fouoyi d’Akoua. Mais il réfuta sa culpabilité. La direction du fouoyi lui accorda, comme le stipulent les principes du Ndjobi, six mois de réflexion pour se confesser. Il mourut avant l’expiration de ce délai. Cette mort est pour la direction du fouoyi la preuve de sa culpabilité. Or pour le fils de la victime, il s’agissait d’un homicide organisé par les membres du fouoyi d’Akoua où fut initié son père; d’où sa plainte. Il fut débouté par le jugement du 15 avril 1983 pour manque de preuve. C’est le premier intenté contre un Onga-fouoyi. Selon O. J, actuel président du comité du village et initié, ’ ce procès a été une occasion pour les membres du comité du parti d’Ewo de me mettre à l’écart des décisions ou des invitations. Je vais dire une chose. Mes prises de position contraire à la plupart des autres présidents des villages les embêtaient lors des réunions. Je te dis que j’étais le plus jeune et celui qui sait lire et écrire. Les autres ont l’âge de mon père. Notre village était devenu le siège des sorciers. Et ce problème était devenu l’affaire du Ndjobi contre le parti’.

Le second différend opposait en février 1980, la direction de la coopération agricole du même village au responsable du programme agricole du P.C.A. de Mbama. Ce dernier avait essuyé le refus de la direction de la coopérative de donner gratuitement les plants aux habitants du village voisin d’Oka-Mbambo. Le fonctionnaire ignorait les conflits intervillageois et la symbolique du don d’un plant chez les Mbéti et la crainte que celui-ci soit utilisé à des fins maléfiques. Cette affaire essentiellement agricole va prendre une dimension politique démesurée opposant, non pas le chef de la coopérative et le fonctionnaire, mais les initiés et le représentant de l’Etat. Le chef de la coopérative agricole m’expliquait qu ’ à Owando, on m’a présenté comme l’Onga-fouoyi d’Akoua et non comme le responsable de la coopérative. Et nous habitants d’Akoua étions devenus des ennemis de la politique agricole que le parti et l’Etat mettaient en place. Heureusement pour moi, dans le bureau où le problème devait être régler, il y avait notre président (le responsable régional des coopératives) qui savait ce qui s’était réellement passé entre nous et le responsable agricole. Grâce à son intervention, l’adjoint du commissaire politique avait pu régler correctement le problème’.

Si l’on tient compte de la dimension politique prise par ces deux affaires et de la dangerosité affirmée du Ndjobi, on peut poser cette question banale et importante. Pourquoi ne pas l’interdire pas ? ’ La réponse du président du comité exécutif est édifiante, commente J. Tonda. Ce n’est pas facile, vous savez. C’est comme les sectes religieuses à Brazzaville, ce n’est pas facile de les empêcher comme ça du jour au lendemain de ne plus fonctionner. Et puis nous sommes en Afrique et il faut toujours faire attention avec ces choses-là’. La réponse du président du comité exécutif est révélatrice de l’embarras des hommes politiques face au Ndjobi. Leur perplexité semble être liée aux facteurs suivants : l’importance de cette société initiatique, l’initiation de hauts fonctionnaires et hommes politiques Mbéti (résidents à Brazzaville) et leur influence sur les décisions ou le choix des dirigeants des comités des exécutifs locaux et surtout l’absence de la moindre infraction de la loi commise par le Ndjobi concernant, par exemple, l’ordre public et la moralité publique. Dans ces conditions, il est difficile à un homme politique de prendre la décision d’interdire le Ndjobi dans le pays Mbéti. ’ Le responsable de l’exécutif local qui essayera de prendre une telle décision écourtera sa carrière politique’ analysait l’ancien Maire d’une grande ville.

La perplexité des hommes politiques amène la plupart d’entre eux à adopter une position médiane151et objective. Celle-ci est liée au rapport de force sur le terrain qui leur est souvent défavorable. Car bien qu’investi officiellement comme représentant de l’Etat dans la circonscription, le chef de P.C.A et de district a une étroite marge de manoeuvre.

La dépendance de certaines autorités locales des influences intra-communautaires est l’une des caractéristiques du système politique congolais. Elle limite ses perspectives d’élaboration de projets sociaux qui risqueraient de fragiliser des équilibres précaires. Elle se traduit par leur impuissance qui fait regretter l’ère coloniale à ceux qui l’ont connue. Ces derniers  reconnaissent qu’à cette époque les diverses infrastructures étaient fiables ; et que l’autorité administrative ne subissait pas les influences pernicieuses des originaires d’une région. Dans cette perspective, le Ndjobi est-il devenu un support de l’activité des hommes politiques locaux comme le sous-entend J. Tonda (p 78), a un réel pouvoir sur les autorités locales. ’ Ndjobi joue un rôle important dans la mobilisation des masses, c’est grâce à lui que nous mobilisons maintenant une grande partie de la population’. Cette thèse paraît invraisemblable lorsqu’on observe la faiblesse du pouvoir local dans divers domaines, la monopolisation des activités politiques par les membres des comités du parti (de secteur, de quartier, de village), l’absence d’un projet politique mobilisateur, la distance entre les hommes politiques et les populations et la méfiance de ceux-ci à l’égard des Mvandé influents. D’ailleurs leur méfiance apparaît clairement dans les arguments des informateurs de J. Tonda (p. 80). Donc le Ndjobi en tant que structure ne peut participer aux activités pour des raisons déjà évoquées. Et la mobilisation des ’ militants’ relève de la compétence du chef du comité du parti et non d’un Onga-fouoyi (qui ne peut être membre du parti).

En définitive, l’absence d’une décision administrative sur le Ndjobi légitime une situation de fait ; et ce malgré les considérations négatives des tenants d’une conception qui fait de lui une association de gens dangereux. Cette situation semble replacer les structures ethniques et étatiques chacune dans sa sphère de compétence ; et légitimer une complémentarité de fait entre elles. En ce sens les relations entre le Ndjobi et les pouvoirs reflètent la conception de plusieurs initiés. Mais sur ce même plan, la présence depuis 1988 des sectes du Saint-Esprit et du Salut dans le pays Mbéti modifie le rapport de force focalisé uniquement entre le Ndjobi et les pouvoirs publics. Avec les sectes, les enjeux ne sont plus seulement locaux et ne se situeront plus les mêmes questions.

Notes
150.

Mankambila, Croyances et pratiques magiques des Kongo-Lari de la République populaire du Congo : kindoki, Thèse de Doctorat, Bordeaux, 1976.

151.

Le chef du P.C.A. d’Etoumbi (entre 1979-1983) avait obtenu un accord avec les chefs des fouoyi selon lequel l’organisation des rituels nocturnes d’initiation (en pleine ville) auront lieu uniquement le samedi et le dimanche; que ces derniers s’abstiennent d’utiliser l’espace urbain comme ils le font dans les villages, que l’activité du fouoyi soit circonscrite au domaine dans lequel est situé l’olèbè-a-ndjobi. Ces dispositions limiteraient les effets nuisibles d’une telle kermesse sur les autres habitants d’Etoumbi. L’initiative du chef de P.C.A. d’Etoumbi est reprise, plus tard, les chefs de district de Kellé et du P.C.A. de Mbama. De toute façon une action répressive contre le Ndjobi nuiairait à leur carrière politique dans la mesure où leur nomination obéissait plus à des critères de représentativité ethnique que de compétence.