L’efficacité technique est une mesure relative à la frontière des possibilités de production. Comment alors analyser l’évolution de l’efficacité technique dans un environnement où le progrès technologique et/ou des changements dans l’environnement économique modifient la frontière des possibilités de production ? Cette question méthodologique est d’importance : les nouvelles technologies de l’information, les innovations financières n’ont certainement pas manqué de faire évoluer le métier de la banque. De même, des chocs externes, en modifiant l’environnement économique des banques peuvent influencer cette frontière. Une attention particulière doit donc être portée à la distinction entre ce qui provient de l’amélioration de l’efficacité technique des banques et ce qui est le résultat d’un ’déplacement’ de la frontière des possibilités de production, résultant de progrès technologiques.
Plusieurs méthodes permettent de mesurer la contribution potentielle du changement de l’efficacité sur la variation du niveau de productivité. Parmi celles-ci, citons l’approche économétrique basée sur l’estimation d’une frontière paramétrique stochastique (Lozano-Vivas, 1998, Humphrey, 1993), la méthode de la ’frontière épaisse’ (Bauer, Berger et Humphrey, 1993) et la méthode que nous avons choisi d’utiliser: la décomposition à partir de l’indice de productivité globale de Malmquist (Worthington, 1999, Grifell-Tatjé et Lovell, 1996)28.
L’indice de productivité de Malmquist a été développé par Caves, Christensen et Diewert (1982) dans le but de mesurer la productivité totale des facteurs à partir d’une technologie à inputs et outputs multiples. La préférence que nous avons portée à l’indice de Malmquist tient à trois éléments. Premièrement, il est calculé à partir de données sur les quantités uniquement, un avantage non négligeable lorsque les informations sur les prix ne sont pas disponibles ou lorsque les prix sont biaisés. Ensuite, cet indice est basé sur des hypothèses ’faibles’ de comportement. Enfin, lorsque des données de panel sont disponibles, l’indice de Malmquist permet une décomposition simple de l’évolution de la productivité entre évolution de l’efficacité technique et changement technologique.
Avant de passer à une présentation formalisée, l’exemple graphique suivant montre une situation dans laquelle l’augmentation de la productivité est concomitante à une baisse de l’efficacité technique. La figure 10 illustre le cas d’une banque qui produit un output à partir d’un vecteur d’inputs dans une situation de rendements d’échelle contants sur deux périodes. Elle se situe au point A1 (elle produit y 1 output avec x 1 inputs) à la première période et au point A 2 (x 2 ,y 2 ) à la seconde.
L’indice de productivité de Malmquist (technologie de référence à la période 1) est égal au changement de productivité entre les deux périodes: (y 2 /x 2 )/(y 1 /x 1 ). Le passage de A1 à A2 est caractérisé par une amélioration de la productivité: une faible hausse du niveau des inputs a permis une forte hausse du niveau de l’output. Les droites t 1 et t 2 représentent les frontières des possibilités de production à la période 1 et 2 respectivement. Le niveau d’efficacité technique de la banque peut être approché par le ratio x11/x1 à la période 1 et par x22/x2 à la 2ème période. On peut ainsi constater une baisse du niveau de l’efficacité technique qui résulte du déplacement de la frontière des possibilités de production. La banque a bien augmenté sa productivité, mais elle se situe à la période deux dans une situation moins favorable comparativement à ce qu’elle pourrait potentiellement faire.
Cet exemple montre bien l’importance de la différenciation dans l’évolution de la productivité, de ce qui est le produit de l’amélioration (ou la dégradation) de l’efficacité technique de ce qui provient du progrès technologique.
A partir des données de la figure 10, l’indice de productivité de Malmquist (y 2 /x 2 )/(y 1 /x 1 ) peut être décomposé en un indice frontière ou progrès technique (x 12 /x 22 ) et un indice de rattrapage d’efficacité (x 22 /x 2 )/(x 11 /x 1 ).
En suivant Shephard (1970), la fonction de distance input est définie comme:
Pour obtenir l’indice de Malmquist, définissons des fonctions distance relatives à deux périodes :
Caves, Christensen et Diewert (1982), définissent l’indice de productivité de Malmquist comme:
Dans cette formulation, la technologie à la période t est la technologie de référence. On peut également définir un indice prenant la période t+1 comme référence:
De manière à ne pas avoir à choisir une référence particulière, on prendra la moyenne géométrique de ces deux indices29 :
En suivant Färe, Grosskopf, Norris et Zhang (1994) cet indice s’écrit de façon équivalente :
Nous avons montré que l’indice de Malmquist permet de décomposer la productivité totale en évolution de la technologie et changement de l’efficacité technique. De plus, l’efficacité technique a été décomposée en une composante pure et en une efficacité d’échelle. La figure 11 permet de synthétiser ces notions:
Dans un cadre réaliste de recherche appliquée, la vraie technologie n’est pas connue, et doit donc être estimée. Différentes méthodes existent. Deux des plus couramment utilisées sont l’approche paramétrique et l’approche non paramétrique.
Voir Tulkens et Vanden Eeckaut (1993) pour la présentation de méthodes non paramétriques alternatives sur données de panel.
Berg, Forsund et Jansen (1992), dans une étude sur l’efficacité des banques norvégiennes, montrent que les résultats peuvent être sensiblement différents en fonction de la période choisie comme technologie de référence.