a) Intelligence économique : ’une interface entre l’entreprise et son environnement’5

L’intelligence économique est un terme général, un ’concept globalisant’ [NORD00] qui désigne l’ensemble des activités destinées à améliorer la performance de l’entreprise par une bonne connaissance de son domaine et des opportunités qui s’offrent à elle.

Dans un cadre de la mondialisation grandissante des échanges économiques, est apparu le besoin de confronter non seulement l’entreprise à son environnement (ce qui existait déjà sous la forme de veille) mais aussi de prendre en compte d’autres facteurs globaux pour une meilleure gestion stratégique. Concrètement, cela inclut aussi l’intervention d’autres acteurs, des organismes régionaux, nationaux, réglementaires, etc., afin de réduire l’incertitude, ne plus travailler uniquement avec des stratégies purement prévisionnelles, se baser sur une bonne connaissance de l’environnement et de son évolution. Elle met en oeuvre une organisation en réseaux, un traitement de l’information par un processus adapté, dans le but d’alimenter la réflexion stratégique.

Si l’on en parle beaucoup depuis le début des années 90, la notion d’intelligence économique s’est concrétisée en France par le rapport du Commissariat Général au Plan en 1994 qui en a décrit les objectifs et les étapes de base : ’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement, de distribution et de protection de l’information utile aux acteurs économiques, obtenue légalement’ [CGP94]. Il s’agit donc de coordonner plusieurs actions ou fonctions propres à l’entreprises mais souvent isolées, avec pour objectif l’aide à la décision.

Dérivé du terme américain ’Competitive intelligence’, l’expression française a perdu la connotation de ’renseignement’ pour aller vers celle de l’utilisation intelligente de l’information pour la stratégie.

On trouve aussi, dans la littérature américaine, une mise en parallèle des notions d’intelligence stratégique (prospective à long terme) et d’intelligence tactique (orientation à court terme), deux activités bien sûr complémentaires qui doivent être coordonnées, même si elles concernent parfois des services ou des personnes distinctes [MIRE00].

Nous avons retenu la définition suivante pour mettre en évidence les aspects à la fois informationnels et humains qu’elle recouvre :

’‘L’intelligence économique est un outil de management au service de la stratégie qui permet, par l’analyse de la problématique, de la définition des besoins, la recherche systématique, le traitement et l’exploitation d’informations à très haute valeur ajoutée, d’alimenter la réflexion des dirigeants, de faciliter et d’orienter la décision, de préconiser et d’accompagner la mise en oeuvre des solutions tactiques retenues’.’6 En effet, certains objectifs seront atteints à l’aide d’apport d’informations, d’autres par la réflexion et les recommandations de spécialistes.

Si la distinction entre les notions d’intelligence économique et de veille stratégique a laissé quelques flous ces dernières années, il semble maintenant que leurs définitions soient assises et communément admises. Même si la mise en place dans les entreprises d’une forme d’intelligence économique ne s’est pas encore vraiment généralisée7, l’importance de cette pratique est reconnue. Il semble que le ’débat’ évoqué par Laurence Favier [FAVI98] dans la première partie de sa thèse8 ne gène pas le développement de cette activité, qui se décline de toute manière de façon spécifique dans chaque entité. Nous renvoyons toutefois à cet essai ’d’élucidation théorique des concepts’ de veille et d’intelligence économique pour en comprendre la genèse et le développement d’abord en Amérique du nord puis dans notre pays.

L’intelligence économique et stratégique est héritière en premier lieu de la veille technologique, ’où prévaut la recherche de la maîtrise de l’avantage technologique’, mais aussi des approches marketing-commercial et de la stratégie d’entreprise dont l’objectif est l’identification des facteurs clés de succès [BOUR00]. Chronologiquement, le terme d’intelligence économique n’est donc apparu que dix ans après celui de ’veille technologique’, qui a lui-même évolué plus récemment en celui de ’veille stratégique’. Nous pouvons supposer qu’il existe un lien entre l’utilisation de ces termes et leur appropriation d’abord par les sciences de l’information (vision plutôt documentaire de l’activité) puis par les sciences de la gestion. Mais l’intelligence économique et stratégique apparaît comme plus englobante et plus offensive dans son rapport à l’environnement économique.

L’intelligence économique capitalise notamment les différentes activités de veille avec une application spécifique à la stratégie globale de l’entreprise.

Notes
5.

[NIGR00]

6.

Pierre Miallot, Miallot et Associés - http://eurogroup.fr/contenu/metiers/strat_intelli.htm (2001)

7.

Voir chapitre 2

8.

La question porte sur le traitement du concept de ’Veille’ par d’un côté les sciences de la gestion, de l’autre les sciences de l’information et de la documentation.