La spécificité de l’approche munchéenne de l’illustration est particulièrement flagrante dans une pièce comme Peer Gynt, dont la structure dramatique et la réflexion philosophique qui l’accompagne sont étroitement intriquées à la logique chronologique. La pièce est découpée en cinq actes, chaque acte correspondant à une tranche d’âge du héros : l’acte I nous le montre encore adolescent, l’acte II symbolise son passage à l’âge adulte par ses activités amoureuses, étape qui se conclut à l’acte III par ce qui devrait être le renouvellement des générations - la mort de sa mère et son union manquée avec Solveig - ; on retrouve Peer à l’acte IV, «entre deux âges » après plusieurs années d’errance, puis à l’acte V, « vieillard vigoureux ». La vie du héros se déroule devant nous, moins par souci de réalisme que pour aboutir à la démonstration finale selon laquelle toute la vie de Peer aura été sans fondement et stérile. A la différence des pièces ultérieures d’Ibsen, où le drame se déroule rétrospectivement - la pièce commence à une étape déjà avancée de l’histoire, dont les tenants et aboutissants sont dévoilés au spectateur peu à peu, comme par hasard - ici il se soumet à une continuité biochronologique :
‘« In Peer Gynt the movement, though interrupted by moments of retrospection, is generally forward in time, however ‘roundabout’ (to use the Boyg’s term) philosophically. The cumulative effects of Peer’s precipitate excursions can be more easily appreciated if the critic adopts Ibsen’s own chronological principle. And the links which bind the realistic with the expressionnistic episodes also become more apparent in such an approach : the fictive reality of Peer’s world, in which psychological realities, folklore, myth, ancient history and contemporary social and political events are related, almost demands that the idea of forward movement in time (whether positive or negative in its effects) should not be violated by the critic. Philosophically Peer may discover, to quote his words to the Boyg, thatMunch, pourtant, prend le contre-pied de la structure chronologique. Loin d’exploiter le mouvement continu circulaire, il le fragmente en pièces autonomes qu’il dispose au hasard - à charge du spectateur d’en faire la synthèse. Si le fait que les illustrations soient réalisées parfois à des décennies d’intervalle, est une des raisons principales de ce manque d’unité , il ne saurait l’expliquer entièrement. Même lorsque l’artiste illustre la pièce en série, comme dans le carnet T 201, le fil chronologique et la logique dramatique ne sont pas respectés, pour preuve l’instabilité de la caractérisation morphologique du héros, élément essentiel du récit.
Peer Gynt s’ouvre sur une querelle entre Peer et sa mère, qui l’accable de reproches. La scène permet de présenter d’emblée toute la complexité et le charme du personnage : fantasque, doté d’une imagination débordante, il agace par son insouciance mais désarme par sa bonne humeur. Son portrait physique, en revanche, se résume à une phrase laconique de l’auteur - « ‘Peer Gynt, un garçon de vingt ans solidement bâti’ » - ce qui laisse le champ libre à l’illustrateur. De fait, dans les diverses versions de cette première scène, on sent l’artiste hésiter, tâtonner pour établir le premier portrait de Peer (fig. 79-81). Un croquis (fig. 79) est directement inspiré d’un tableau conçu comme un des pans d’un tryptique sur les trois âges de l’homme, La Jeunesse 455. Peer ici dépasse à peine la quinzaine d’années ; il semble bien jeune pour être un séducteur, et est plus un Chérubin qu’un Dom Juan. Pour cette raison peut-être l’artiste fait évoluer son personnage, cherchant à le vieillir et le durcir : les traits deviennent plus allongés (fig. 80), plus marqués (fig. 81). Néanmoins, des traits communs se dégagent des différentes versions du premier acte, pour élaborer un portrait caractéristique de notre héros : les yeux ronds, écarquillés - « les yeux grands ouverts » dit mère Åse - traduisent sa vivacité d’esprit et son insatiable curiosité, la chevelure claire et ondulée souligne son caractère juvénile ; la bouche petite et charnue, aux lèvres souvent entrouvertes, témoigne de sa sensualité et de son appétit de vie. Le contraste entre une tête petite, enfantine, et un corps déjà bien développé, témoigne de la phase ambiguë de l’adolescence dans lequel Peer se trouve, les besoins et le corps d’un homme cohabitant avec un esprit encore immature soumis à son imaginaire. C’est une très fine analyse morpho-psychologique que nous livre ici l’artiste, qui s’attache plus à cerner la nature profonde du personnage qu’à rendre le sujet de la scène.
