L’interdiction du jeu de dos au théâtre repose sur un principe théâtral essentiel, qui veut que la responsabilité de l’expressivité émotionnelle revienne à l’interprétation des acteurs. Or, Munch procède dans ses esquisses des Revenants à une déshumanisation des personnages qui va justement à l’encontre du principe du jeu. Loin de chercher à accentuer l’individualité de chaque personnage, il fait d’eux des figures interchangeables et non identifiables : les esquisses montrent des êtres réduits à de simples silhouettes, aux visages invisibles - surfaces unies pourvues tout au mieux de deux points figurant les yeux (fig. 15) qui accentuent leur caractère fantomatique. Le titre d’Ibsen est délibérément ambigu, et laisse la porte ouverte à diverses interprétations : quels sont exactement ces « revenants » ? Dans le texte, une tirade de madame Alving l’explique ainsi : « ‘Je me demande si nous ne sommes pas tous des revenants, pasteur Manders... Ce n’est pas seulement l’héritage de nos parents qui revient nous hanter. Il y a aussi toutes sortes de vieilles idées et de croyances mortes. Elles ne sont plus vivantes, mais elles nous encombrent l’esprit, et nous n’arrivons pas à nous en défaire. (...) Ils sont nombreux comme les grains de sable, il me semble. Et nous avons tous horriblement peur de la lumière’ ».
Le poids de l’hérédité est celui physique de la maladie, mais également celui psychique des idées et préjugés qui nous emprisonnent - poids de l’inconscient qu’avant les théories de Freud, Ibsen saisit intuitivement. Les morts nous gouvernent, comprend Hélène Alving, et telle une tragédie antique, la pièce montre l’inutilité des efforts de ceux qui croient être vivants et pourvus d’un libre arbitre, alors qu’ils ne sont que de simples marionnettes dont le destin se joue. Pour Munch, ce sont les personnages eux-mêmes qui sont des revenants : leur face transparente est d’un jaune phosphorescent (fig. 11-12-13), ou absorbe les tons ambiants de la pièce. Dans l’acte III (fig. 17), l’immobilisme des personnages n’altère en rien l’expressivité de la scène, qui repose essentiellement sur le jeu des couleurs : le brasier visible de loin dans la nuit est restitué par un bleu outremer, presque violet, tandis que les murs et l’intérieur de la pièce reflètent sa lueur rouge. Les visages d’Osvald et de sa mère, peu éclairés par la lampe à pétrole sur la table, sont blafards ; le mélange des teintes bleue, jaune et verte crée des visages mortuaires, annonciateurs de la tragédie prochaine. L’opposition des couleurs complémentaires donne à la scène un équilibre violent, tandis que devant la fenêtre illuminée par l’incendie se découpe, presque en ombre chinoise, la silhouette de Régine.
Les visages tout au long des esquisses sont rendus de façon larvaire, suggérés seulement par la ligne du contour ; mais celle-ci disparaît parfois complètement, comme dans la dernière scène où le profil d’Osvald n’est pas même tracé et se fond avec l’aplat du fauteuil (fig. 15, fig. 21). A l’absence de visage s’ajoutent le hiératisme du port et la position particulièrement neutre et statique, qui pétrifient les personnages. Cette immobilité silencieuse, qui interdit toute expression, se veut l’incarnation du poids de la morale inhumaine qui dénature les êtres en leur ôtant leur joie de vivre. Elle n’est pas celle d’une résignation mélancolique, comme chez Hammershøi, mais plutôt d’une horreur glacée qui se rapproche des personnages hallucinés de Spilliaert. Le hiératisme des postures peut s’expliquer par le style pictural habituel de Munch, et se retrouve dans les peintures de l’époque symboliste de l’artiste – il s’atténuera dans l’oeuvre plus tardif. Le rendu larvaire en revanche, est rare dans les figures du peintre ; les personnages sont souvent porteurs d’expressions figées, sortes de masques, mais la physionomie est construite à partir de ce procédé même. L’effacement de tout trait du visage est un choix inhérent aux esquisses, et ne réapparaîtra que bien plus tard dans certains tableaux où l’évolution picturale vers l’expressionnisme accentuera toujours plus la déstructuration figurative.
