b) Les défis à relever

L’équilibre de la vie d’un réseau d’intelligence technique et stratégique tient en fait à une ’alchimie’ entre la personnalité de l’animateur, la maturité du groupe de correspondants, l’implication de la direction, et l’adoption de certains outils et méthodes de travail. Cet état n’est pas stable à long terme, puisque chacun des éléments est susceptible d’évoluer ou d’être remplacé. Il faut donc régulièrement s’adapter et s’ajuster au changement en se donnant une certaine souplesse de travail.

Nous avons dit plus haut que la pérennisation des actions mises en place dépend très souvent du dynamisme de l’animateur. Il faudrait pouvoir mettre en place un système fixe et solide qui passerait par la formation des membres du réseau, et donner des outils indépendants et autonomes, facilement gérables par de petits groupes, même si les actions ne sont plus fédérées.

Les messages pour les destinataires de la veille doivent être bien perçus, compris, assimilés et utilisés. Il faut donc avoir une bonne connaissance des besoins initiaux de ces destinataires, c’est-à-dire chercher à connaître le client (qui n’est pas forcément demandeur explicite d’ailleurs) [GOLD01]. Ceci est surtout valable si le veilleur est prestataire, dans une logique de question / réponse. S’il s’agit d’un processus plus ’humain’, où des experts font des recommandations aux décideurs, il est également nécessaire de connaître la façon dont ils s’approprient cette information. En effet, ’‘plus le partage entraîne une exploitation pratique et plus il est attractif’’ [ACHA01]. Cette recommandation va dans le sens d’une participation naturelle au processus d’intelligence technique et stratégique. Si les veilleurs, les experts ou même les correspondants n’ont aucune visibilité sur ce qui est fait de leur travail, ou s’ils n’ont aucun retour, leur motivation retombera rapidement. Il est donc important de demander aux décideurs de jouer la transparence, d’être francs et de donner leur avis sur les produits de veille et d’intelligence qui leur sont fournis.

Le principal objectif de la veille étant de s’inscrire dans le processus d’aide à la décision, il est important de sensibiliser les acteurs sur ce point. La phase d’action doit aboutir à une remise en question régulière du ciblage et des méthodes de traque. L’équipe de pilotage et les correspondants doivent donc régulièrement se poser la question : ’Dans quelle mesure l’information que nous avons diffusée a mené à l’action ?’

Comment motiver l’ensemble des participants potentiels au processus d’intelligence technique et stratégique ? Dans un premier temps, la communication est essentielle. En effet, plus l’activité est connue, mieux les personnes participent, surtout si leur nom reste attaché à leurs contributions, et que ces dernières sont valorisées par exemple dans une publication régulière ou par une utilisation concrète. La conviction de trouver ou recevoir, à un moment ou à un autre, de l’information utile, incitera les personnes à partager elles aussi leurs connaissances.

Une deuxième étape consiste certainement à transformer la tradition de partage des connaissances des chercheurs en réseaux actifs, avec une structure légère et surtout une animation la moins lourde possible.

Il est possible de motiver la collecte systématique lors de missions, visites et autres voyages à l’extérieur, mais en faisant attention à ne pas définir des consignes trop contraignantes. Une procédure toute simple de réalisation d’un compte rendu qui sera diffusé automatiquement et stocké de façon à être exploité peut suffire [HENR98b].

Mieux les besoins seront cernés, plus facile sera la mise en oeuvre du processus. L’information diffusée doit cibler le plus précisément possible les centres d’intérêt des personnes concernées (les décideurs notamment, mais aussi les chercheurs). En se demandant ’qu’est-ce qu’ils vont faire de l’information qu’on va leur fournir ?’ plutôt que ’de quelle informations ont-ils besoin ?’, l’ensemble des participants au processus atteindront mieux leurs objectifs [BOUC00].

Mesurer l’efficacité de la veille et de l’intelligence technique et stratégique n’est pas une chose facile... parce que même dans les centres de recherche, on commence à demander à ces activités d’être un investissement rentable. Or la veille informative ’‘est un investissement à faire et à maintenir sur une longue durée (5 à 10 ans) pour qu’elle soit réellement efficace’’ [MICH98]. Certes, il existe un certain nombre d’indicateurs quantitatifs (nombre de clients, de produits diffusés, d’accès à des pages web, coût de l’information, etc.) qui peuvent servir de support d’évaluation. Mais l’analyse qualitative s’avère bien plus intéressante. Il peut s’agir par exemple de questionnaires et d’enquêtes sur le taux d’appréciation des clients. Une analyse rétroactive, après un délai choisi, des actions menées suite à une recommandation ou une alerte mettra en évidence ce qui a été fait ou pas, et permettra non seulement d’évaluer le travail réalisé, mais aussi de continuer à motiver les personnes37. De plus, l’évaluation par la prise en compte du retour est d’autant plus importante que l’expression des besoins n’a pas été très explicite. Celui-ci se fait soit directement à l’équipe d’animation et/ou au réseau, soit indirectement, par exemple par une déduction suite aux décisions prises et aux actions mises en oeuvre [GOLD99].

Enfin, le coût de l’activité est à comparer avec d’autres systèmes de fonctionnement (décentralisation, externalisation, sous-traitance...).

Notes
37.

D’après une étude du groupe de travail ’Efficacité de la veille’ de la Commission Information pour l’Entreprise (AAAF), résultats présentés en juin 2000.