Dans les différentes versions de la scène suivante, qui montre Peer s’invitant au mariage célébré à la ferme d’Hægstad, sa physionomie générale reste sensiblement la même, celle d’un jeune homme solide mais encore poupin. L’encre T 1593 (fig. 82) correspond à l’arrivée de Peer, qui révèle sa fragilité. Lorsqu’« animé et plein d’ardeur », il se heurte à l’indifférence générale, son apparente sûreté s’effondre :
‘« Là-dessus, Peer est devenu muet. Timidement, il lorgne en cachette vers le groupe. Tous le regardent, mais personne ne lui parle. Il approche d’autres groupes. Là où il arrive, on fait silence ; s’éloigne-t-il, on sourit et on le suit des yeux.La composition est construite pour restituer le désarroi de Peer qui, au premier plan, reste isolé au centre de la cour, livré au regard hostile de ceux qui l’entourent. Seul, les bras ballants, il fait figure d’accusé. Le caractère juvénile de son visage est accusé, et même sa tenue vestimentaire, par une licence de l’illustrateur, a changé : ce n’est plus le robuste paysan, en chemise débraillée, aux manches retroussées, qui nous fait face, mais un jeune garçon fragile, en costume, soucieux du regard extérieur.
L’acte I se terminait sur l’enlèvement de la mariée par Peer, le rideau s’ouvrant à l’acte II sur la querelle pleine d’amertume entre les deux amants. Une journée tout au plus s’est déroulée entre les deux scènes, mais Munch choisit de privilégier la représentation symbolique au détriment de la cohérence dramatique, et souligne l’entrée de Peer dans l’âge adulte à travers l’expérience sexuelle. Les quelques dessins à l’encre évoquant les amours entre Peer et Ingrid (fig.83-84), font le portrait d’un homme au corps musclé, au cou épais, au large biceps. L’atmosphère est aussi poétique dans l’encre qu’elle est brutale dans le dessin T 1625 (fig. 83),où les corps sont rendus avec précision, au crayon puis repris à l’encre. Tandis que la position du corps raide d’Ingrid montre une passivité déshumanisante, les traits de Peer sont accentués par de petites hachures, en particulier les sourcils et la bouche, conférant une étonnante dureté au visage, tandis que la composition axée autour de la poitrine dénudée d’Ingrid souligne la crudité de l’acte consommé sans amour. Cette image d’une sensualité froide est aux antipodes des tendres portraits de couples enlacés que le peintre a pu réaliser dans les années 1910-1915456.
La physionomie de Peer semble être devenue définitivement celle d’un homme mûr et sûr de lui, et c’est ainsi qu’il apparaît tout au long de ses pérégrinations amoureuses, que ce soit dans les différentes versions des Lamentations d’Ingrid ou des Filles des pâturages 457. Lorsque Peer fait la connaissance de la Femme en Vert et la suit dans sa famille, qui se révèle être le royaume des trolls (fig. 85-86), le portrait qu’en fait Munch devient cependant contraire à toute logique, car l’artiste accentue la maturité du personnage au point que celui-ci est représenté comme le vieil homme qu’il sera au dernier acte, tandis que l’histoire ne laisse écouler que quelques semaines tout au plus entre le Peer de la première scène et celui des trolls. La déchéance de Peer est ici morale, mais l’artiste choisit de la figurer sur le plan physique. C’est par la confrontation entre le vieillard et la jeune femme, elle -même assez répugnante, ce dont il doit s’accommoder, que l’artiste souligne le peu de lucidité du personnage et sa pathétique poursuite d’amours illusoires, confondant sexualité débridée et sublime amour, courant les créatures les plus monstrueuses tandis que l’attend la pure Solveig.
