1.1.2 Les relations de clientèle de long terme

Un autre moyen pour la banque d’avoir des informations sur ses emprunteurs est de créer des relations de clientèle de long terme.

En effet, si un emprunteur potentiel a ses comptes bancaires (chèques, d’épargne, etc.) depuis un certain temps dans la banque auprès de laquelle il demande un crédit, celle-ci pourra dégager des informations intéressantes sur la situation financière du futur emprunteur. Si de plus cet emprunteur a déjà eu à emprunter auprès de la banque, cette dernière aura des informations quant au comportement de remboursement de l’emprunteur. Les coûts fixes de monitoring seront moins élevés que pour un emprunteur ’anonyme’ et la banque sera plus incitée à prêter à ses clients de long terme, s’ils se sont comportés d’une manière adéquate (Mishkin, 1992). Ces relations de long terme bénéficient aussi aux emprunteurs. Une entreprise qui a déjà eu des emprunts, pourra plus facilement en avoir de nouveaux, et cela à moindre coût puisque la banque la connaît déjà.

Un autre avantage qu’a la banque à développer des relations de long terme avec ses clients provient du risque d’aléa moral de la part des emprunteurs. En effet, si l’emprunteur veut conserver des relations de long terme avec la banque pour pouvoir emprunter dans le futur à des taux intéressants, il sera incité à mettre en place des investissements peu risqués de façon à pouvoir rembourser la banque sans problème et ne pas avoir de défaut de remboursement. Ainsi, la banque peut éviter des comportements d’aléa moral des emprunteurs, sans même intervenir directement: ce sont les emprunteurs eux-mêmes qui se comportent de manière à ne pas prendre trop de risque.

Une façon de consolider des relations de long terme entre l’entreprise et la banque est pour cette dernière d’acquérir des actions de l’entreprise qu’elle finance et dans certains cas de faire partie du conseil d’administration de l’entreprise (c’est le cas en Allemagne et au Japon en particulier). Les recherches appliquées mettent généralement en évidence que les entreprises qui ont de forts liens avec leur banque reçoivent des crédits à taux plus faible, ont besoin de moins de garanties et ont accès à une disponibilité plus grande en crédits (voir Berger et Udell, 1995 pour une application à des données américaines, Hoshi, Kashyap et Sharfstein, 1990, dans le cas du Japon et Elsas, Henke, Machauer, Rott et Schenk, 1998, pour les petites entreprises en Allemagne, et Berger, 1999, pour des références complémentaires).

Selon Allegret et Baudry (1996), les modèles d’incitation à périodes fournissent une première approximation intéressante pour rendre compte de l’importance de la durée de la relation. Diamond (1989) propose un tel modèle, où une longue période de non défaut a des effets bénéfiques pour le débiteur par la réduction de ses charges de remboursement. Toutefois, comme le constatent Allegret et Baudry (1996), le modèle de Diamond (1989) souffre d’une limite: les interactions entre la firme et la banque n’apparaissent pas nettement.

Moore (1987) (cité par Gertler, 1988, page 576) construit un environnement où des contrats de prêts sur plusieurs périodes permettent de limiter les effets des asymétries d’information. Il montre que les intermédiaires financiers améliorent les gains d’efficacité provenant des relations de long terme. En effet, en étant le lien entre de nombreux emprunteurs et prêteurs, ces intermédiaires permettent de diversifier le risque qu’un emprunteur ou un prêteur fasse défaut et ne ’casse’ des relations de long terme.

Certains auteurs ont différencié les emprunteurs et les situations afin d’éviter autant que possible le recours au rationnement du crédit (Gilles, 1992). Deux critères principaux peuvent être retenus: le premier de nature psychologique, en terme de réputation; le second de nature contractuelle. Dans le premier cas, la longévité des relations entre prêteurs et emprunteurs peut être mise en avant pour asseoir une confiance mutuelle ou, à contrario, distinguer les ’bons’ des ’mauvais’ emprunteurs. Ainsi des engagements non tenus peuvent pour Stiglitz et Weiss (1983) motiver une banque à refuser de prêter à nouveau au même emprunteur. Le second cas renvoie aux spécificités des clauses de contrats non seulement en termes de taux d’intérêt pratiqués mais également de montant du prêt (Milde et Riley, 198838) et/ou de la garantie hypothécaire.

Notes
38.

Cité par Gilles (1992)