Les personnages qui se dressent ici hiératiques, d’une austérité marmoréenne, restituent une vision aux antipodes de l’incarnation théâtrale, et relèvent plutôt du groupe statuaire, d’autant qu’à l’immobilisme s’ajoute une absence de toute gestuelle. Une seule exception est le personnage de madame Alving, seul à avoir été doté de gestes et mouvements, qui prennent par là valeur significative. Ses gestes d’expression qui dérogent à la loi d’impassibilité générale sont ceux qui traduisent son désespoir : main sur la poitrine (fig. 19), mains jointes devant elle (fig. 15), corps recroquevillé au paroxysme du drame (fig. 21). La question a en effet souvent été posée sur le principal personnage de la pièce : est-ce la tragédie d’Osvald ou de la mère ? de l’enfant sacrifié ou de la mater dolorosa ? Madame Alving n’est-elle pas, en définitive, l’unique personnage encore vivant, la seule à se débattre pour échapper à son destin ? Elle cherche à retrouver la paix de l’âme en dirigeant la construction d’un orphelinat, destiné à engloutir la fortune de son mari et ainsi la libérer de toute dette contractée par son mariage. Sous l’influence de son fils, elle a consulté des livres que la morale – incarnée par le pasteur Manders – réprouve, et montre, malgré ses hésitations, qu’elle est prête à appliquer ses nouvelles conceptions lorsque la situation l’exige. Brisant les secrets l’un après l’autre, elle est le seul personnage capable d’évolution au milieu d’un cercle d’êtres à la dérive, soit définitivement sclérosés par la morale ou l’intérêt, soit éternels insatisfaits se contentant de rêver à une vie meilleure. Dans la dernière scène, à l’apogée de la tragédie, Munch opère un portrait du fils et de la mère hors de tout contexte scénique. C’est une pietà moderne, inspirée de tableaux tels que L’Enfant malade (fig. 39-40) et Hérédité (fig. 41)384 qui ont participé au renouvellement de l’image maternelle inité par les symbolistes de la fin du siècle385, et qu’à l’époque des Revenants les expressionnistes sont en train d’imposer : si Käthe Kollwitz consacre à la même époque à Berlin l’image de la mater dolorosa, elle a elle-même subi l’influence des peintures de la Frise de la Vie 386 .
Parmi tous les procédés plastiques, qui se voient mis en question par l’application sur scène, une proposition pour laquelle peintre et techniciens du théâtre peuvent éventuellement se retrouver réside dans les jeux d’ombre, autre procédé que Munch utilise pour insister sur la présence de ces « revenants ». Il est difficile de déterminer qui, de Munch ou de Reinhardt, a suggéré à l’autre l’emploi de l’ombre qui deviendrait un des principaux procédés expressifs de la mise en scène : nulle part dans le texte on ne trouve une quelconque allusion à des ombres. En revanche, dans sa lettre d’instructions, Reinhardt suggère ce procédé avec insistance. D’une part il conçoit la pièce selon une opposition entre clarté et obscurité qui doit suggérer l’existence de secrets de famille - « cette pièce doit avoir des secrets, de sombres coins et recoins » - d’autre part, il considère que la montée dramatique doit être accompagnée d’un éclairage toujours plus diminué qui permet un jeu d’ombres : « ‘Acte II : Lent crépuscule. Ombres grossissantes, lourdes. Assez clair au début, ensuite de plus en plus sombre, jusqu’à ce qu’il fasse noir dehors. A l’intérieur, une lampe à pied vers la fin, qui illumine une partie de la pièce et spécialement la table, et laisse les recoins de la pièce sombres, comme des fantômes. A la fin, une légère lueur du feu derrière les fenêtres. Après-midi. Soir ’»387
En ajoutant que « ‘les esquisses d’ambiance détaillées et les changements d’éclairage peuvent attendre jusqu’à (mi-)septembre, pour nos répétitions’ », Reinhardt implicitement charge le peintre d’une troisième tâche, tout aussi étrangère à sa formation que celle de décorateur, celle de régisseur lumière ! Les jeux d’ombre sont considérés comme un des atouts majeurs des productions de Reinhardt, qui a su en faire un procédé expressif particulièrement réussi, les introduisant dans ce qui allait être le théâtre expressionniste : « ‘les mises en scène des pièces expressionnistes par Max Reinhardt ont poussé à son paroxysme cette magie des ombres et des lumières qui n’a cessé de fasciner l’Allemagne depuis Goethe’ ».388
