Section 2 L’accès au financement des entreprises marocaines pendant la période de libéralisation financière41

Pour évaluer si l’allocation du crédit a connu une évolution sensible à la suite de la déréglementation du marché des capitaux, nous utilisons des données d’entreprises manufacturières. La question est de savoir si les ressources financières sont allouées aux entreprises les plus efficaces. Dans un système financier réprimé, caractérisé par de nombreuses interventions publiques sur le marché des capitaux, les entreprises qui ont le plus accès au crédit bancaire ne sont pas forcément les plus profitables ou les plus efficaces. Le gouvernement utilise la politique du crédit pour favoriser des secteurs jugés prioritaires ou pour aider des entreprises en difficultés (cas des entreprises publiques). Toutefois, même si les interventions de l’Etat sont moins importantes, comme ce fut le cas à partir de 1990 au Maroc, les banques peuvent ne pas être compétentes dans l’évaluation et le contrôle des projets ou peuvent préférer financer des entreprises sur des critères autres que la performance si des problèmes d’asymétrie d’information entre emprunteur et prêteur sont importants.

Pour tester si les institutions financières ont modifié les critères selon lesquelles elles allouent des crédits, nous allons régresser la variation du niveau de crédit d’une année sur l’autre (pondéré par le capital fixe) sur des variables prenant en compte trois types de phénomènes. Le choix des variables explicatives a été suggéré par les théories analysant les effets de la libéralisation financière et par des éléments spécifiques à la répression financière au Maroc. Notre approche est dans la lignée des travaux de Borensztein et Lee (1999) et Jaramillo, Schiantarelli et Weiss (1992). Toutefois, elle s’en différencie sur plusieurs aspects. Contrairement à Borensztein et Lee, nous utilisons des données d’entreprises individuelles et non sectorielles. En effet, certaines caractéristiques d’entreprises, même appartenant au même secteur peuvent entraîner un comportement différencié des banques. C’est ainsi que l’on intégrera des variables telles que le statut ou l’âge de l’entreprise. Jaramillo, Schiantarelli et Weiss utilisent des données d’entreprises individuelles, toutefois, ils négligent la dimension de panel de leurs données, étant donné qu’ils estiment une équation sur données transversales, en calculant des moyennes pour chaque variable sur la période. Disposant aussi de données de panel, nous effectuons des estimations en prenant en compte cette structure des données. D’autre part, une autre différence avec l’analyse de Jaramillo, Schiantarelli et Weiss concerne la définition de certaines des variables. Celle-ci est amendée pour prendre en compte des éléments spécifiques au cadre marocain. En particulier, nous ne distinguons pas les secteurs en fonction de leur activité, mais plutôt en fonction du niveau de protection dont ils bénéficient, et nous prenons en compte une variable pour tenir compte de la politique des zones d’investissement.

Mais tout d’abord, nous présentons quelques résultats statistiques concernant l’évolution de l’allocation du crédit en fonction de la taille et de la destination des ventes sur la période 1986 à 1996.

Notes
41.

Cette section développe une communication présentée aux 14èmes Journées de Micro-économie Appliquée (Marrakech, mai 1997): ’Réformes du marché des capitaux et efficience de la distribution des crédits. Utilisation d’un panel d’entreprises manufacturières marocaines’, en collaboration avec Fouzi Mourji (Université Hassan II, Casablanca).