1.2.3 L’inefficience de l’intervention de L’Etat

Li (1998) analyse l’impact différencié de politiques de crédits dirigés, d’assurance de prêts et de garanties publiques des crédits. Il montre qu’entre ces trois instruments les garanties sont le moyen le plus efficace pour promouvoir l’esprit d’entreprise. Il note toutefois que les pouvoirs publics n’ont pas d’informations ou de techniques plus avancées que le secteur privé, et donc que les politiques d’allocation du crédit ne peuvent pas améliorer l’efficacité de cette allocation.

Dans ’Do Informational Frictions Justify Federal Credit Programs’, Williamson (1994) évalue l’effectivité de programmes mis en place par les pouvoirs publics visant à améliorer l’allocation du crédit. Trois types de programmes sont considérés: les premiers correspondent aux crédits directs du gouvernement, les seconds aux garanties publiques sur les crédits et les troisièmes à la promotion de marchés secondaires de crédits privés.

Williamson utilise deux modèles prenant en compte des asymétries d’information. Dans le premier, les banques doivent s’acquitter d’un coût pour ’vérifier’ les rendements des projets des investisseurs39. Dans ce type de modèle, l’équilibre peut être caractérisé par un rationnement du crédit. C’est à dire qu’à l’équilibre, il est possible que certains emprunteurs reçoivent un crédit tandis que la banque dénie du crédit à des emprunteurs ayant les mêmes caractéristiques. L’augmentation du taux d’intérêt sur les crédits augmente le niveau des remboursements, mais en même temps augmente la probabilité que l’emprunteur ne rembourse pas, et donc augmente par là-même les coûts de vérification. Il peut exister un taux d’intérêt d’équilibre au niveau duquel ce second effet contrebalance l’effet positif. Les banques ne vont pas offrir de crédits au delà (et en deçà) de ce taux. Il n’existe donc pas à ce taux, de contrat de prêts qu’un agent rationné peut offrir et qui entraîne un rendement supérieur pour le prêteur.

Pour Williamson, cette imperfection de marché n’implique pas nécessairement qu’une intervention publique puisse être une solution. En effet, si le gouvernement offre une garantie sur les crédits, financée par les primes d’assurance supporté par les prêteurs, et si le marché est caractérisé par un rationnement d’équilibre, le programme va abaisser le taux reçu par les prêteurs, augmenter le taux que doivent payer les emprunteurs et augmenter la probabilité qu’un emprunteur soit rationné. Ainsi, pour Williamson, tous les participants sont dans une situation sous-optimale lorsque l’Etat intervient.

Dans le cas d’un programme de crédit direct, Williamson, en supposant que l’Etat offre des crédits selon les même termes que les banques privées, montre que ce programme n’a qu’un effet d’éviction du crédit de certains emprunteurs vers d’autres emprunteurs, et que l’effet net est nul.

Dans le second modèle, le marché du crédit est caractérisé par la sélection contraire et le filtrage (screening) des emprunteurs par la banque occasionne des coûts. Williamson considère deux types d’emprunteurs, g (good) et b (bad), qui diffèrent en fonction de la distribution des rendements de leurs investissements. Le prêteur peut connaître le type d’emprunteur auquel il a à faire en encourant un coût fixe, dit coût de sélection. Ce modèle est proche de celui de ’costly state verification’, toutefois, une différence importante est que les coûts d’information ont cours avant que l’investissement ait eu lieu et non pas ex post comme dans le modèle de ’costly state verification’. Si l’équilibre existe, il est séparateur, et dans ce cas la banque offre un contrat différent selon le type d’emprunteurs g ou b. A l’équilibre, la probabilité que la banque filtre des emprunteurs de type g est positive, tandis que les emprunteurs de type b ne sont pas filtrés. Williamson montre que dans ce second modèle l’intervention de l’Etat n’est pas Pareto optimale.

Cette conclusion découle évidemment des hypothèses utilisées dans le modèle de Williamson. Davidson (1994) critique la tradition classique servant de soubassements à ce modèle. Il parle de ’‘lapins que l’on fait sortir du chapeau’’. Il constate que Williamson en utilise plusieurs, habituels aux magiciens maniant la théorie classique: absence de monnaie, l’entrepreneur reporte exactement au banquier le rendement obtenu ex post.

Notes
39.

D’où le nom de modèles de type ’costly state verification’ comme ceux utilisés par Townsend (1979) ou Williamson (1986, 1987).