1.1.2 La critique post-keynésienne et néo-structuraliste

Taylor (1983) considère comme McKinnon et Shaw que l’augmentation des taux d’intérêts créditeurs entraîne une hausse du volume des dépôts. Toutefois, contrairement à ces derniers, Taylor établit que l’impact de cette hausse sur le montant des crédits distribués dépend de la provenance de ces fonds. Il distingue deux origines des dépôts qui sont issus soit d’actifs comme l’or ou les encaisses liquides, soit du marché financier informel.

Suivant cette même démarche, Van Wijnbergen (1983) montre que les résultats du modèle de Kapur (1976) dépendent d’une ’simplification drastique de la structure financière de nombreux PVD’ (page 434). Pour cet auteur, ’‘les résultats obtenus par Kapur dépendent d’une façon cruciale d’une hypothèse implicite sur la structure du marché des actifs, hypothèse qui n’est jamais explicitement posée: tous ces auteurs supposent que les mouvements de portefeuille vers les dépôts à terme proviennent d’actifs ’improductifs’ comme de l’or, du liquide, des biens, des stocks, etc’.’ (ibid). Pourtant, il n’est pas évident que les dépôts à terme soient de plus proches substituts à l’or, au liquide, etc. qu’aux crédits existants sur les marchés financiers informels.

Pour ces auteurs néo-structuralistes, si l’augmentation du niveau des dépôts provient d’actifs improductifs, l’impact sur la disponibilité de crédits sera positive. En revanche, si l’augmentation des dépôts résulte d’un ’détournement de fonds’ du système financier informel, l’offre totale de crédit peut alors diminuer. La raison invoquée par Taylor et Van Wijnbergen est que les banques du secteur formel sont assujetties à des réserves obligatoires contrairement au système financier informel.

Au delà d’un impact sur la quantité de crédits distribués, il peut y avoir un impact différencié selon le type d’entreprises. Les entreprises se finançant sur le marché formel ne sont pas les mêmes que celles ayant recours à des systèmes financiers informels. Aussi, des entrepreneurs qui se finançaient à partir de fonds provenant de marchés financiers informels, peuvent-ils se trouver contraints, étant donné qu’une partie des fonds qui étaient intermédiés par ces circuits vont se diriger vers le système formel. Les conditions d’accès à un financement formel peuvent être beaucoup trop restrictives pour certains types d’entreprises, notamment les entreprises de petite taille ou opérant dans l’économie informelle60.

Les modèles post-keynésiens insistent sur l’importance du rôle de la demande effective. Pour Burkett et Dutt (1991), l’augmentation du taux d’intérêt a deux effets: premièrement, un accroissement de l’offre de dépôts et donc de crédits, deuxièmement, une augmentation de la propension marginale à épargner. Ils supposent que c’est le second effet qui l’emporte, et que la baisse de la demande effective va réduire la production et par là l’investissement. Toutefois, comme l’indiquent Gibson et Tsakalotos (1994), les modèles post-keynésiens ’fonctionnent principalement à partir de la demande de crédit (qui dépend du montant d’investissement que l’entreprise compte faire). L’offre de crédit n’est pas modélisée explicitement et est supposée répondre passivement aux changements de la demande’ (page 609). Aussi la question de la contrainte de crédit est-elle implicitement mise de côté.

Abordons maintenant les critiques basées sur la prise en compte d’asymétries d’information sur les marchés financiers concurrentiels.

Notes
60.

Les micro-entreprises (ME) en sont l’exemple classique. A titre d’illustration, l’étude de Mourji (1998) dans le cas du Maroc, montre que seuls 4% des ME se financent auprès d’une banque au moment de la création et que 81% des ME n’ont jamais demandé de crédit.