Reinhardt cependant ne fait certes pas découvrir le procédé de l’ombre à Munch, qui l’a déjà utilisé dans des oeuvres antérieures. Le metteur en scène a pu voir des tableaux exposés à Berlin par l’artiste tels que Rose et Amélie 389 , Vampire (fig. 7) et surtout Puberté 390 dans laquelle l’ombre est traitée comme un personnage et se voit assigner un rôle tout aussi important que le modèle. L’ombre portée est un procédé qui, malgré son ancienneté dans la tradition picturale est resté longtemps dans l’histoire de l’art d’une « relative rareté », en particulier dans la tradition renaissante, nombre d’artistes semblant avoir cherché à en éviter l’usage « ‘comme s’ils craignaient d’introduire un élément perturbateur dans une composition harmonieuse et cohérente’ »391. L’ombre se voit ainsi immédiatement affligée de connotations négatives dues à son rapport étroit avec l’obscurité et l’immatériel, et c’est pour ce potentiel dramatique que l’art, en particulier hollandais, l’adopte. Un artiste comme Munch l’utilise pour sa valeur symbolique, la dotant de significations psychologiques, bien plus que pour sa valeur formelle : « ‘Je sais que la grande ombre noire de Puberté, qui ressemble à un sac, affaiblit l’élément pictural. Mais je devais la représenter ainsi, large et monochrome’ ».392 Dans Puberté, l’adolescente assise sur le lit, au corps maigre et raidi, au regard fixe, tend les bras pour cacher sa nudité. L’ombre projetée sur le mur derrière elle, dont il n’est pas certain qu’elle soit la sienne, accentue sa fragilité, symbole des doutes et des angoisses qui l’accompagnent. La connotation sexuelle est confirmée par le modèle dont Munch s’est inspiré pour sa composition : une gravure de Félicien Rops, Le Plus bel amour de Don Juan 393 montrant une jeune fille terrorisée derrière laquelle surgit un personnage diabolique. En remplaçant ce sinistre personnage par ce qui peut être l’ombre de la jeune fille, Munch atténue le danger extérieur et exprime avant tout l’angoisse propre du sujet, justifiée ou non. Dans la version graphique de 1902 (fig. 42), l’ombre a pris des proportions énormes et occupe la majeure partie de l’image, s’octroyant une valeur dramatique supérieure à la jeune fille elle-même.
De même, dans la Scène de famille (fig. 13), la composition est construite sur une opposition entre masses statique et dynamique qui met plus en valeur les ombres que les êtres. Le cadrage est censé restituer l’ensemble de la pièce, mais en réalité les éléments du décor à jardin est omis, ce qui laisse la moitié gauche de l’image vide, tandis que dans la partie droite se concentrent les cinq personnages regroupés autour de la table. A l’opposition nudité/encombrement de l’espace s’ajoute la dichotomie entre d’une part les silhouettes droites et immobiles et les masses du mobilier à droite, et d’autre part les lignes ondulantes, diagonales ou recourbées des ombres. Celles-ci semblent voleter autour des hommes immobiles et impuissants, tels des esprits occultes, plus actifs que ces êtres pétrifiés. Chez Munch, l’ombre peut être soit soudée à la figure, constituant avec elle une unité émotionnelle (fig. 7), soit au contraire se séparer de sa source d’origine, prenant vie pour lui échapper et parfois la menacer : c’est le cas de Puberté (fig. 42), c’est également celui du dessin Fièvre (fig. 43),dans lequel l’enfant malade semble abandonné par ses proches, livré à la merci des ombres qui se penchent sur son chevet.
D’après le texte, ces « revenants » qui poursuivent les êtres humains et les gardent prisonniers ne sont autres que leurs ancêtres, leur héritage physique et surtout mental. Le poids des absents est tel que le chambellan Alving, plusieurs années après sa mort, garde la main-mise sur sa famille par la perpétuation des conséquences de ses actes : en choisissant de faire des ombres le symbole du poids de l’hérédité, Munch utilise les suggestions de Reinhardt, initialement à fonction essentiellement esthétique, mais il leur ajoute une valeur à la fois symbolique et affective – littérale même , car l’intérêt de l’artiste pour le spiritisme est réel394. Cet investissement est personnel, certainement le fruit d’une impression visuelle marquante telle qu’il la retranscrite dans ses notes en 1892, dans un vocabulaire assez ibsénien :
‘« Lorsque je me promène au clair de lune – (...) je m’effraye au spectacle de ma propre ombre . – Une fois la lumière allumée, je vois tout à coup – mon ombre, énorme, qui s’étend sur la moitié du mur et monte jusqu’au plafond – Et dans le grand miroir suspendu au-dessus du poêle, je me vois moi-même – ma propre face de revenant – Et je vis avec les morts – ma mère, ma soeur, mon grand-père et mon père – surtout avec lui – Tous les souvenirs, jusqu’aux plus petites choses, remontent ».395 ’La lithographie de 1920 (fig. 20) montre que l’artiste, libéré des contraintes de la scène, accentue encore cette orientation. Les ombres, au lieu de s’échapper de leurs créateurs, s’allongent et les surpassent en taille. L’atmosphère s’alourdit d’autant que, concentrées dans l’esquisse sur la partie gauche, elles sont maintenant projetées de tous côtés, crées par l’unique point de lumière qu’est la lampe sur la table. Prenant forme humaine, elles se dressent comme autant de statues du Commandeur autour du groupe, dont les membres serrés l’un contre l’autre paraissent fragiles et impuissants, jouets d’une puissance supérieure, « fouettés par leurs propres ombres »396.
