g) Experts

Les différents rôles de l’expert en font certainement l’acteur central de l’intelligence technique et stratégique dans un centre de R&D.

En effet, il est à la fois source d’information et de connaissance très fiable, et en même temps le seul qui puisse faire des recommandations en s’appuyant sur l’analyse et la validation des informations. Parfois même, il peut être diffuseur d’une information d’alerte qu’il est le seul à connaître.

L’expert source d’information

Il semble qu’au moins 50% de l’information à forte valeur ajoutée provienne de sources humaines et non de documents. [IWOC00]

Et parmi les nombreuses sources d’information disponibles, les experts sont certainement la plus adaptée (jamais hors sujet), pertinente (en parfaite adéquation avec les préoccupations de l’entreprise) et fiable (filtrées et validées naturellement par l’expert). ’‘Pour une organisation de veille technologique, la ressource ’experts’ constitue un accès immédiat à l’expérience, à la connaissance pratique, et offre souvent une information plus récente, plus nuancée et plus stratégique. Contrairement à l’information écrite, dans laquelle le veilleur ne trouve que très rarement des réponses adaptées à sa problématique particulière, la consultation d’experts est en outre un procédé interactif, qui offre la possibilité de construire des réponses sur-mesure’’ [WERN98]. Travailler avec les experts permet de profiter des échanges qu’ils ont pu établir avec l’extérieur car il font partie de nombreux réseaux, et sont donc porteurs d’informations essentielles.

Mais si la recherche d’information publiée est plus ’facile’ à organiser (on connaît généralement bien les méthodes d’accès et de traitement), travailler avec une ’source humaine’ est un autre défi. En effet ’‘l’accès à ce type d’information, de par les contacts qu’elle nécessite, repose sur des savoir-faire relationnels. Et ceux-ci ont bien évidemment un caractère plus subjectif, moins axiomatique que les savoir-faire documentaires. [...] D’autre part, l’information obtenue, par nature impalpable, furtive, non formalisée et non consignée sur un support matériel, nécessite de développer de nouvelles méthodologies, permettant de la prendre en compte et de la gérer dans le cadre d’une activité de veille’’. [WERN98]

Ceci signifie qu’il faudra trouver les bonnes méthodes pour formaliser au minimum l’information qu’ils détiennent, pour les faire participer à des débats, solliciter leur analyse.

L’expert analyste

Qu’ils soient correspondants du réseau ou non34, ce sont à eux qu’on va faire appel pour valider la pertinence de l’information collectée et l’analyser à la lumière de leurs expertises. Une des tâches de la cellule de veille comporte donc la mise à disposition d’un annuaire d’expertises par thème de veille. Aucun outil ou professionnel de l’information ne peut se substituer à leur compétence [KALB00 ; ACHA98].

Attention toutefois à la part de subjectivité dans le discours de l’expert. L’interrogation de plusieurs experts sera plus judicieuse si l’on veut éviter les biais cognitifs35. D’où l’intérêt du réseau dans lequel les points de vues se confrontent et s’affinent.

L’avenir du réseau d’intelligence technique et stratégique dépend des réseaux qu’il gère [MARC00]. Qui dit réseau dit contacts, communication. Il faut donc que les personnes qui le composent soient potentiellement en contact avec les personnes ressources (celles qui sont susceptibles de détenir de l’information stratégique) et bons communicateurs. Elles doivent aussi être un relais à la fois entre la direction du département auquel elles sont rattachées et les veilleurs potentiels, mais aussi avec l’animateur.

Cependant, il faudra tenir compte des particularités de chaque acteur intervenant : fonction, formation, spécialité, expérience, etc. Tous utilisent des méthodes et des outils qui leurs sont propres. Chacun parle dans son jargon, et analyse l’information avec sa lunette de spécialiste. Animer le réseau ne signifiera donc pas nécessairement imposer la totalité des méthodes de travail, mais plutôt encourager à une certaine homogénéité des résultats. Dans tous les cas, l’activité de veille et d’intelligence technique et stratégique demande une bonne organisation et aussi la reconnaissance du rôle et de la place des acteurs qui y participent.

Notes
34.

Parce que les correspondants sont souvent eux-mêmes des experts...

35.

Voir le tableau ’Les principaux biais cognitifs de l’analyste’, [IWOC01] p. 42.