3.2 Estimation avec prise en compte de deux périodes distinctes

Pour tester l’impact de ces réformes sur le comportement d’accumulation du capital des entreprises manufacturières au Maroc, nous distinguons la période pré-libéralisation de la période post-libéralisation. Les réformes financières au Maroc ont été entreprises par étapes. Le choix de la date distinguant les deux périodes est par conséquent certainement arbitraire. Toutefois, nous avons montré dans le chapitre introductif que de nombreuses réformes ont eu lieu entre 1991 et 1994 (désencadrement du crédit en 1991, libéralisation des taux créditeurs en 1992, nouvelle loi bancaire en 1993 et enfin élimination de nombreux emplois obligatoires en 1994). C’est ainsi que l’année 1993 est choisie comme année charnière.

Pour permettre aux coefficients des variables d’endettement message URL FORM228.gif de différer en fonction de la période, nous définissons la variable muette lib égale à l’unité lorsque l’année est comprise entre 1993 à 1996 et zéro sinon (1989 à 1992). Ainsi par exemple, pour estimer le coefficient de la variable financière message URL FORM229.gif pour les entreprises avant la libéralisation financière, on estime le coefficient de la variable message URL FORM230.gif. Nous n’avons pas introduit d’effets discriminants de la libéralisation financière sur les variables réelles du modèle, cela dans le but de concentrer l’analyse sur les variables financières, lesquelles permettent d’analyser l’évolution des contraintes financières des entreprises.
Les résultats de l’estimation prenant en compte la libéralisation financière sont présentés dans le tableau 29. Les coefficients estimés des variables message URL FORM231.gif, message URL FORM232.gif et message URL FORM233.gif sont de même ordre de grandeur et de même significativité que ceux de l’estimation sans prise en compte de la libéralisation financière (tableau 28). D’autre part, le test de Wald indique que la significativité jointe des coefficients est satisfaisante.

La distinction des deux périodes semble pertinente. En effet, la situation du financement des entreprises manufacturières marocaines ne semble pas être stable sur la période 1989-96. Les coefficients des variables d’endettement sur la période pré-libéralisation (1989-92) ont la même significativité que l’estimation sur la période totale : α3 est significatif, tandis que α4 n’est pas significativement différent de zéro. Au contraire, ces deux coefficients ne sont plus significatifs sur la période 1993-1996, signe de l’absence à la fois d’un plafonnement du niveau d’endettement et d’une prime de taux due aux problèmes d’agence.

La libéralisation financière semble donc avoir permis aux entreprises de s’endetter au niveau leur permettant de financer un investissement optimal. On constate d’autre part que le comportement des banques, favorisant les entreprises déjà endettées, ne semble plus présent suite à la libéralisation financière.

Tableau 29. Estimation de l’équation (53) par la méthode d’Arellano et Bond en tenant compte de deux sous-périodes : 1989-92 et 1993-96
Variable expliquée: 472 entreprises de 1989 à 1996
3096 observations
0,372 (1,89)*
-0,826 (3,50)***
0,0002 (6,71)***
0,0001 (0,29)
Avant 1993
0,032 (1,94)**
-0,0007 (0,98)
Après 1993
0,0008 (0,02)
0,0081 (0,90)
Proba i -0,056 (1,19)
Constante 0,015 (0,63)
Instruments t-3, t-4, ...
Test de Sargan ; degrés de liberté 56,48 ; 34
Test de corrélation d’ordre 2 -4,06
Test de Wald ; degrés de liberté 291 ; 9

Se reporter aux notes du tableau 28.

Comme ces résultats peuvent refléter une hétérogénéité dans le comportement des entreprises, l’utilisation des données de panel va nous permettre de traiter à la fois des effets de période et des effets d’entreprises. Les travaux empiriques s’intéressant aux asymétries de l’information sur le marché des capitaux mettent en évidence une différence de comportement des entreprises en fonction de nombreux critères dont l’appartenance à un conglomérat, le degré de distribution des dividendes ou encore la taille72.

Pour notre part, nous concentrons notre analyse sur deux critères: la taille et l’importance des exportations dans le chiffre d’affaires.

Notes
72.

Voir Schiantarelli (1995) pour une revue de cette littérature.