La lithographie se distingue de la première version (fig. 13) par une accentuation du caractère nocturne de la scène, et n’est pas sans évoquer certaines lithographies des nabis ; mais l’intimité rassurante des intérieurs de Vuillard ou Bonnard se transforme ici en atmosphère carcérale et angoissante. En ôtant la figure colorée de Régine, qui dans l’esquisse offrait un contrepoids lumineux à la noirceur des autres silhouettes, et en la remplaçant par la figure plus âgée de madame Alving, dont le visage coloré en rouge dans un tirage aquarellé397 annonce la tragédie finale (fig. 21), Munch ôte tout ce qui pouvait encore laisser quelque trace d’espoir et de libre arbitre dans l’esquisse.
Cette radicalisation du parti pris dans les versions de 1920 a-t-elle été inspirée par le résultat final de la mise en scène, ou celui-ci n’est-il que la conséquence des propositions visuelles du peintre ? Fruit d’une véritable interaction entre Reinhardt et Munch, le jeu d’ombres a quoi qu’il en soit été un élément important dans le spectacle, et a été remarqué par les critiques : «‘ Dans la scène, qu’Edvard Munch, le grand peintre surréaliste et le compatriote d’Ibsen, a dessinée, les fantômes hantent véritablement. Lorsque, dans la scène finale, madame Alving désespérée passe devant la lampe en courant derrière son fils, d’immenses ombres flottaient au mur comme des démons les poursuivant ’».398
Si ce jeu d’ombres a pu être exploité de façon aussi réussie dans les deux langages artistiques, transposé de l’esquisse picturale à la mise en scène, les propositions de Munch sont restées dans l’ensemble essentiellement la vision d’un peintre. Variations de plan, jeu du cadrage et de la composition, placement des personnages et figuration tronquée sont autant de procédés étrangers à la scène auxquels l’artiste a eu recours.
Ses propositions scénographiques penchent plus vers l’illustration, tandis que d’autres artistes ont marqué leurs illustrations d’une empreinte scénographique : les illustrations (plus exactement l’histoire en estampes) de Voyages et aventures du Docteur Festus de Töppfer ont fait par exemple l’objet d’un traitement éminemment théâtral, en particulier dans l’importance accordée aux acteurs souvent portraiturés en pied « à l’image de ces monologues scéniques », dans l’absence de gros plans et dans la relative constance de l’échelle « ‘qui ressortit en fait à la question de l’illusion scénique, garantie par la distance optique peu contrastée qui sépare l’oeil du lecteur-spectateur de l’histoire-spectacle’ »399. On peut de fait relever les éléments exactement inverses dans les esquisses scénographiques de Munch.
La même représentation exclusivement en pied des personnages, même s’ils ne sont placés dans l’ensemble du décor, marque les illustrations des drames par Delacroix dont « ‘l’une d[es] qualités les plus éminentes, le dramatisme éloquent de sa gesticulation, le rapproche du théâtre : selon Baudelaire, seuls Frédérick Lemaître et Macready savent prendre des attitudes aussi sublimes que ses personnages ’»400 - gesticulation qui chez Munch est presque totalement abolie. La désincarnation totale des personnages en tant que procédé anti-théâtral mérite cependant d’être nuancée. Le rôle du comédien, par sa gestuelle et son jeu de physionomie, reste indubitablement une composante essentielle de la mise en scène, mais la dépossession que l’artiste lui fait subir dans ces esquisses n’est pas sans relation avec les nouvelles formes d’expression expérimentées à la même époque. La pantomime, un des procédés traditionnels essentiels du théâtre, est aussi l’un des plus controversés au début du siècle. Les naturalistes, tout en réprouvant les « exagérations grandiloquentes » du drame romantique, considéraient que « le mouvement est le moyen d’expression le plus intense d’un acteur »401, et Zola de fustiger l’emploi du masque qui prive le public de la « réalité matérielle » et « tu[e] l’expression, tout un coin de l’art du comédien ».402 Peu de temps après, cependant, les drames de Maeterlinck initient au tournant du siècle ce que Meyerhold appelle le « théâtre immobile », meilleur moyen de restituer un drame construit sur « les relations réciproques du Destin et de l’Homme ».403 Le naturalisme au théâtre ayant montré ses limites, les nouveaux metteurs en scène le rejettent : puisque l’incarnation absolue est impossible, ils y renoncent pour la représentation. Au théâtre de l’illusion se substitue celui de l’allusion ; le jeu de l’acteur n’a plus forcément pour but de faire vivre les émotions du personnage, et les comédiens peuvent devenir un élément parmi d’autres dans une composition orchestrée par le metteur en scène. La désincarnation du personnage, effet de distanciation - « Verfremdunsgseffekt » - aussi impensable soit-elle dans le théâtre du XIXe siècle, devient avec des metteurs en scène comme Meyerhold et Brecht, une composante essentielle du théâtre moderne. Elle n’en est pas pour autant acceptée unanimement, témoins la scène et le cinéma allemand expressionnistes qui privilégient l’expressivité gestuelle.