Pourtant, entre ces épisodes amoureux, Peer réapparaît redevenu jeune homme, lorsqu’il est poursuivi par le village (fig. 27-29). C’est également sous les traits d’un adolescent que Peer se montre au troisième acte, lorsqu’il retrouve sa mère à l’agonie. Toute la scène repose en effet sur l’intensité du lien affectif entre Peer et Åse, et l’artiste prête au héros, qu’il soit adulte ou non, le désarroi et la tendresse d’un enfant pour sa mère, bien que la composition, suivant en cela le texte, montre l’inversion de la relation parent-enfant qui s’instaure dans cet accompagnement prévenant vers la mort (fig. 87-89).
Entre le troisième et le quatrième acte, au moins vingt ans ont passé. Nous quittions à la fin du troisième acte Peer, jeune homme vigoureux, fantasque mais affectueux. Nous le retrouvons à l’acte IV en amphitryon sur la côte marocaine, « ‘bel homme entre deux âges, en élégant costume de voyage, avec un lorgnon d’or sur la poitrine’ ». Les diverses péripéties qui attendent notre héros au cours du quatrième acte le font tour à tour perdre sa fortune, devenir prophète d’une tribu arabe, puis savant en Egypte, pour terminer dans un asile au Caire. Les réactions de l’homme qui traverse ces épreuves montrent que les années n’ont fait qu’accentuer ses défauts de jeunesse ; sur le déclin, cynique et mégalomane, il n’est pour l’heure sauvé que par son indéfectible sens de l’humour. L’Odyssée de Peer n’est jamais qu’une parodie, dont l’auteur s’ingénie avec une ironie féroce à souligner le fossé entre la vision idéalisée qu’en cultive le héros et la réalité dérisoire. A la fois voyage initiatique, quête d’aventure épique et errance expiatoire, parfois aux confins du fantasme hallucinatoire, ce long cheminement est aussi, symboliquement, le parcours intérieur d’un homme à la recherche de lui-même.
Là encore, Munch traite la logique dramatique avec légèreté. Si tous ses portraits de Peer dorénavant sont ceux d’un homme mûr, il peut en accentuer ou en estomper le caractère vieillissant, selon qu’il veut rendre la fragilité du personnage ou son ridicule. Dans les dessins de la première scène (fig. 90-92), la caractérisation physionomique du personnage correspond de façon très étroite à celle prescrite dans les didascalies, dandy élégant, au visage carré, au front haut, portant binocles. Dans la scène suivante, cependant, dans laquelle Peer dépouillé de ses biens par ses soi-disant amis se retrouve perdu dans le désert, réfugié en haut d’un arbre, l’artiste a abandonné ce choix de modèle, et nous donne une représentation de Peer beaucoup plus jeune et fragile (fig.93-94). A contrario, les versions des scènes entre Peer et Anitra véhiculent dans l’ensemble l’image d’un homme mûr, parfois même d’un vieillard qui accentue le discours de l’auteur au point d’en modifier le sens458. C’est également en vieillard que Peer est représenté dans les scènes de la fin de l’acte IV, lorsqu’il est entraîné par l’inquiétant savant Begriffenfeldt dans son asile (fig. 95).
