1.1- Quelques éléments biographiques du Pasteur Ambéni

Le pasteur E. Ambéni Bakali est né le 29 décembre 1959 à Andzoho à 10 km environ de la commune de Mbama (Capitale de la sous-préfecture de Mbama). Il est issu d’une famille de six enfants, quatre filles et deux garçons. Au niveau scolaire, il n’a pu franchir le seuil du Collège. Son enfance fut marquée par l’état de santé très précaire de sa mère et d’une de ses soeurs qui l’obligera à assumer une lourde responsabilité sociale après le décès de son père et en l’absence de son frère aîné travaillant à Brazzaville. Cette situation l’amènera à s’initier au Ndjobi pour un double but: protéger les siens contre d’éventuelles attaques en sorcellerie et s’affirmer l’acteur principal du lignage. Malheureusement cette initiation ne suffira pas à épargner la vie de sa mère et de sa soeur. Il eut une vie professionnelle inconstante. Autodidacte, il se fera couturier durant une décennie et se taillera une réputation dans la contrée (PCA de Mbama). En 1980, l’Entreprise de construction de bâtiment K.G. l’emploie comme apprenti-maçon jusqu’à la fin des travaux du dispensaire de Boundji (Boundji distant de 160 km d’Andzoko). De Boundji, il vint à Brazzaville où il obtint en août 1985 son permis de conduire. Il travailla successivement comme chauffeur chez un ancien Premier Ministre du Congo, puis au garage de l’A.T.C.153 et chez une dame américaine. Ces expériences professionnelles tourneront court en raison soit de l’incompréhension entre l’employeur et l’employé, soit de la modicité du salaire.

C’est au cours de ce séjour brazzavillois qu’il adhère à la secte du Saint-Esprit suite à une conjonction d’événements dramatiques suscités dans sa famille. D’ailleurs la maladie de sa soeur cadette, puis celle de son frère furent une nouvelle fois des épreuves pénibles auxquelles il dut faire face. Comme les symptômes de leur pathologie s’éloignaient du diagnostic des médecins, il orienta ses recherches vers la secte du Saint-Esprit. Tous les deux furent soignés et guéris. Cela fut suffisant pour qu’il persévère dans cet engagement. Celui-ci connaîtra trois moments importants. D’abord, le 12 mars 1986, quand une partie des adhérents de la secte à Brazzaville effectua un premier voyage religieux à Kinshasa (Zaïre). La rencontre avec les personnalités supérieures de la secte du Saint-Esprit à Kinshasa - notamment le Pasteur Zola- permettra aux nouveaux adhérents d’apprécier la dimension de leur engagement.

Deux semaines plus tard le même groupe effectuera un deuxième voyage à Ngabé (au Congo) dans les montagnes du pays Batéké. Le 25 mars 1986 marquera un tournant décisif pour Ambéni. Car, au cours d’une prière publique qu’il dirigeait, l’assistance vit descendre, puis s’élever dans le ciel une flamme154. Ces deux événements consécutifs accéléreront quelque peu la carrière pastorale d’Ambéni qui, jusque-là, n’était qu’un simple membre de la chorale de l’Eglise.

De retour à Brazzaville, son travail qui consistait à inculquer aux nouveaux adeptes les principes religieux de la secte s’intensifiera. C’est au cours d’une prière publique (vers deux heures du matin) qu’Ambéni entra en transe et fit des révélations sur le futur malade qui viendrait le lendemain en consultation chez eux. La transe est perçue ici comme une véritable imprégnation par les puissances magiques et surtout comme une expression divine. D’où leur portée symbolique dans le système des sectes. La multiplication de ces révélations prémonitoires qui correspondront souvent aux faits aboutira à sa promotion statutaire. Du Djimbi (simple adepte), Ambéni sera promu Bigoudi c’est-à-dire le Pasteur-devin155. Il rejoindra alors trois autres pasteurs : Pascal, Grégoire et Sylvain. Mais l’acte majeur et révélateur, selon le Pasteur Ambéni, se réalisa lors d’un rêve où ’il fut en contact avec Jésus-Christ qui le mit à l’épreuve. On lui présenta une foule humaine (dans laquelle se trouvait sa soeur cadette avec une jambe fracturée) qu’il fallait sauver de ce péril. Jésus lui indiqua la procédure à suivre et le procès thérapeutique à effectuer, tout en ayant recours à la bible et à la prière. Il passa le test avec succès’156.

A partir de ces éléments, son itinéraire religieux recoupe celui de William Wade Harris, le fondateur du Harrisme en Côte-d’Ivoire. Car ce dernier, matelot et maçon, brillant orateur et animateur de plusieurs manifestations populaires eut une influence manifeste sur ces concitoyens, ce qui lui valut d’être incarcéré à plusieurs reprises. ’C’est à l’occasion d’un séjour en prison en 1910, que l’Ange Gabriel lui apparut dans sa cellule et lui ordonna d’accomplir sa mission terrestre’(J. Girard, 1974, pp 427-432). On note aussi une autre similarité entre les principes fondamentaux des deux mouvements religieux, notamment la croyance en un dieu unique, l’abandon et la destruction des fétiches, la prohibition de l’adultère, du vol, de l’escroquerie et de l’alcoolisme, l’affirmation que le profit personnel s’acquiert par le travail et une bénédiction donnée par Dieu.

Mais la marginalité de leur secte dans la capitale, la prolifération d’autres sectes qui induit inévitablement une lutte pour l’hégémonie territoriale et sa volonté de s’affirmer et d’être reconnu par les siens dans son terroir, et quelques raisons familiales, l’inciteront à revenir au village natal Andzoho. Ce sera à Okoba (à 60 km environ de son village natal) qu’il installera le siège de la secte du Saint-Esprit dont il est devenu depuis le 30 janvier 1989, le représentant régional. Cette structure embryonnaire est devenue au fil des années une institution dynamique qui rivalise avec les Eglises protestante et catholique dans la région et un facteur de déstabilisation du pouvoir politique local. Cette force résulte probablement de sa dynamique.

Notes
153.

A. T. C : Agence Transcongolaise de Communication

154.

Ces faits contés par le Pasteur Ambéni Emile ont été confirmés par ses collègues Sylvain et Mme Colette Mvouoni.

155.

Au cours d’une transe (entre 21 h et 1 h en octobre 1987) le Pasteur Ambéni déterra dans une parcelle voisine de leur église d’énormes fétiches enfouis au pied d’un arbre. La même nuit, il annonça la mort d’un (jeune) chef d’Etat africain tout en précisant que ce ne sera pas celui du Congo. Le lendemain, la radio nationale congolaise annoncera la mort de Thomas Sankara, Président du Burkina-Faso.

156.

Entretien du 10 avril 1989 avec le pasteur Ambéni dans son église.