4.3 L’efficience informationnelle des intermédiaires financiers

Le désengagement de l’Etat sur le marché des capitaux a permis l’élimination des contraintes exogènes imposées aux banques. Les effets bénéfiques attendus de la libéralisation financière ont été développés par McKinnon (1973) et Shaw (1973). Toutefois, la prise en compte des effets des asymétries d’information remet en question la conclusion de ces auteurs quant à l’effet positif de la libéralisation sur les contraintes de financement des entreprises (Arndt, 1982). En effet, des contraintes endogènes au marché du crédit, résultant du comportement des banques, comme réponse à la présence d’asymétries d’information, entraînent des problèmes de rationnement (Stiglitz et Weiss, 1981). Le troisième chapitre de la thèse cherche à savoir si la libéralisation financière a permis d’éliminer les contraintes de financement des entreprises, autrement dit évalue l’importance des asymétries d’information dans le système financier d’un pays en développement. Cette efficience informationnelle est appréhendée à partir du comportement d’investissement des entreprises.

En effet, nous adoptons l’approche initiée par Fazzari, Hubbard et Petersen (1988). Ces auteurs se basent sur l’hypothèse du principe d’indépendance de Modigliani et Miller (1958): les choix réels de l’entreprise, dont l’investissement, ne dépendent pas de ses choix financiers. Un tel résultat est obtenu en supposant un marché des capitaux parfait. En revanche, si l’on introduit des asymétries d’information entre banque et entreprises, on montre que le niveau d’investissement des entreprises dépend de variables financières comme le niveau d’endettement ou le niveau de fonds propres. Un modèle basé sur un programme d’optimisation de la valeur de l’entreprise est développé. Ce modèle nous permet de dériver une équation d’investissement optimal pour l’entreprise (équation d’Euler). La prise en compte de contraintes financières nous permet de monter que le comportement d’accumulation du capital optimal pour l’entreprise dépend alors de son niveau d’endettement. Les équations d’accumulation du capital seront donc différentes en fonction de l’hypothèse faite sur les contraintes financières. Ces différenciations nous permettent de réfuter l’hypothèse d’absence de contrainte financière suite à une réforme financière.

La disponibilité de données de panel d’entreprises manufacturières dans les pays en développement a permis des études micro-économétriques analysant les effets des changements structurels des marchés financiers sur la contrainte de crédit des entreprises (Gelos et Werner, 1999, Günçavdi, Bleaney and McKay, 1998, Jaramillo, Schiantarelli et Weiss, 1996, Harris, Schiantarelli et Siregar, 1994 et Atiyas, 1992). Pour notre part, nous utilisons les données de l’enquête annuelle du MCIA (613 entreprises de 1986 à 1996). Nous mettons en oeuvre une estimation utilisant la méthode des moments généralisés, choix motivé par la présence de la variable endogène retardée (taux d’accumulation du capital à la période précédente) parmi les variables explicatives. Les résultats des estimations montrent l’importance des contraintes financières dans le comportement d’accumulation du capital des entreprises marocaines. Un des problèmes soulevé est celui de l’existence de primes à l’accès à un financement externe. A court terme, ces coûts semblent s’aggraver suite à la libéralisation financière24.

La structure de la thèse, présentée dans cette section, motive le choix d’aborder les liens entre la déréglementation du marché des capitaux et les efficiences de l’intermédiation bancaire au Maroc en trois développements. Comme nous l’avons annoncé, le premier chapitre s’intéresse au comportement des banques suite aux réformes financières, en axant l’analyse sur leur efficacité productive. Le second chapitre se penche sur la question de l’allocation des crédits. Enfin, le troisième chapitre analyse les conséquences des asymétries d’information sur les contraintes financières des entreprises.

Notes
24.

Un travail abordant le même thème, mais utilisant une équation d’investissement de type accélérateur augmenté de variables financières a été publié dans la Revue Région et Développement (Joumady, 1999).