Dans le dernier acte de la pièce, dont on peut spéculer inlassablement sur la nature fantasmatique ou non459, Peer apparaît comme un vieillard. Toute la construction de ce dernier acte repose sur la confrontation de l’homme avec la mort, et la caractérisation physionomique du personnage pouvait dès lors difficilement se soustraire au critère de l’âge. En effet, hormis un croquis du naufrage460 qui montre un Peer étonnamment jeune, l’ensemble des dessins portant sur l’acte V présente une relative constance dans la physionomie du personnage, aux traits vieillis, conforme au « vieil homme vigoureux » d’Ibsen. En revanche, sa tenue vestimentaire n’est pas exempte de modifications subtiles destinées à représenter le personnage en accord avec la situation vécue par lui. C’est ainsi que dans la scène du cimetière, lorsque Peer rentre enfin chez lui après son long exil, la logique dramatique voudrait qu’il ait conservé la tenue prescrite par Ibsen dans l’introduction à l’acte V : « ‘il est en partie vêtu en marin, veston et hautes bottes. Costume assez élimé et râpé ’». Munch en revanche s’attache plutôt à souligner l’errance de Peer (fig. 96), qu’il affuble d’une besace et d’un bâton - deux objets qui constituent les attributs classiques du vagabond depuis les représentations médiévales du Juif errant. L’expression de l’homme devient fragile et douloureuse, son corps las et voût repose sur le bâton transformé en canne. Rien ici de l’arrogance ni de l’énergie qui habitent encore le vieux Peer du texte. Cet homme humble et digne, poursuit son chemin sous l’oeil compatissant des paysans qui, en habits, immobiles, semblent former pour lui une haie d’honneur. La scène se teinte d’une gravité mélancolique, et la frise verticale, tout à droite de l’image, des croix et de la silhouette à peine visible du pasteur dans le dos de Peer, se lit comme le signe annonciateur de sa propre mort : « ‘Si, avec mon bâton, je n’étais pas là au bord de la tombe de ce parent spirituel, je croirais bien que c’est moi, moi qui dors et qui entends dans la réalité de mon rêve mon éloge et ma louange’ ». C’est également particulièrement émouvant qu’apparaît Peer dans la dernière scène, lors de ses retrouvailles avec Solveig lors de ses derniers instants (fig. 97). L’auteur, mettant en parallèle la mort de Peer avec la célébration de la Pentecôte, faisait de l’image finale de Peer blotti dans le giron de Solveig assise, celle d’une Pietà empreinte de douceur et de sérénité. Munch en revanche a préféré privilégier le thème de la réconciliation amoureuse, et montre le couple enfin réuni dans les bras l’un de l’autre - image d’un amour idéal où homme et femme se soutiennent mutuellement. Solveig s’est blottie contre l’épaule de Peer, y trouvant force et protection ; les yeux fermés, elle le touche de la main comme pour s’assurer de sa présence. Peer a rejeté la tête pour l’accueillir et tout son visage - les yeux fermés, le sourire naissant, les muscles du visage tendus - exprime une émotion extatique. Vu en légère contre-plongée, droit et vigoureux, son corps paraît énorme à côté de celui, fragile, de Solveig. Il a retrouvé la force de ses jeunes années, tout comme Solveig, dont le visage rendu plus pur encore par ses yeux sans vie, a gardé les traits d’une adolescente – réminiscence de la jeunesse éternelle de la Madone, seule référence discrète à la dimension mystique du texte.
Dans l’écriture symbolique de Munch, chaque personnage qu’endosse Peer l’a transformé physiquement; tel un caméléon, il navigue d’un être à l’autre, finissant par ne plus savoir qui il est véritablement : c’est tout le sens de la pièce, tel qu’il est explicité dans la célèbre scène de l’oignon, que paradoxalement Munch n’a pas cherché à représenter. L’artiste délaisse la logique dramatique pour se concentrer sur le moment vécu, caractérisant son personnage non dans le continuum chronologique, mais dans la situation traduite dans toute sa complexité. Chaque état du personnage est retranscrit de façon autonome, chaque transformation psychique donne lieu à une métamorphose physique.
