2.2.2 Estimation de l’efficacité technique par la méthode d’enveloppement des données

La méthode d’enveloppement des données est une approche non paramétrique qui utilise la programmation mathématique pour estimer la frontière des possibilités de production. L’intuition originale est due à Farrell (1957). La mesure de l’efficacité suppose que l’on connaisse la fonction de production de la banque la plus efficace. Comme cela n’est pas le cas en pratique, l’isoquante efficace doit être estimée à partir des données de l’échantillon. Farrell suggère de construire une isoquante linéaire convexe de telle sorte qu’aucun point observé ne se trouve hors de cette surface. La figure 12 illustre la construction de l’enveloppe de production efficace dans le cas d’une banque produisant un output unique, y, à partir de deux inputs x 1 et x 2.

C’est à partir des travaux de Charnes, Cooper et Rhodes (1978) que les modèles DEA se développent fortement. Ces auteurs proposent un modèle avec hypothèse de rendements d’échelle constants. Cette hypothèse n’est valable que si toutes les banques fonctionnent à une taille optimale. Mais elle est peu compatible avec des situations de concurrence imparfaite ou de contrainte financière. Cette hypothèse sera amendée par Banker, Charnes et Cooper (1984) qui proposent un modèle à rendements d’échelle variables. La comparaison entre ces deux mesures d’efficacité permet de calculer une efficacité d’échelle.

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Figure 12 Isoquante linaire convexe

Dans ce qui suit, nous nous attachons à présenter le modèle à orientation input et à rendements d’échelle constants développé par Charnes, Cooper et Rhodes (1978), puis le modèle de Banker, Charnes et Cooper (1984) à rendements d’échelle variables. Supposons qu’il y ait K inputs et M outputs pour chacun des N producteurs. Soit xi et yi les vecteurs des inputs et outputs du ième producteur. La matrice X d’inputs (K,N) et la matrice Y d’outputs (M.N) représentent les données des N entreprises. L’objectif est de mesurer la performance de chaque producteur relativement à la meilleure pratique observée dans l’échantillon. A cette fin, des pondérations sont attachées aux inputs et outputs de chaque producteur de manière à résoudre le problème:

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où u est un vecteur (M.1) et v est un vecteur (K.1).

Cela implique de trouver les valeurs de u et v, de telle sorte que la mesure de l’efficacité de la ième entreprise soit maximisée, sous les contraintes que toutes les mesures d’efficacité soient inférieures ou égales à un. Cependant cette formulation en ratio permet l’existence d’une infinité de solutions32. Pour éviter cela, on pose vxi = 1, ce qui donne :

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Cette forme est connue sous le nom de « forme multiplicative » du problème de programmation linéaire. En utilisant le programme dual de la programmation linéaire, on dérive une forme équivalente de ce problème d’enveloppement :

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où θ est un scalaire et λ est un vecteur (N.1) de constantes. La valeur de θ obtenue sera le score d’efficacité de la ième entreprise. On aura θ ≤ 1, avec la valeur unitaire indiquant un point sur la frontière et donc une entreprise efficace techniquement, selon la définition de Farrell. Notons que le problème de programmation linéaire devra être résolu N fois, pour chacune des entreprises de l’échantillon. Une valeur de θ est ainsi obtenue pour chaque entreprise.

Dans le cas d’un modèle à rendements d’échelle variables (Banker, Charnes et Cooper, 1984), une contrainte de convexité, de la forme message URL FORM53.gif est ajoutée. Le problème devient :
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avec N1 le vecteur unité de dimension (N.1).

Il est clair que les scores d’efficacité calculés par chacune des hypothèses (CRS ou VRS) peuvent être ordonnés et que pour chaque producteur, cet ordre peut fournir des informations concernant l’existence d’économies d’échelle potentielles.

La construction de l’enveloppe définie comme la frontière efficace de production pose une difficulté connue en anglais sous le nom de ’input slack’, que nous traduirons par écarts d’input.

Reprenons la figure 13, en la complétant avec la projection des points observés sur la surface enveloppe, pour illustrer cette difficulté.

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Figure 13 Isoquante linaire convexe et points projetés

Sur la Figure 13, C et D sont les deux points qui définissent la frontière efficace. A et B sont inefficaces. La mesure de l’inefficacité de A et B au sens de Farrell (1957) est 0A’/0A et 0B’/0B respectivement. Pourquoi A’ est-il alors un point efficace puisque l’on peut réduire l’input x 2 d’un montant CA’ et produire le même output ? C’est ce que l’on appelle l’écart d’input (slacks). Aussi, pour qu’un point soit efficace, faut-il qu’il se trouve sur la frontière des possibilités de production et que l’écart d’input soit nul33.

Notes
32.

En effet, si (u*,v*) est une solution, alors (au*,av*) est une autre solution.

33.

Se reporter à Coelli (1996) pour plus de détails sur la prise en compte de ces écarts d’input dans l’estimation des inefficacités.