4.1 L’efficience productive des intermédiaires financiers

L’effet de la libéralisation financière sur le développement économique est souvent analysé au travers du lien entre épargne et investissement, c’est à dire la manière dont les fonds prétables sont alloués aux agents économiques. Dans le cas du financement des entreprises, cette relation est traditionnellement analysée en termes d’efficacité allocative et d’efficacité informationnelle des intermédiaires financiers. Ces approches prennent rarement en compte de manière spécifique l’activité d’intermédiation. Or, l’efficacité des structures qui contribuent à cette intermédiation est un élément clé de la réussite des libéralisations financières. L’étude de l’efficacité productive est par conséquent incontournable et fait l’objet du premier chapitre de la thèse.

Au Maroc, les financements externes des entreprises proviennent quasi exclusivement des banques. La Bourse des Valeurs de Casablanca n’a qu’un rôle résiduel et le marché des capitaux (bons de trésorerie) est récent et embryonnaire. Notre intérêt se porte alors sur l’analyse de l’impact des réformes financières sur l’efficacité productive des banques. Pour cela nous faisons appel à deux modèles complémentaires. Le premier considère la banque comme gérant un portefeuille d’actifs composés de crédits (actifs risqués) et de Bons du Trésor (actifs non risqués). Ce modèle à été notamment développé par Caprio (1996) et Greenwald et Stiglitz (1990). Il permet d’analyser l’effet du plafonnement des taux d’intérêts, d’une politique de crédits dirigée ou encore la mise en place de règles prudentielles. Dans ce cadre, alors que l’on peut identifier les effets de l’élimination de chacune des contraintes à l’activité bancaire, la concomitance de ces mesures en période de libéralisation financière ne permet plus de juger clairement de l’effet global. La composante la plus importante des réformes financières est en fait la libéralisation des taux d’intérêts. Cela nous amène à nous concentrer à l’effet de cette réforme sur la performance des banques. Le modèle de Monti-Klein offre le cadre approprié pour cela. L’analyse est ainsi complétée par le développement de ce modèle où la banque est assimilée à une entreprise de service (approche industrielle de la banque). Ce modèle nous permet d’analyser la performance des banques à partir de l’évaluation de leur productivité, approximée par le ratio crédits sur dépôts. Toutefois, là encore l’impact d’une libéralisation des taux d’intérêts sur les crédits est ambigu. Il dépend de l’hypothèse faite sur les économies d’envergure.

L’ambiguïté des résultats de ces modèles appelle la mise en place d’une analyse appliquée permettant d’évaluer l’impact des réformes sur la performance des banques. L’évolution de cette performance est généralement évaluée sans distinguer ce qui relève de l’environnement économique de ce qui provient de l’amélioration de la performance propre de la banque. Cependant, le progrès technologique et l’instabilité économique ont fortement influencé le secteur bancaire ces dernières années. Pour tenir compte de ces différentes composantes de la productivité des banques, l’indice de productivité global de Malmquist est un outil privilégié. Celui-ci est utilisé pour distinguer dans la productivité ce qui relève d’une part de l’efficience technique et d’autre part du progrès technologique. L’efficience technique correspond au niveau maximal d’outputs réalisables à partir d’un niveau donné d’inputs. Elle est mesurée par la distance à la frontière de production et est spécifique à chacune des banques. En revanche, le progrès technologique est mesuré par le déplacement de la frontière des possibilités de production et est commun à l’ensemble des banques. La pertinence de cette distinction est confirmée par les résultats obtenus à ce niveau, à savoir que l’évolution de la productivité est plus expliquée par le progrès technologique que par le changement de l’efficience technique des banques.

Il s’agit donc maintenant de s’interroger sur le comportement des banques afin de mettre en évidence l’existence d’éventuelles modifications dans l’allocation du crédit.