Mais cette distorsion de la logique dramatique est double : si le fil chronologique est rompu pour mieux expliciter chaque événement, celui-ci peut être repris et multiplié autant de fois que l’illustrateur le juge nécessaire à sa totale restitution. Munch dans ses dessins, s’appuie sur le principe de répétition thématique, en proposant différentes visions d’une même scène, dont la succession des compositions reconstitue peu à peu la complexité du sens : c’est le cas, parmi beaucoup d’autres, de La Danse d’Anitra, dont chaque version donne une lecture différente du même épisode. 011
« Dans Peer Gynt, le mouvement, bien qu’interrompu par des moments rétrospectifs, procède généralement de l’avant dans le temps, même si, philosophiquement, il ‘fait le tour’ (pour utiliser les termes du Boyg). Les effets d’accumulation des excursions précipitées de Peer seront plus aisément appréciés si le critique adopte le principe chronologique d’Ibsen. Et les liens entre les épisodes réalistes et expressionnistes deviennent également plus apparents avec une telle approche : la réalité fictive du monde de Peer, dans laquelle sont relatés les réalités psychologiques, le folklore, le mythe, l’histoire ancienne et les événements contemporains sociaux et politiques, exige presque que l’idée d’un mouvement vers l’avant dans le temps (qu’il soit positif ou négatif dans ses effets) ne soit pas déflorée par le critique. Philosophiquement, Peer peut découvrir, pour citer ses paroles au Boyg, que
« Vers l’avant ou vers l’arrière, c’est tout aussi loin ;
Dehors ou dedans, c’est tout aussi droit » :
Il est un héros et une parodie de héros, un menteur ou un digter [poète], un esthète ou un visionnaire tour à tour ou simultanément. Et tant d’un point de vue philosophique que psychologique, son périple semble former un grand cercle – du ventre d’Åse au giron de Solveig ».
J. Chamberlain, Henrik Ibsen : the open vision, Londres, 1982, pp. 29-30.
La Jeunesse, 1911, huile sur toile, 211x95, M 704 ;
Etude pour La Jeunesse, 1908, huile sur toile, 78x59, M 196.
Homme et femme, 1912-15, aquarelle et fusain, T 1362.
Baiser sur l’oreille, 1914, eau-forte, 118 x 178, G/r 168.
Voir Troisième partie, II, 3-4..
Voir Deuxième partie, III.
L’acte V est généralement considéré comme de nature onirique, les scènes n’étant que le fruit de l’imagination de Peer au seuil de la mort :
« Nobody, one hopes, any longer takes the last act of Peer Gynt at its face value, as the return of an old man to his youthful love ; such an ending would have been, for Ibsen, most untypically banal and sentimental, two adjectives which recur frequently in contemporary criticisms of it. Whether one regards Peer as having died in the madhouse at the end of Act Four, or in the shipwreck at the beginning of Act Five, we most surely take that fifth act as representing either the unreeling of his past life in his mind at the moment of death or (which is perhaps the same thing) as the wandering of his soul in purgatory
[Personne, espérons-le, ne prend plus le dernier acte de Peer Gynt au pied de la lettre, comme le retour d’un vieil homme à son amour de jeunesse ; un tel dénouement aurait été, de la part d’Ibsen, étonnamment banal et sentimental, deux adjectifs qui reviennent fréquemment dans les critiques contemporaines. Que l’on considère que Peer meurt à l’asile à la fin de l’acte IV, ou dans le naufrage au début de l’acte V, on doit lire ce cinquième acte très probablement comme la représentation, soit du déroulement de sa vie passée dans son esprit au moment de sa mort, soit (ce qui est peut-être la même chose) de l’errance de son âme au purgatoire]». (M. Meyer, 1967, p.202)
Il nous paraît cependant difficile d’être aussi catégorique sur la nature fantasmatique des épisodes, l’oeuvre étant dans son entier tellement libre et déroutante qu’elle exclut a priori toute lecture réaliste. Il est certain que chaque épisode de ce dernier acte est chargé d’une valeur symbolique et philosophique, que ne possédaient pas toujours les épisodes souvent légers des premiers actes ; que la fin soit fantasmée ou vécue par notre héros, n’est au fond pas une question primordiale pour le lecteur ou l’illustrateur. Réalisme et merveilleux se sont entremêlés tout au long de ce poème ; pourquoi refuser soudain de suivre l’auteur jusqu’au bout dans les méandres de son imagination ?
Le Naufrage : Peer sur la quille, années 1920, crayon et encre, 215x276, T 201-53.