L’analyse des oeuvres de scénographie conduit en outre à s’interroger sur la relation entre théâtre et peinture au sein de cette dernière, dont une étude resterait à faire. Il est fréquent de voir dans la littérature d’art attribuer aux oeuvres de peintres - notamment celle de Munch - un caractère théâtral ; encore faudrait-il préciser cette notion. Trop souvent, le simple fait que la scène dépeinte se produise à huis clos suffit à lui trouver des qualités théâtrales. Un autre argument consiste en l’étude soignée de la composition, tant dans la situation des figures dans l’espace que dans le jeu entre elles. Mais ces caractères ne sont-ils pas tout aussi propres à l’art plastique – peinture ou sculpture - qu’à l’art scénique ? Ne relèvent-ils pas intrinsèquement du domaine du visuel, domaine qui n’est qu’une des multiples composantes de l’art théâtral ? Ne peut-on dire, au contraire, que c’est l’art de la scène qui emprunte le langage de la peinture, et que les qualités que l’on considère trop souvent comme théâtrales semblent bien plutôt être picturales ?
Voir Troisième partie, II, 3.
En particulier, le motif quasiment obsessionnel de la mère en deuil chez Georg Minne dès 1886.
E. Prelinger (dir., Käthe Kollwitz, Handzeichnungen, Druckgraphik, Skulpturen, Munich-Paris-Londres, 1996) considère la gravure de L’Enfant malade de Munch comme une source directe d’inspiration des différentes versions graphiques de Pietà (1903) de K. Kollwitz.
Texte original en annexe 10 .
J.M. Palmier, I, p. 9.
Rose et Amélie, 1893, tempera sur toile, 78x110, M RES A 216.
Puberté, 1893, huile sur toile, 152x110, Oslo, Nasjonalgalleriet.
E. Gombrich, Ombres portées – Leur représentation dans l’art occidental, Paris, 1996, p. 28.
Cité in R. Stenersen, p. 145.
F. Rops, Le Plus bel amour de Dom Juan, 1886, illustration pour Les diaboliques de J. Barbey d’Aurevilly, eau-forte, 27.7 x 20.3, Paris, Bibliothèque Nationale. Reproduit in cat. 1991-92, Paris-Oslo, p. 156.
Munch, certainement initié par Strindberg, s’intéresse beaucoup aux sciences occultes pendant ses années berlinoises, mais sa curiosité perdure. Dans une note non datée, après 1900, il s’interroge sur la possible existence de revenants (Eggum, 1987, p. 36) .
T 2770, 1890. Une traduction légèrement différente (moins révélatrice des similarités de vocabulaire avec la pièce d’Ibsen) est publiée dans le catalogue 1991-92, Paris-Oslo, p. 348.
S. Obstfelder, Angoisse, Poésies complètes, 1974.
Les Revenants, 1920, lithographie aquarellée (rouge, jaune, bleu), 502x754, G/l 420-3.
Julius Bab, 10.11.1906, cité in F. & L.L. Marker, p. 117.
P. Kaenel, « Les Voyages et aventures du docteur Festus de Rodolphe Töppfer : d’une histoire en estampes à un livre illustré », p. 48.
P. Berthier, p. 903.
A. Antoine, « Causerie sur la mise en scène », 1903, publiée in J.P. Sarrazac & P. Marcerou, p. 119.
E. Zola, p. 343.
V. Meyerhold, Ecrits sur le théâtre, p.107.