3.2 Evolution du secteur industriel marocain sur la période 1986 à 1996

Pour analyser succinctement l’évolution du secteur industriel marocain sur la période 1986 à 1996, nous avons calculé des ratios à partir des données de l’échantillon. Dans le tableau 8 nous reportons les ratios chiffre d’affaires sur capital, exportations sur chiffre d’affaires, frais financier sur capital, investissement sur capital et le solde d’exploitation rapporté au capital.

Les entreprises sont distinguées en fonction de la taille et de la destination des ventes. Quatre catégories de tailles ont été définies, correspondant approximativement aux quartiles du nombre d’employés en 1990. Pour la destination des ventes, les entreprises exportatrices sont celles qui ont des exportations non nulles (se reporter à l’annexe 1 pour la répartition des entreprises par catégories et le croisement entre catégories). Pour analyser l’évolution dans le temps, deux périodes sont définies: une période pré-libéralisation entre 1986 et 1991 et une période post libéralisation entre 1992 et 1996.

Le ratio du chiffre d’affaires rapporté au capital fixe (CA/K) de l’entreprise est un indicateur d’activité. En termes d’évolution sur les deux périodes, ce coefficient d’activité baisse de 15,6 à 11,42 lorsqu’il est calculé sur l’ensemble de l’échantillon. La distinction par destination de ce chiffre d’affaire ne montre pas une grande différence en termes d’évolution. En revanche, les niveaux ne sont pas les mêmes: les entreprises exportatrices ont un ratio CA/K beaucoup plus faible que les entreprises non exportatrices (du simple au double). Cette différence dénote un caractère plus fortement capitalistique des entreprises exportatrices (les entreprises exportatrices ont un capital moyen de 74 mille dirhams pour un chiffre d’affaire moyen de 104 mille dirhams contre 8 mille et 20 mille respectivement pour les entreprises non exportatrices).

La distinction par taille d’établissement montre une évolution contrastée entre les grandes et les très petites entreprises, ces dernières connaissent une amélioration de ce ratio CA/K, tandis que les grandes entreprises voient passer ce ratio de près de 18 à 5,7.

Les résultats des entreprises en termes d’exportation (appréhendé par le ratio exportations sur chiffre d’affaires, X/CA) montre que l’évolution précédemment constatée d’une baisse de l’activité est essentiellement due à une perte de vitesse sur le marché national. En effet, le ratio X/CA reste stable sur la période 1986 à 1996, quelle que soit la catégorie d’entreprise. Au contraire, ce ratio est différent en fonction des catégories: plus l’entreprise est grande et plus ses ventes sont destinées à l’exportation, et ce à un rapport de 10 (0,03 pour les très petites entreprises à 0,35 pour les grandes entreprises).

La baisse du niveau d’activité a eu des effets sur la profitabilité des entreprises manufacturières marocaines: le niveau du solde d’exploitation rapporté au capital (SOLD/K) passe de 0,35 pour la période 1986 à 1992 à 0,16 sur la période post libéralisation financière. Cette baisse du niveau des profits est générale: parmi toutes les catégories d’entreprises étudiées, seules les petites connaissent une évolution positive de ce ratio. On retrouve des résultats quasi identiques pour l’évolution des ratios frais financiers sur capital et investissement sur capital. Ces résultats sont à rapporter à la situation d’ensemble de l’économie marocaine: sur la période 1986 à 1991, la croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut est de 3,4%, tandis qu’elle n’est plus que de 2,6 entre 1992 à 1996. On constate à partir des données du tableau 9 que la croissance a même été négative en 1992, 1993 et 1995 avec -4%, -1% et -7% respectivement.

Tableau 8. Ratios statistiques des entreprises (par période, exportation et taille)
Catégorie
Période
Chiffre d’affaires sur capital Exportations sur chiffre d’affaires Frais financiers sur capital Invest. sur capital Solde sur capital Nombre d’obs.
Toutes
Totale 13,80 0,15 0,26 0,11 0,27 5557
68,16 0,33 1,25 0,20 4,40
1986-91 15,60 0,14 0,31 0,14 0,35 3157
77,54 0,32 1,53 0,23 5,22
1992-96 11,42 0,15 0,18 0,09 0,16 2400
53,28 0,34 0,72 0,16 3,00
Exportatrices
Totale 7,41 0,60 0,33 0,15 0,07 1357
19,74 0,41 1,39 0,21 2,53
1986-91 9,28 0,61 0,43 0,19 0,12 736
25,04 0,40 1,82 0,24 2,95
1992-96 5,19 0,59 0,21 0,10 0,02 621
9,99 0,43 0,53 0,15 1,91
Non exportatrices
Totale 15,86 0,23 0,10 0,33 4200
77,48 1,20 0,20 4,85
1986-91 17,53 0,28 0,12 0,42 2421
87,38 1,43 0,22 5,73
1992-96 13,59 0,17 0,08 0,21 1779
61,46 0,77 0,16 3,29
Très petites (1 à 9 employés)
Totale 13,65 0,03 0,16 0,06 0,23 1456
61,12 0,16 1,21 0,17 4,42
1986-91 11,79 0,03 0,20 0,07 0,25 863
49,80 0,17 1,42 0,19 4,57
1992-96 16,36 0,02 0,12 0,04 0,20 593
74,55 0,15 0,83 0,13 4,20
Petites (10 à 19 employés)
Totale 15,05 0,07 0,15 0,10 0,51 1284
84,55 0,23 0,38 0,20 6,05
1986-91 16,34 0,08 0,16 0,12 0,41 767
104,79 0,24 0,35 0,22 7,56
1992-96 13,15 0,05 0,13 0,08 0,64 517
38,29 0,19 0,42 0,16 2,50
Moyennes (20 à 59 employés)
Totale 14,47 0,14 0,30 0,13 0,14 1395
58,99 0,31 1,23 0,22 3,07
1986-91 16,83 0,14 0,37 0,16 0,33 782
53,68 0,31 1,51 0,25 3,16
1992-96 11,46 0,14 0,22 0,10 -0,10 613
65,06 0,32 0,72 0,18 2,93
Grandes (plus de 60 employés)
Totale 12,14 0,35 0,40 0,16 0,21 1422
66,83 0,44 1,71 0,20 3,65
1986-91 17,97 0,33 0,55 0,20 0,42 745
90,98 0,43 2,24 0,24 4,69
1992-96 5,73 0,36 0,23 0,11 -0,02 677
14,17 0,45 0,78 0,14 1,90
Tableau 9. Produit intérieur brut au Maroc sur la période 1986 à 1996
Produit intérieur brut
(milliards de dirhams constants 1990)
Taux de croissance annuel (%)
1986 185,97 8,4
1987 181,08 -2,6
1988 199,91 10,4
1989 204,89 2,5
1990 212,85 3,9
1991 227,64 6,9
1992 218,46 -4,0
1993 216,26 -1,0
1994 238,65 10,4
1995 222,05 -7,0
1996 248,62 12,0
[Note: Source: Fonds Monétaire International, Statistiques Financières Internationales (1997).]

L’évolution du secteur industriel marocain montre que les entreprises ont dû faire face à un environnement économique difficile, caractérisé par une croissance en dents de scie et de nombreuses réformes. Cette analyse qui complète la description du système bancaire menée dans la deuxième section conduit à s’interroger sur les déterminants des relations banques entreprises. Cette thèse propose trois axes de recherches pour étudier ces déterminants. Ils sont présentés dans la section suivante.