2.3.2 Structures familiales et ouverture du capital

Le système financier marocain se caractérise par un rôle marginal de la finance directe (El Bakkali, 1995). Les problèmes d’information sont souvent rappelés lorsqu’il s’agit d’expliquer la déception du non développement de la Bourse des Valeurs de Casablanca. Ainsi, Jaïdi et Zaim (1996) notent que ’la bourse des valeurs a certes connu de son côté, au cours des trois dernières années, un essor remarquable, stimulée qu’elle a été par la mise en place d’un nouveau cadre institutionnel et de nouvelles règles du marché boursier; mais elle demeure pour l’essentiel animée par le programme de privatisations. Rares sont les entreprises privées qui se décident à franchir le pas de la cotation. Les entreprises, sous-capitalisées, surendettées, sous encadrées, à caractère souvent familial, rechignent encore à emprunter la voie de la transparence en matière de comptes et de gestion en ouvrant leur capital’ (page 86). Le raisonnement est le même pour la Banque Mondiale (1994). Cette question de transparence des comptes a été ’fatale’ à de nombreuses entreprises cotées à la BVC ; en effet, à la suite de la rénovation de la bourse de Casablanca et de la mise en place de règles strictes de transparence, c’est le quart des sociétés cotées en bourse qui fut radié pour insuffisance d’informations financières (Hattab-Christmann, 1999).

Une voix discordante est celle de Corm (1994) qui pense que ’‘pour ce qui est des sociétés privées à caractère familial qui sont peu disposées à ouvrir leur capital et à mettre des titres en bourse, ne faudrait-il pas, par ailleurs, songer à des incitations fiscales’’ (page 187). Les incitations fiscales ne sont qu’un des éléments, les plus importants semblent être à chercher du côté de la transparence des entreprises ou de façon plus structurelle ’‘dans des mutations des mentalités des entrepreneurs’’ (Berrada, 1995, page 10).

Cette section a mis en évidence trois blocages du système bancaire marocain. D’une part le manque de concurrence, d’autre part le rôle de l’Etat qui entraîne des distorsions dans l’allocation du crédit et enfin, le cadre juridique et informationnel qui rend difficile la sélection des entreprises par les banques. La prise en compte de ces caractéristiques permet de mieux comprendre les difficultés de la mise en place des réformes visant à encourager une plus forte concurrence. Pour analyser maintenant comment ces mesures ont influencé le comportement des banques dans leur relations avec les entreprises, il est nécessaire de disposer de données rassemblant des informations sur l’évolution du secteur industriel marocain durant la période de réformes financières.

Une importante littérature a déjà mis en évidence les effets macro-économiques de la libéralisation financière (King et Levine, 1992 ou Atje et Jovanovic, 1993). Ces approches, en coupe ou en panel, ont donné des résultats satisfaisants dans l’analyse de l’impact du développement de la sphère financière sur la croissance économique (voir Mourji, 1996 pour une application sur données marocaines). Cependant la situation du marché financier marocain, décrite ci-dessus conduit à concentrer l’analyse sur la dimension micro-économique de l’impact des réformes. Pour cela les données de l’enquête annuelle sur les industries de transformation du Ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat du Royaume du Maroc, est largement exploitée dans cette thèse. Ces données sont présentées dans la section suivante.